La Presse Pontissalienne 136 - Février 2011

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 136 - Février 2011

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Quelle chance d’être si près de la frontière ! La ville de Pontarlier peut franchement se réjouir de cette position géographique qui lui conférera le rôle envié de porte d’entrée sur le marché français pour de nombreux industriels suisses. À commencer bien sûr par les distillateurs absinthe avec le succès que l’on sait et la fin tout aussi forte en émotions. Mais la colonisation helvétique ne s’arrêtera pas à la Fée verte, elle s’étendra à l’industrie mécanique, automobile, textile. Sans oublier l’agro-alimentaire. Étrange retour du destin que celui de ces entrepreneurs suisses qui venaient fournir du travail aux Français alors qu’aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse qui se produit. LES GRANDES SAGAS INDUSTRIELLES DU HAUT-DOUBS

ABSINTHE

25 distilleries en 1906 Pontarlier c’était l’absinthe, et l’absinthe c’était Pontarlier

Jusqu’en 1915, la capitale du Haut-Doubs a vécu autour de la distillation de l’absinthe qui constituait de loin la principale industrie. Retour sur une spécialisation importée de Suisse.

l’arrondissement de Pontarlier environ 10 millions de litres d’absinthe, expor- tés dans le monde entier. Sidérant. Les champs d’absinthe se multiplient for- cément dans la plaine de l’Arlier. On en cultive aussi dans le Val d’Usiers, autour du lac et jusqu’à Boussières et Quingey. En 1912, les services duminis- tère de l’Agriculture recensent dans le Doubs 160 hectares de culture consa- crés aux différentes plantes qui entrent dans la fabrication du mystique breu- vage. Les “drèches” ou résidus de la dis- tillation servent à nourrir le bétail. On parle de 1 500 à 2 000 bœufs engrais- sés de cette manière. L’absinthe constitue un gros gisement d’emplois. Les distilleries pontissa- liennnes fournissent du travail à près de 400 personnes. Il faut en rajouter 530 attachées à la culture. Sans comp- ter les métiers annexes : tonneliers, fabricants de caisses et de bonbonnes. Le tiers de la population vit ainsi direc- tement ou indirectement de cette acti- vité. Autre indicateur : à partir de 1900, “chaque jour à Pontarlier, dont payés 53 000 francs or de droits sur les alcools.” (“M. Blondeau, Pontarlier est ses pro- blèmes, D.E.S.”). On imagine la catas- trophe socio-économique provoquée par l’interdiction de l’absinthe en 1915même si, dans l’immédiat, l’industrie de guer- re limitera les dégâts. F.C.

Avec 60 alambics, les établissements Pernod fils (1805) produisaient 60 % de l’absinthe pontissalienne en 1906.

Au pied du camp des Pareuses, la distillerie Bourgeois frères fondée en 1900.

L’ ’histoire de l’absinthe à Pon- tarlier prend sa source à Cou- vet chez nos voisins suisses dans le Val de Travers où le Major Dubied ouvre la première distillerie en 1798. Soucieux de contourner les droits d’entrée en France particulièrement prohibitifs, Henri-Louis Pernod son gendre vient s’installer en 1805 à Pon- tarlier. La distillerie “Pernod Fils” pro- duit à ses débuts 32 litres par jour. On monte à 450 litres par jour lors de la reprise de l’établissement en 1888 par la société Veil-Picard. Et le curseur s’envole à 25 000 litres par jour après le célèbre incendie de 1901.Entre-temps, bien sûr, d’autres ne vont pas se priver

de suivre l’exemple du précurseur dont le Major Dubied qui sera le premier à imiter son gendre. Il s’installe au 73, Grande rue. En 1878, on dénombre 6 distilleries sur la place pontissalienne : Pernod fils, Fritz Duval qui a repris l’établissement du Major Dubied, Julien Couturier, Auguste Junod, Berthoud Frères et AugusteColard.Lemouvement va ensui- te s’accélérer, passant de 13 en 1886 à 25 en 1908, dont trois implantations au Frambourg, à Malbuisson et à Mor- teau. Cela représente un ensemble de 151 alambics d’une capacité globale de 2 130 hectolitres. En 1914, on produit dans

Installée aux Capucins, la distillerie Auguste Junod (1838) possédait 16 alambics.

En 1908, 400 personnes travaillent dans les dis- tilleries de Pontarlier comme ici chez Legler- Pernod.

Réclame Déchanet.