La Presse Pontissalienne 148 - Février 2012

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 148 - Février 2012

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SUISSE : VOTRE VOISIN VOUS VEUT-IL DU BIEN ?

Ce voisin que vous pensiez bien connaître cache-t-il son jeu ? En baladant sa plume dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud, La Presse Pontissalienne a donné la parole aux Suisses impliqués dans la sphère économique, politique, associative et médiatique. Réputés patriotes, perçoivent-ils les frontaliers comme un ver dans le fruit, simplement prêts à consommer l’argent sans jamais participer à l’économie locale ? En fait, si le nationalisme est bien visible à Genève, il l’est beaucoup moins dans la Vallée de Joux et dans les montagnes neuchâteloises où le taux de chômage ne dépasse pas les 4 %. Il n’empêche : les tensions sont toujours palpables d’un point de vue social : les Helvètes en ont marre du trafic routier et la hausse du franc conduit à creuser un fossé dans les sociétés. D’un côté comme de l’autre de la frontière, une vie à deux vitesses est en marche.

FRONTIÈRE Vu de Suisse Français,

culier le Haut-Doubs, ont intérêt à marier leurs efforts avec l’Arc Juras- sien pour se construire un destin com- mun. Au regard de ce qui se passe dans la vallée de Joux, où des Français ne travaillent pas seulement en Suisse mais s’investissent aussi dans les clubs sportifs locaux, on se dit que ce chan- tier a déjà débuté. Pour beaucoup de Français et de Suisses, la frontière qui sépare nos deux pays est devenue imperceptible. Pourtant, c’est bien cette limite admi- nistrative qui donne à ces territoires limitrophes des spécificités. N’est-ce pas la proximité de la Suisse qui tire vers le haut les prix de l’immobilier dans le Haut-Doubs ? Le petit com- merce helvétique de La Chaux-de- Fonds ou du Locle ne déplore-t-il pas la fuite d’une partie de sa clientèle qui a intérêt à consommer en France, à Pontarlier, àMorteau, àVillers-le-Lac ? Le rapport monétaire entre le franc suisse et l’euro y est pour beaucoup dans l’évolution de la plupart des pro-

blématiques trans- frontalières actuelles. Elles sont accentuées par les accords bila- téraux qui autorisent la libre circulation des personnes, ratifiés par la Suisse en 2002. À écouter Jacques- André Tschoumy, le débat ne peut pas se cantonner à la ques- tion financière. “La Suisse a la chance d’avoir la Franche- Comté toute proche pour assurer son déve- loppement écono- mique. Nous avons l’emploi, vous avez la main-d’œuvre. Nous avons des compétences communes, dans l’horlogerie par exemple, qui aboutis- sent à des formations

bienvenue chez nous ! Les cantons de Vaud et de Neuchâtel sont de ceux où les travailleurs frontaliers sont plutôt bien accueillis. Cette forme de sympathie réciproque est un facteur favorable dans la construction d’une région transfrontalière voulue par certains.

I l faut s’en réjouir : la cohabita- tion entre les Suisses et les fron- taliers est plutôt heureuse dans les cantons de Vaud et de Neu- châtel. Les hostilités des autoch- tones à l’encontre des pendulaires sont plus sporadiques et moins véhémentes comparé à ce qui se passe dans le can- ton de Genève où le parti M.C.G. (Mou- vement citoyens genevois) gagne du terrain dans l’opinion publique avec des slogans sans équivoque : “Réser-

dans le canton deVaud (6 % des actifs). “Dans le contexte économique actuel, on engage à la fois plus de Suisses et plus de frontaliers. Cette idée que les Français piquent nos places dans les entreprises est tout à fait fausse. Il faut sortir de ce raisonnement-là” insiste le Neuchâtelois Jacques-André Tschou- my, président du Forum Transfronta- lier. Ce spécialiste des problématiques transfrontalières est même convain- cu que, la Franche-Comté et en parti-

vons les emplois aux Genevois, Fron- taliers assez !” Le M.C.G. affuble de tous les maux ces maudits français qui prennent, selon lui, leur travail aux Suisses de souche. Si tel devait être le cas, le constat ne se vérifie pas dans le canton de Neu- châtel où le taux de chômage avoisine les 4,5 % (2,8 % en Suisse), soit un point de moins qu’à Genève. 9 000 fron- taliers travaillent dans ce canton (10 % des actifs), et un peu moins de 20 000

“Une zone de co- développe- ment.”

communes. Voilà l’avenir à suivre. Je reconnais volontiers qu’actuellement le système n’est pas sain puisque la France finance des formations à des élèves qui vont ensuite travailler en Suisse. Cependant, à mon sens, il faut concevoir cette région frontalière com- me une zone de co-développement.” La Franche-Comté et l’Arc Jurassien auraient donc beaucoup à partager, comme Bâle et Mulhouse, une agglo- mération transfrontalière qui est un bel exemple de co-développement. Elle est devenue un carrefour européen. Les gens habitent dans ce coin d’Alsace, travaillent en Suisse et consomment enAllemagne où les produits de consom- mation courante sont moins chers. Preuve de cette mobilité, de passage dans le Haut-Doubs en novembre der- nier, Michel Faillettaz le Consul géné- ral de Suisse à Lyon, a indiqué qu’actuellement “180 000 Français vivent en Suisse et autant de Suisses vivent en France. Depuis le mois de mai, nous avons enregistré une aug- mentation de 2 500 personnes sur le nombre de Suisses immatriculés en France.” La Suisse a peut-être les emplois, nous avons encore le cadre de vie. T.C.

Le canton de Neuchâtel

emploie 9 000 frontaliers et celui de Vaud un

peu moins de 20 000.

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