La Presse Pontissalienne 142 - Août 2011

16 DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 142 - Août 2011

Figure haute en couleur de la pêche au lac, Marius Dame prend la pause avec son ami Frédéric Bouëry qui a repris les rênes de

SAINT-POINT La troisième génération Une escale pour la vie

L e temps suspend son vol à la terrasse de l’Escale. Les personnages au carac- tère bien trempé n’ont jamais manqué de ce côté-ci du lac.À commencer peut-être par Paul Bouëry, le fondateur des lieux. Manchot depuis l’âge de 14 ans, ce Pontissalien a d’abord rive gauche du lac avant Saint-Point pérennise l’esprit guinguette qui régnait autrefois autour du lac. Authenticité. Le bar-restaurant de l’Escale situé sur la

l’entreprise familiale en 2003.

Vendeur de pattes, Paul Bouëry est à l’origine de

La buvette initiale s’est transformée en un restaurant avec vue imprenable sur le lac.

l’Escale, le seul bar-restaurant encore en activité au bord du lac.

vécu de petits boulots. “C’était comme on disait un vendeur de pattes.Comme il adorait la pêche, il a acquis ce petit bout de ter- rain en 1946” , précise son petit- fils. De la cabane à la buvette, il n’y a qu’un pas. Paul Bouëry s’est finalement retrouvé à la tête d’une guinguette où tous les pêcheurs du coin aimaient à se détendre. “Mon père a pris le relais avant de disparaître prématurément. C’est ma mère qui a fait tourner la boutique en s’occupant de ses enfants” note Frédéric Bouëry. La maman est toujours là avec ses filles et son fils. Cuisinier de formation, Frédéric Bouëry a roulé sa bosse à droite et à gauche. “J’avais envie d’aller voir ce qui se passe ailleurs” , poursuit l’intéressé revenu au bercail en 2003. À chaque génération ses inno- vations. Extension de la ter- rasse, de la cuisine, du parking sous l’ère de Frédéric qui a aus- si investi dans une station d’épuration. “La clientèle des pêcheurs tend à disparaître. On a réduit d’autant la location de barques.” Les trophées de bro- chets ornent toujours la salle de restauration. L’esprit guinguette de pêcheurs embaume toujours les lieux. “On reste attaché à un tourisme authentique, proche de la nature.” Les Francs-Comtois représentent 70 % de la clien- tèle de l’Escale. Le menu pro- posé à l’Escale s’est étoffé au fil des générations. La friture res- te d’actualité tout en accompa- gnant d’autres suggestions régio- nales comme la croûte forestière ou la truite au vin jaune. La recette semble porter ses fruits. L’effectif de l’équipe à

ossature familiale atteint une dizaine de personnes au plus fort de la saison. “On observe que les vacanciers viennent moins longtemps mais plus souvent” , poursuit lemaître des lieux. Cet- te évolution des comportements favorise l’étalement de l’activité d’avril à octobre. L’Escale fait de temps en temps l’objet de soi- rées thématiques.À 43 ans, Fré- déric Bouëry ne changerait pour rien aumonde. “Ma vie, c’est là” , sourit le gardien d’une belle tra- dition. Marius Dame, véritable légen- de de la pêche au lac aussi bour- ru qu’intéressant, est un habi- tué des lieux. Même TF1 s’est cassé les dents en essayant d’interviewer ce pêcheur invé- téré, farouche opposant au radar de détection des poissons et qui ne prendra jamais des pincettes pour vous dire ce qu’il pense. Un personnage. Ne lui parlez pas de l’état du lac. “Une catastrophe. Le lac n’arrête pas de s’envaser. Les ceintures végétales se réduisent comme peau de chagrin et on prend demoins enmoins de pois- sons.” Sans tomber dans le cli- ché, Marius Dame fait un peu figure de dinosaure. En digne représentant d’une race en voie d’extinction, celle des pêcheurs locaux qui ne quitteraient leur lac pour rien au monde. C’est tout juste s’il accepte que son épouse vienne le rejoindre dans sa modeste résidence les pieds dans l’eau où il réside 5 mois sur 12. Cette cabane, il l’a héritée de son père lui-même redoutable traqueur de brochets. Un temps qui semble révolu. F.C.

LES GRANGETTES Une résidence classée Villégiature de charme

pour familles fortunées

C ette saga n’aurait sans doute jamais vu le jour sans le génie de la famille Magrin. Les pre- miers hôteliers de Malbuisson ont vite compris l’intérêt de la publi- cité. Une de leurs réclames convainc l’épouse de Louis Neyron de séjourner en famille au bord du lac. Après l’hôtel et la location de villas, l’industriel déci- de en 1910 d’investir dans la construc- tion d’une superbe résidence dessinée sur les plans de l’artiste lyonnaisAugus- te Morizot. Baptisée “la Monte au Lever”, la bâtisse est toujours visible aux Grangettes. L’arrivée de la famille Neyron ne pas- se pas inaperçue. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit circuler dans le Haut- Doubs de somptueuses limousines de marque Rochet-Schneider. Ces auto- mobiles étaient fabriquées à Lyon. La famille Neyron se déplace bien sûr avec tout son personnel de maison. Elle recrute des “saisonniers” locaux qui s’occupent de l’entretien du domai- ne de 5 hectares et du vaste potager. Les histoires d’amour n’échappent pas à ce tourisme de villégiature qui rési- de tout l’été dans le Haut-Doubs. Une des filles de Louis Neyron succombe- ra à un des fils de la distillerie d’absinthe Colard dont la famille possédait aus- si des biens aux Grangettes. “Cette union donnera naissance à la branche comtoise de la famille Neyron” , rap- porte Catherine Gindre qui a épousé l’un des petits-fils du fondateur. Louis Neyron s’impliquera aussi dans la vie locale. Élu conseiller municipal, il joue un rôle accélérateur dans l’électrification de la rive gauche du lac. Inspirée d’une ferme comtoise, la Monte au Lever abrite un théâtre fami- vacances au bord du lac Saint-Point. Un tourisme patriarcal. En 1900, Louis Neyron, l’industriel lyonnais qui a lancé la marque de sous-vêtements Rasurel, prend ses premières

L’arrivée de la famille Neyron en automobile ne passe pas inaperçue aux Grangettes.

lial sous les combles qui fera le bon- heur des petits-enfants notamment. Ces vacanciers fortunés seront les pre- miers à s’adonner à certains loisirs aquatiques comme la baignade ou la voile. “Le lac a aussi incité Pierre Ney- ron, l’un des fils du patriarche à déve- lopper des collections de maillots de bain.” La filature connaît des fortunes diverses au fil des générations au point de sor- tir finalement du cercle familial. Face aux clivages et difficultés de tous ordres, les héritiers songent à se séparer de la résidence familiale dans les années soixante-dix. C’est là que se manifes- te Maurice Lagier. Le promoteur de Métabief s’intéresse aussi au dévelop- pement touristique du lac. Il leur pro- pose de racheter la Monte au Lever pour y construire 52 pagotins. “Heu- reusement, Blandine Pouzet, l’aînée des petits-enfants va refuser cette solution.” À défaut d’avoir les moyens de rache- ter tout le domaine, elle décide de via- biliser un lotissement de 16 parcelles tout en préservant un joli parc autour de la maison familiale inscrite aujour- d’hui monument historique. Chose inimaginable aujourd’hui, les vendeurs éprouvent les pires difficultés pour trouver acquéreur. “On baissait sans arrêt les prix au point que certains en ont profité pour acheter carrément deux

parcelles à la fois” ajoute Catherine Gindre. Les temps ont bien changé. La Monte au Lever reste toujours une propriété familiale. Elle abrite un gîte. En été, Catherine Gindre organise des visites du parc et de la maison le lun- di, vendredi et dimanche de 14 h 30 à 16 h 30. “On a mis en place une expo- sition sur le thème des vacances en 1900. Elle relate l’arrivée de la famil- le Neyron au bord du lac.” Renseigne- ments au 03 81 69 62 43.

Ce sont les vacanciers qui lancent la mode des loisirs aquatiques à Saint-Point.

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