La Presse Pontissalienne 147 - Janvier 2012

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 147 - Janvier 2012

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Espoir Une enquête récente l’a encore démon- tré : les Français sont les champions du monde du pessimisme. Et savez- vous qui est le pays le plus optimiste ? Le Nigeria, une nation certes émer- gente mais engoncée dans des pro- blèmes un peu plus sérieux que la Fran- ce. C’est même un record depuis trente-cinq ans dans ce genre d’enquête d’opinion : huit Français sur dix esti- ment que 2012 sera une année de grandes difficultés économiques. On se demande ce qui justifie leur senti- ment ! La croissance française est en berne, les banques ne prêtent plus d’argent aux ménages, le prix des car- burants atteint des plafonds, l’immobilier est morose, la crise financière étale ses tentacules et les Mayas avaient annon- cé la fin du monde pour le 21 décembre prochain… Et si cette petite liste en effet très anxiogène n’était pas le para- vent artificiel d’un état d’esprit bien à la française ? Et si on cessait de regar- der le monde qui nous entoure par le petit bout de la lorgnette en rebattant quelque peu les cartes que nous pré- sentent à longueur de journée des médias, certains politiques aussi, d’un monde qui aurait perdu pied ? Les angoisses des Français ne sont-elles pas d’abord le symptôme propre à ces enfants gâtés quand ils n’ont pas tout et tout de suite ? Ces Français pessi- mistes savent-ils que leur revenu a fait un bond de 50 % depuis 1980, et que, malgré les apparences, l’arrivée de l’euro s’est également accompagnée d’une hausse de leurs revenus ? Que depuis trente ans également ils ont gagné 5 ans d’espérance de vie ? Bien sûr il y a trente ans, peu d’entre eux angoissaient pour payer leurs multiples crédits à la consommation, leur emprunt immobilier et leurs prêts pour les trois voitures du ménage. En un mot, ces Français d’avant qui savaient presque tous ne pas vivre au-dessus de leurs moyens, maîtrisaient leur avenir, donc leurs angoisses, car ils avaient déjà la main sur leur présent. Cicéron le disait déjà il y a plus de 2 000 ans : “Je ne me soucie pas du futur si je suis maître du présent.” En tentant de revenir à un peu plus de simplicité dans la façon d’aborder les choses qui les entourent, ces champions du pessimisme qui ont rayé de leur vocabulaire le mot “espoir” devraient en ce début d’année 2012 regarder d’abord en direction d’autres nations qui elles, ont de vraies raisons d’angoisser. Bonne année 2012 à tous, pleine d’espoir . Jean-François Hauser Éditorial est éditée par “Les Éditions de la Presse Pontissalienne”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : redaction@groupe-publipresse.com Directeur de la publication : Thomas COMTE Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Frédéric Cartaud, Édouard Choulet, Thomas Comte, Jean-François Hauser. Agence publicitaire : S.A.R.L. BMD - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04 Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Janvier 2012 Commission paritaire : 1102I80130 Crédits photos : La Presse Pontissalienne, Castro-Baldi, C.D.A. 25, N. Courtet, Gendarmerie, Frédéric Renaud, Terre Comtoise.

BÂTIMENT

2012, année de régression “650 emplois vont disparaître en Franche-Comté”

Serge Faivre-Pierret et Rodolphe Lanz.

Serge Faivre-Pierret, président de la Fédération du Bâtiment de Franche-Comté, et Rodolphe Lanz, secrétaire général, annoncent que l’année 2012 sera difficile pour les entreprises du bâtiment. Ils souhaitent que la loi de modernisation de l’économie soit corrigée car elle précipite les professionnels dans la crise. L a Presse Pontissalienne : En 2012, le secteur du bâti- ment devrait à nouveau marquer le pas après une année 2011 durant laquelle des signes de reprise étaient perceptibles. Qu’en est-il au juste ? Serge Faivre-Pierret : Il ressort des rencontres que nous avons eues avec les entrepreneurs du bâti- ment en Franche-Comté et au niveau national, un message d’angoisse pratiquement unanime sur l’ensemble du territoire français à l’exception peut-être de quelques régions, et de quelques grandes villes. L’activité va reculer de 1,9 %, sachant qu’en 2009 elle avait baissé de 8,3 % et de 3,8 % en 2010. À la F.F.B. nous estimons que 35 000 emplois vont disparaître au minimum dans notre secteur en France dont 650 en Franche- Comté sachant que le bâtiment emploie 1,2 mil- lion de personnes. En quarante ans de métier, je n’ai jamais vu cela. L.P.P. : Pourtant, il y a eu un plan de relance dès 2009. N’a-t- il pas permis au secteur du bâtiment de faire face à la cri- se ? Rodolphe Lanz : Le plan de relance a porté ses fruits en partie. Il a régénéré les carnets de commandes. Mais il a appauvri les entreprises compte tenu des conditions de paiement auxquelles elles sont soumises actuellement. Dans le bâtiment, on sait historiquement gérer les années difficiles, la chu- te des prix, la concurrence comme en 1996. Mais ce qu’on ne sait pas gérer, c’est la paupérisation de nos entreprises liée à la modification des flux financiers. L.P.P. : Un recul de 1,9 % est important. Néanmoins, on peut supposer que les entreprises puissent encaisser cette bais- se. À vous entendre, il y a d’autres facteurs que l’activité qui déstabilisent les sociétés du bâtiment. Quels sont-ils ? S.F.-P. : Au marasme de 2008 sont venus se greffer

des actes politiques qui ont un impact direct sur le fonction- nement des entreprises du bâti- ment. Parmi ces actes, il y a la loi de modernisation de l’économie (L.M.E.). À travers elle, l’État a modifié de maniè- re déraisonnée les délais de paie- ment entre un fournisseur et son client qui posent de vrais problèmes de trésorerie aux sociétés. L.P.P. : Quel est le problème au juste de la Loi de Modernisation de l’Économie de 2008 ?

tains cas, l’auto-entrepreneur peut être qualifié de travail illégal. Rien n’empêche une entreprise de se séparer de ses salariés pour en faire des auto-entrepreneurs. Cela existe. Dans ce cas, les auto-entrepreneurs sont devenus les nouveaux tacherons. Les responsables syndicaux que nous sommes ne peuvent pas tolérer ça. Cela fait quin- ze ans que nous mettons tout en œuvre pour amé- liorer l’image du bâtiment et les conditions de tra- vail de nos salariés.Avec ce genre de mesure, l’état fiche tout par terre. L.P.P. : Avez-vous des raisons d’être optimistes ? R.L. : Le seul espoir est quand on fait l’état des lieux des besoins immobiliers en France. Pour répondre à la demande, il faudrait créer 350 000 logements par an sur une dizaine d’années, et en rénover 400 000 autres tous les ans, cela sans compter la construction d’équipements collectifs. L.P.P. : Quelles sont les entreprises qui passeront le cap de la crise ? S.F.-P. : Celles qui passeront le cap sont celles qui ont de la trésorerie et qui ont réduit le nombre de salariés. Jusque-là, beaucoup d’entreprises ont voulu préserver leur personnel et leur outil de travail pour être opérationnelles au moment de la reprise. Elles ont eu raison de procéder ainsi car il y a eu un frémissement de l’activité en 2011. Mais le dernier trimestre de cette année n’a pas été bon. Le mot d’ordre aujourd’hui est de rédui- re la voilure. Il vaut mieux qu’une entreprise se sépare de 5 % de son personnel plutôt que de cou- rir le risque de tout perdre et de mettre la clé sous la porte. L.P.P. : 2012 est une année d’élection présidentielle. C’est une période en général moins propice à l’émergence de projets. Le redoutez-vous ? S.F.-P. : En effet, 2012 ne sera pas une année favo- rable à l’investissement. En revanche, c’est un contexte propice pour faire aboutir nos proposi- tions. Fin janvier, nous transmettrons à chaque candidat déclaré à l’élection présidentielle l’ensemble de nos propositions qui permettrait d’accompagner la reprise dans le secteur du bâtiment. Ultérieu- rement, nous les transmettrons à tous les candi- dats aux législatives. L.P.P. : Et 2013 ? S.F.-P. : Malheureusement, ce sera une catastrophe. La loi Scellier aura disparu, le Prêt à Taux Zéro est raboté, l’investissement immobilier sera tou- ché. Nous supportons beaucoup pour une activi- té qui est déjà en crise. Propos recueillis par T.C.

“2013 sera catastrophique.”

S.F.-P. : Les délais de paiements fournisseur se sont considérablement réduits. Une entreprise est tenue désormais de régler ses fournisseurs dans les 45 jours. Le problème est qu’au bout de la chaîne, les clients, qu’il s’agisse de particuliers ou de syndics de copropriété, n’ont aucune obligation de délai pour honorer les sommes dues aux entreprises du bâtiment. Les artisans attendent parfois cinq à six mois avant de se faire payer. Résultat, les entreprises jouent les banquiers et leur trésore- rie en prend un coup. Cette loi stupide accélère la dégradation du secteur du bâtiment. L.P.P. :Vous attendez donc que le gouvernement revienne sur le contenu de la L.M.E. ? S.F.-P. : La modifier réglerait une grande partie du problème des entreprises du bâtiment. Cela redon- nerait confiance aux entreprises et aux artisans. Nous sommes entrés dans la bagarre pour corri- ger cette loi inique afin que des règles de délai de paiement soient imposées aux particuliers qui ont recours au service d’une entreprise du bâtiment. La députée U.M.P. Françoise Branget a posé une question à ce sujet au gouvernement.Aujourd’hui, 110 parlementaires sont mobilisés.

“L’auto- entrepreneur est la légalisation du travail au noir.”

L.P.P. : La F.F.B. s’oppose également au sta- tut de l’auto-entrepreneur. Quels sont vos principaux griefs à cet égard ? S.F.-P. : L’auto-entrepreneur est la légalisation du travail au noir. C’est une escroquerie nationale. On auto- rise des gens à exercer un métier du bâtiment sans exiger d’eux une quelconque qualification. Ils n’ont pas d’obligation comptable, ils ne sont pas soumis aux mêmes règles du droit du travail. Ils ne font l’objet d’aucun contrôle. C’est une dis- torsion de concurrence ! Dans cer-

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