La Presse Pontissalienne 135 - Janvier 2011

LA PAGE DU FRONTALIER

La Presse Pontissalienne n° 135 - Janvier 2011

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SÉCURITÉ

La frontière suisse est-elle devenue une passoire ? Stupeur en vallée de Joux après un braquage

Quatre individus du Sud de la France ont braqué une bijouterie au Sentier et séquestré une dame âgée. Beaucoup de méfaits sont commis par des Français mais la police vaudoise ne veut pas céder à la psychose.

Sur les quatre malfrats, deux courent toujours. Ont-ils traversé la frontière à Vallorbe ou se

L a tranquille Vallée de Joux est en émoi depuis le 14 décembre et l’attaque à main armée d’une bijouterie située dans le village du Sen- tier qui abrite la fameuse fabrique hor- logère Jæger-LeCoultre ou le musée Audemars Piguet. Ce jour-là, vers 9 h 35, des témoins remarquent une Clio à plaques françaises stationnée “bizarrement” devant l’horlogerie-bijou- terie Jacot, située Grand-rue. À l’intérieur, quatre individus cagoulés et porteurs d’armes de poing mena-

donnant sur les sous-sols de l’immeuble. Peu après, une dame d’une soixantai- ne d’années, locataire d’un apparte- ment au 1 er étage de l’immeuble situé à côté de la bijouterie, a laissé deux des suspects pénétrer dans son loge- ment par une porte-fenêtre. Ils l’ont séquestrée jusqu’à l’intervention d’une unité spéciale de la gendarme- rie qui ont interpellé ces deux indivi- dus. “C’est vrai que l’émoi a été vif” commente Jean-Michel Vermot, pré- sident du village du Sentier. “J’espère que la bijouterie qui a déjà victime de ce genre d’attaque ne fermera pas. Nous avons besoin de l’activité dans notre village de 2 000 habitants” poursuit- il. La victime n’était pas blessée mais fortement choquée. Les deux inconnus interpellés ont été emmenés dans les locaux de la Police cantonale à Lau- sanne. Il s’agit de deux Français ori- ginaires du Sud de la France âgés d’une vingtaine d’années qui avaient volé une voiture dans l’Ain. Les deux autres agresseurs qui ont échappé à la poli- ce courent toujours. Après cette agres- sion, les entreprises horlogères de la vallée de Joux ont augmenté leur niveau d’alerte. E.Ch.

cachent-ils en Suisse ?

cent le personnel et s’emparent de bijoux. Pendant ce temps, un gendarme du Sentier (canton de Vaud) qui arrive devant l’établissement remarque cette voi- ture stationnée devant le magasin, moteur allumé. Son arrivée combinée à l’alarme du commerce fait fuir les malfrats. Le péri- mètre est sécurisé. Entre-temps, les ban- dits se sont enfuis par une porte de service

“C’est vrai que l’émoi a été vif.”

ÉCONOMIE L’étude d’un professeur neuchâtelois Les immigrés créent de l’emploi

Les chiffres du chômage ne baissent plus dans le canton de Neuchâtel. Une étude du professeur neuchâtelois Étienne Piguet montre que “les immigrés” génèrent 275 000 emplois en Suisse. L es immigrés et autres frontaliers ne feraient pas que “piquer” le travail de nos chers voisins suisses. Une étude publiée le 22 décembre par le profes- seur de l’université de Neuchâtel Étienne Piguet pour l’O.C.D.E. (organisme de coopération et de développe- ment économiques) montre que les étrangers ne vien- nent pas seulement en Suisse pour chercher du tra- vail. Ils en créent aussi, environ 275 000 emplois. L’étude du chercheur de l’institut de géographie rap- pelle qu’en Suisse, des entreprises renommées comme Nestlé, Bally ouWander ont été lancées par des migrants dans les siècles passés.Après la deuxième Guerre mon- diale, l’immigration a plutôt été dominée par le modè- le de travailleurs temporaires à la recherche d’un emploi. Changement inverse : en 2009, la Suisse comptait 76 000 étrangers travaillant à leur compte, soit 50 % de plus qu’en 1991 (50 000). En tenant compte du nombre de naturalisés, le nombre d’indépendants issus de la migration s’établit à 135 000, soit un dixième de la population active migrante, rapporte l’étude com- mandée au professeur neuchâtelois. L’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne en 2002 a facilité l’activité indépendante pour les ressortissants de l’U.E., Fran-

ZOOM Trois questions à la Police cantonale Vaudoise “On travaille avec la gendarmerie française” L a Presse Pontissalienne : La frontière suisse est-elle devenue une passoire et allez- vous demander un renforcement des contrôles à la frontière de Vallorbe ou Mouthe ? Jean-Christophe Sauterel (officier à la Police cantonale vaudoise) : Le renforcement aux frontières n’est pas du ressort de la police vaudoise mais des gardes frontières et de la P.A.F. (Police aux frontières) pour vous en France. La Suisse est rentrée dans l’espace Schengen, et si l’on peut croire qu’il y a moins de contrôles aux frontières, ils sont faits à des endroits différents notamment avec les patrouilles. Il n’y a pas d’avant, ni d’après espace Schengen. Si un malfaiteur veut entrer sur le territoire suisse, il le peut surtout ici où il y a de nombreux points frontières. L.P.P. : La plupart des méfaits sont commis par des Français. Faut-il davantage de coopé- ration avec la gendarmerie en France ? J.-C.S. : Grâce aux accords de Paris (1), nous sommes en lien avec la gen- darmerie française. Lors du braquage, une patrouille française est venue au Sentier. La coopération joue également pour le service aux personnes. Il nous arrive de coopérer pour rechercher des personnes dans le Jura en mutualisant les moyens comme un hélicoptère ou des motoneiges que les Français possèdent. Il faut le rappeler : la vallée de Joux a un des taux de criminalité les plus faibles en Suisse. On a eu une série de cambriolages que nous avons tous élucidés. C’était une bande qui venait du Sud de la France comme ceux qui viennent de commettre le braquage. Il n’y a pas de comparaison possible avec Genève qui doit faire face aux bandes des ban- lieues lyonnaises. Comme partout, nous avons aussi des cambriolages. L.P.P. : Y a-t-il une psychose ? J.-C.S. : Il n’y a pas de psychose mais je comprends que les gens aient été choqués. Tout cela a frappé les esprits des habitants mais ces événements demeurent ponctuels et exceptionnels. Au final, il n’y a pas eu de blessés et deux hommes ont été interpellés. Ils n’étaient pas des amateurs. En 2007, nous avions eu à faire à trois braquages. Ils ont tous été élucidés.

Étienne Piguet : “Il existe encore un corporatisme dans certains métiers en Suisse, pour être électricien par exemple.”

réalité : celle du chômage. Un secteur qui a connu la crise au mois de novembre est celui de la construction avec 90 demandeurs d’emploi en plus. Principale rai- son à cela, “les intempéries qui ont obligé les entreprises à se séparer de leurs intérimaires” explique une agen- ce d’intérim suisse. Derrière ce mauvais chiffre, les autres secteurs se sont plutôt bien tenus pour ne pas dire maintenus à l’image de l’horlogerie, notamment en Vallée de Joux avec les principales firmes que sont Jæger-LeCoultre ouAudemars Piguet. “À fin novembre, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits dans le can- ton s’établit à 7 284 individus, soit une hausse de 30 unités par rapport au mois précédent. Le taux de chô- mage reste stable à 5,9 %” explique le canton de Neu- châtel. Un bon chiffre qui corrobore l’idée que les immi- grés sont une valeur ajoutée pour l’emploi local. Prochain travail du professeur : une étude sur l’intégration des immigrés dans le marché du travail suisse pour savoir si les discriminations existent réellement ou non. E.Ch.

çais notamment. La création d’entreprises en Suisse relève le plus souvent d’un processus classique d’intégration pour les étrangers arri- vés dans les années 1960 à 2000. Les créateurs d’entreprises issus de la migration ont ainsi un profil proche de celui des Suisses. Ils sont principale- ment commerçants (22%), agents immo- biliers ou informaticiens (16,5 %), indus- triels (16 %), entrepreneurs du bâtiment (10,5 %) ou restaurateurs-hôteliers (10,5 %). Des secteurs sont-ils réser- vés aux Suisses ? “Oui, répond l’auteur de l’étude. Pour être électricien par exemple, il faut une patente et les diplômes des pays ne sont pas recon- nus. Il existe encore un certain corpo- ratisme.” Derrière ces chiffres se cache une autre

“Le secteur du bâtiment a licencié.”

Propos recueillis par E.Ch.

(1) : Accord entre la Confédération suisse et la République française relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et doua- nière, signé à Paris le 9 octobre 2007.

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