La Presse Pontissalienne 147 - Janvier 2012

LA PAGE DU FRONTALIER 38

La Presse Pontissalienne n° 147 - Janvier 2012

HORLOGERIE

Investissements Les Chinois intéressés par les fabriques d’horlogerie suisse O n savait les Chinois amateurs de montres suisses. Mais on igno- rait que l’Empire du Ils sont en train de franchir un nouveau cap : ne plus seulement être clients, mais devenir également propriétaires. Aperçues en Vallée de Joux, des délégations chinoises donnent lieu à des spéculations.

parler des éventuels liens qu’elles établissent avec lesAsia- tiques. Il existe des avantages néanmoins des avantages à “coopérer”. Pour l’horloger suis- se - qui se vendra partiellement, ou intégralement - c’est la garan- tie d’un accès illimité à un mar- ché de plus de 400 millions de Chinois au pouvoir d’achat suf- fisant. L’exemple de la reprise, en juillet dernier, de la manu- facture Éterna, pour 23 millions de francs suisses (18,86 millions d’euros) par le groupe China Haidian, a permis d’augmenter ses points de vente en Asie de 40 %. Quant au départ de la qualité Swiss made à Hong-Kong, il semble peu probable. Faisons confiance à nos voisins, habiles négociateurs qu’ils sont pour ne pas laisser disparaître leur savoir-faire.

Chong, preuve que les liens sont établis. Cette famille investit régulièrement et croit au poten- tiel industriel. “Pour l’instant, je n’ai jamais reçu de Chinois dans mon bureau” commente ironiquement Éric Duruz, direc- teur de l’Association pour le Développement des Activités Économiques de la Vallée de Joux (A.D.A.E.V.E.). Les Chinois n’ont en effet pas besoin de l’A.D.A.E.V.E. pour

Milieu s’intéressait de près, de très près même, aux manufac- tures horlogères et à leur outil de production. En novembre, puis en décembre, des délégations chinoises ont été aperçues dans la Vallée de Joux et à Plan-des-Ouates vers Genève rapporte le site Inter- net suisse “Business Montres”. Cette arrivée donne lieu aux plus folles spéculations de l’autre côté de la frontière d’autant que la marque Chronoswiss gérée par Gerd Rüdiger Lang pour- rait répondre aux sirènes de Haidian, groupe chinois déjà propriétaire de la marque Éter- na et de Porsche Design. Par ailleurs, le groupe Isa Swiss, qui possède une unité de pro- duction à Villers-le-Lac, appar- tient déjà à la famille chinoise

Au salon de l’horlogerie à Bâle, les Chi- nois viennent acheter les montres. Aujourd’hui, ils investis- sent dans les entreprises suisses.

aller à la ren- contre des pres- tigieuses manu- factures implantées au Sentier ou ailleurs. D’ailleurs, c’est un secret de polichinelle : les entreprises ne souhaitent pas

Les entreprises

ne souhaitent pas en parler.

Le président de la fédération horlogère suisse “Si l’achat est spéculatif, il faudra s’inquiéter” Jean-Daniel Pasche ne voit pas la Chine comme un adversaire mais comme un partenaire. À certaines conditions. L a Presse Pontissalienne : Des délégations chinoises ont été aper- çues en Vallée de Joux ou dans le canton de Genève récemment. En avez-vous eu connaissance ? Jean-Daniel Pasche : Nous savons que des délégations chinoises viennent régulièrement en Suisse et plus particulièrement dans nos régions horlogères avec des motifs divers : simples visites, business, missions officielles, etc. Certaines nous ren- dent visite à la fédération horlogère à Bienne. Certes, nous ne sommes pas informés de toutes les délégations. L.P.P. : Clients devenus fidèles, les Chinois veulent-ils devenir propriétaires et ainsi s’accaparer votre outil de production ? La F.H.S. a-t-elle un rôle à jouer ? J.-D.P. : Il est vrai que des milieux d’affaires chinois investis- sent dans des entreprises horlogères suisses. Le fait que des hommes d’affaires asiatiques investissent dans notre branche n’est pas nouveau en soi. Ce phénomène existe depuis long- temps : Japon, Chine, Hong-Kong, Taïwan, Singapour, etc. La fédération n’a pas à intervenir dans les transactions qui mettent aux prises un vendeur et un acheteur. Nous vivons sous le régime de la liberté du commerce, et les investisse- ments à l’étranger en font partie. Des Suisses investissent à l’étranger et des étrangers investissent en Suisse, ce qui est normal. Notre pays négocie régulièrement des accords de libre- échange et des accords sur la protection des investissements pour ainsi favoriser le commerce. L.P.P. : Les fabriques suisses s’en inquiètent-elles ? J.-D.P. : Ce n’est pas l’achat en soi qui est problématique mais la motivation de l’acquéreur. Si celui-ci veut investir sur le long terme pour développer la marque et les produits afin

ÉCONOMIE

Une coopération qui fonctionne À qui profitent les fonds Interreg ? 26 millions d’euros de financement ont soutenu 79 projets transfrontaliers. Témoignage de l’Observatoire de Franche-Comté qui a créé le prototype de l’horloge la plus stable au monde avec l’appui d’un industriel de Neuchâtel. Avis aux amateurs.

L’ Europe vacille sur les marchés financiers mais elle subven- tionnera, aumoins jusqu’en 2013, des projets entre France et Suisse. Pontarlier via la route de l’absinthe a bénéficié (lire par ailleurs) de cet outil de développement visant à ren- forcer la dynamique de coopération transfrontalière. Sous la responsabi- lité de la Région Franche-Comté, Inter- reg fédère des acteurs économiques. Dernier exemple en date, la collabo- ration entre un laboratoire universi- taire bisontin et une entreprise neu- châteloise. Dans ce laboratoire, l’équipe du professeur François Vernotte a le sourire. Elle vient de réaliser le pro- totype d’une horloge composite pré- sentée comme la plus stable au mon- de. Sur le plan technique, c’est une véritable innovation. Elle n’aurait pu voir le jour sans ces fonds. Grâce à l’appui de la dotation euro- péenne à hauteur de 748 342 euros (236 667 de subventions publiques, 170 000 de F.E.D.E.R. et 40 000 francs suisses de fonds fédéraux), le labora- toire a mené à bien ce projet avec la collaboration de la société suisse Oscil- loquartz basée à Neuchâtel. Preuve qu’entre Français et Suisses, le courant peut passer d’un point de vue économique. Grâce à cette inven- tion, la société helvète va industria- liser puis commercialiser sur le mar-

Projets financés par Interreg en Franche-Comté

ché des télécommunications cet outil, qui permettra “la synchronisation des téléphonies de dernière génération” explique Patrick Berthoud, directeur technique de la société suisse. Si la commercialisation venait à fonction- ner durablement, le laboratoire récu- pérera des royalties. Les fonds Interreg jouent leur mis- sion : favoriser la mise en réseau des acteurs et des structures, augmenter Minnovarc (1 million dʼeuros) : le projet vise à renforcer le croisement, le métissage et lʼexpansion des réseaux de compétences technologiques et des contacts commerciaux pour que les entre- prises et les laboratoires de lʼArc juras- sien puissent accroître leurs options en matière dʼinnovation, marketing , et accès à des marchés proches ou lointains. Por- teur du projet : Chambre de commerce et dʼindustrie du Doubs,Arc jurassien.ch Route de lʼabsinthe à Pontarlier (129 750 euros) : objectif de mise en réseau de la filière absinthe franco- suisse et la mise en valeur touristique de cette route. Porteur du projet : Vil- le de Pontarlier, Association du pays de lʼabsinthe (suisse).

la compétitivité, aménager un terri- toire, ou plus largement, favoriser l’offre de transports publics. Jeudi 15 décembre, la représentante de l’Europe a réaffirmé que les fonds pour financer les projets étaient bien là. Reste à trouver les candidats. “C’est assez lourd de monter un dossier de financement” admet le professeur du laboratoire. Réponse de l’élue de la commission européenne MiriamBura- jova : “Ce sont des fonds publics. Nous nous devons de contrôler nos subven- tions. Les conditions ne seront pas faci- litées à l’avenir.” Si les dossiers sont compliqués à finaliser, le jeu en vaut la chandelle… E.Ch. Grâce aux fonds européens, le laboratoire de François Vernotte a créé une horloge révolutionnaire, présentée ici à une délégation européenne, de la Région Franche-Comté et de Suisse. - Les autres territoires directement éli- gibles sont le Territoire-de-Belfort, Jura, Ain, Haute-Savoie. Pour la Suisse, sont concernés : le Jura suisse, le canton de Vaud, de Neuchâtel, de Berne et du Valais Plateforme transfrontalière de for- mation professionnelle (167 476 euros) : lʼobjectif final sʼarticule autour de la reconnaissance de diplômes et de la valorisation des par- cours transfrontaliers. Il est porté par le G.R.E.T.A. du Haut-Doubs et le centre interprofessionnel de formation des montagnes neuchâteloises. Restauration du Pont de Biaufond (781 432 euros).

d’assurer l’avenir de notre branche, nous ne sommes pas inquiets. Si l’achat est spéculatif et vise le court terme, il y a de quoi s’inquiéter. L.P.P. : Existe-t-il un espionnage industriel ? J.-D.P. : Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne connais pas de cas concret. Ce qui existe à coup sûr dans notre branche, ce sont les copies de modèles ou de marques qui alimentent la contrefaçon. L.P.P. : Le groupe China Haidan est déjà propriétaire de la marque Éterna. Les fabriques devront-elles ouvrir leur capital pour pénétrer mieux encore cet immense marché de l’Empire du Milieu ? J.-D.P. : Je ne pense pas qu’il faille ouvrir son capi- tal pour pénétrer le marché chinois mais il faut trouver les bons partenaires pour établir un réseau de distribution efficace. Propos recueillis par E.Ch.

“Nous ne sommes pas inquiets.”

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