La Presse Pontissalienne 142 - Août 2011

La Presse Pontissalienne n° 142 - Août 2011

15

MONTPERREUX La bourgeoisie locale L’été assurance touristes L’offre touristique n’était pas homogène, mais chacun y trouvait son compte ou s’efforçait de profiter des charmes d’un lac qui semble avoir pas mal perdu de son attractivité.

S i Malbuisson l’a toujours joué un ton au-dessus et reste encore la place forte du tourisme autour du lac, les autres communes ne sont pas restées inactives. Avec le passage du tacot, celles de la rive droi- te disposaient d’un atout supplémentaire face aux Grangettes et à Saint-Point. Chaon cap- tait plutôt la bourgeoisie pontissalienne. Chau- dron se voulait plus prolétaire, puisant sa clien- tèle dans les classes ouvrières. Comme à Port-Titi, les pêcheurs s’en donnent aussi à cœur joie de ce côté-là du lac. Les bonnes adresses ne man- quent pas pour qui cherche à passer un bon moment. Rien qu’à Chaon, il n’y a que l’embarras du choix entre l’hôtel du Lac, Chez Parmin, à L’Hermitage, chez le père Schnetzer ou encore l’hôtel du Bon Séjour. Cet établissement tenu par le pâtissier pontissalien Jacquet a été trans- formé en colonie de vacances. Comme l’hôtel de la Source Bleue d’ailleurs.

Les professionnels n’étaient pas les seuls à pro- fiter de cette manne touristique. C’est d’ailleurs l’un des paradoxes du lac. La plupart des habi- tants n’avaient aucun atome crochu avec le lac. Ils le considéraient même avec dédain. Beau-

coup ne s’y étaient d’ailleurs jamais trempés et lui tournaient délibérément le dos. L’arrivée du tacot n’a pas changé grand- chose sur le fond. Sauf que cha- cun s’est empressé d’accueillir des touristes. Christian Guyon, la mémoire iconographique du Haut-Doubs qui vit aussi à Chaon, se sou- vient. “Mes parents recevaient les exploitants d’un hôtel à Bains-les-Bains. Ils venaient en famille du 10 juin au 24 sep- tembre avec leur cuisinier et leur

Chacun s’est empressé d’accueillir des touristes.

bonne. À se demander quand ils travaillaient” , s’étonne le collectionneur de cartes postales. L’appât du gain était tel que certains quittaient leur propre maison pour la louer et partaient s’installer provisoirement dans un petit studio. L’avènement de l’automobile aura finalement raison de cet âge d’or du tourisme autour du lac. Hormis une buvette saisonnière à Chau- dron, il n’existe plus aucun restaurant ou café à Montperreux. F.C.

Le lac en chiffres Plus de 80 millions de m 3 d’eau L es secrets du lac ne résident pas seulement dans la légende de Damvauthier. Les esprits calculateurs savent aussi exploiter de façon insolite ses caractéristiques physiques. Situé à 848,95 m dʼaltitude, le lac Saint-Point couvre une superficie de 398,20 hectares. Au niveau de réfé- rence, il représente un volume de 81,614 millions de m 3 dʼeau. Si le fond était plat, sa profondeur ne dépasserait pas 2,04 m. La construction du barrage dʼOye-et-Pallet qui remonte à lʼannée 1930 offrait la possibilité de monter le niveau de 2 mètres, ce qui correspond aussi au doublement du volume. La topographie du fond du lac révè- le lʼalignement de six entonnoirs dont certains tutoient les 40 m de profondeur. Le plus profond étant situé entre le Vézenay et Saint-Point. Autre calcul sympathique, quand le lac est recou- vert de 10 cm de glace, le volume de glace cor- respondant tiendrait dans un cube de 73,7 m dʼarête.

Les coins sym- pathiques pour se restaurer au bord du lac ne manquaient pas.

La profondeur maximale du lac et de 40 m.

Zoom Chez le père Schnetzer

T ous les anciens pêcheurs du lac se souviennent de ce patrondu café-restau- rant baptisé Port-Gentil. Origi- naire de Fleurier, Jean Schnet- zer a longtemps travaillé à Pontarlier avant de venir sʼétablir à Chaon au bord de la plage. Cʼétait juste avant la dernière guerre. Pas de chiqué à Port-Gentil. Ici, tout est nature et sympathique. Devant la maison en planches toujours repeinte aux chaudes couleurs espagnoles, une ter- rasse rustique avec tables, bancs et chaises. Un ponton en bois avance sur lʼeau auquel sont amar- rées les barques proposées en location. Le père Schnetzer ouvre son bis- trot de Pâques à la Toussaint.

Visage très coloré par la vie constante au grand air et au soleil, yeux vifs et malicieux, petite mous- tache à la Charlot, corps sec mais musclé et robuste, tel est son signalement. Lʼhomme à la cas- quette de marin porte pantalon de coutil et se déplace toujours chaussé de grandes bottes en caoutchouc. Lʼair du lac lui profi- te. Jamais malade, toujours à sʼaffairer sans répit après sa mai- son ou dans le voisinage. Chas- seur, ramasseur de champignons, dʼescargots, il sʼadonne aussi à la pêche. Si un client se présen- te, il lui suffit de suivre les ins- tructions notées sur lʼardoise accro- chée près de la corne en métal : “Cornez, le patron est sur le lac.” Et lʼintéressé de rappliquer dare- dare.

Volontiers farceur, Jean Schnet- zer ne transige aucun écart au désordre ou au grabuge. Que des jeunes chahutent sur ses barques, il saura vite les ramener à la rai- son. Quʼils rentrent au port avec une rame cassée ou quelque autre dégât, alors ils comprendront quʼils nʼont pas affaire à une chiffe. Il y a Jean mais aussi la Mimi qui sert les clients et a la réputation dʼêtre une excellente cuisinière. Son omelette aux mousserons, on en parle encore. “Ici, on ne reçoit que des amis” , mentionnait une pan- carte à lʼentrée de la maison. 15 ans après avoir pris sa retraite, Jean Schnetzer venait encore passer ses étés dans sa maison de Chaon. Cette figure haute en couleur a disparu au printemps 1981.

Jean Schnetzer avait ouvert son bistrot Port-Gentil juste avant la guerre.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker