La Presse Pontissalienne 132 - Octobre 2010

ÉCONOMIE

La Presse Pontissalienne n° 132 - Octobre 2010

34

SALAISONS Après l’I.G.P. saucisse de Morteau Les producteurs de porc aux abois La situation des éleveurs de porc s’aggrave avec l’envolée du prix des céréales. Ils dénoncent les carences de l’I.G.P., les abus de certains transformateurs et rêvent d’une filière similaire à celle du comté.

J ean-Michel Serres, le prési- dent de la Fédération Natio- nale Porcine, n’a pas été déçu du voyage lors de sa visite dans le Haut-Doubs le 24 septembre der- nier. Il a rencontré en réunion syn- dicale à l’espace Ménétrier de Val- dahon des producteurs qui n’ont pas manqué d’exprimer leur point de vue sur une filière bien en pei- ne de trouver sa vitesse de croi- sière. La conjoncture nationale est particulièrement tendue avec des

F.R.S.E.A. De la pure spéculation digne de ce qui se pratique sur le marché du pétrole par exemple. “Ce n’est pas du tout logique de spé- culer sur des denrées alimentaires” , dénonce Daniel Prieur, le président de la chambre d’agriculture du Doubs. Ces brusques variations ont désta- bilisé tous les acteurs de la filière porcine. “C’était tellement rapide que beaucoup de fabricants d’aliments n’ont pas pu se couvrir. On est dans une situation compli- quée” , renchérit Pierre Dornier de la minoterie du même nom. “On subit aussi une vraie distorsion de concurrence vis-à-vis de nos voi- sins allemands, notamment sur les questions de la main-d’œuvre sai- sonnière. À cela s’ajoutent les dif- ficultés à imposer une mention d’origine de la viande car certains grands industriels veulent conti- nuer à s’approvisionner où ils veu- lent” , précise Jean-Michel Serres. La toute récente validation de l’I.G.P. saucisse de Morteau (Indi- cation Géographique Protégée) n’a semble-t-il pas convaincu tous les producteurs comtois. “On consta- te toujours le décalage entre le cadran breton qui dégringole et le prix des produits à forte valeur

ajoutée. Les transformateurs de saucisses de Morteau se “goinfrent” sur notre dos. On ne vend pas assez cher nos porcs. L’I.G.P., c’est une chose, mais ça n’a rien changé” , envoie un producteur particuliè- rement exaspéré. À défaut de pouvoir s’appuyer sur une race spécifique, l’I.G.P. se carac- térise sur le mode d’alimentation, le lactosérum en l’occurrence. Ce qui ouvre des brèches dans l’approvisionnement. “C’était la seule alternative. Mais c’est vrai que des porcs extérieurs à la région de production peuvent être intégrés. Il faudra resserrer le cahier des charges. L’I.G.P. porc de Franche- Comté devrait intervenir d’ici la fin de l’année” , indiqueMichel Dela- croix qui préside l’association por- teuse de l’I.G.P. Les choses ont quand même évo- lué favorablement depuis le lan- cement du projet I.G.P. Les pro- ducteurs peuvent désormais transformer 40 % d’un porc en sau- cisse contre 16 % auparavant. “Il n’y a jamais eu autant de porcs franc-comtois dans la saucisse de Morteau. 80 % de la viande pro- vient en effet du Grand Est” rela- tivise Romaric Cussenot de Bevi- franc Interporc. Ce qui n’empêche

Jean-Michel Serres (à droite) est venu prêter une oreille attentive aux producteurs de porcs francs- comtois.

pas les transformateurs industriels du Jura de se fournir sans scru- pule à l‘extérieur de la région. Signe que les clivages initiaux ont la vie dure… Pire encore, un transformateur du Haut-Doubs a poussé le vice jus- qu’à fabriquer une copie conforme de la Morteau vendue à 6,95 euros le kilo dans plusieurs grandes sur- faces du secteur. “Ce niveau de prix est considéré comme une insulte et unmanque flagrant de respect pour le collège des producteurs en grosses difficultés financières après 4 ans de crise” , dénonçaient plusieurs responsables agricoles dans un courrier transmis aux directeurs de magasin concernés. La révision du cahier des charges semble nécessaire. Sans précipi- tation juge utile de préciser Chris- tophe Jacquin, le président de Franche-Comté élevage. “L’I.G.P. n’est pas une fin en soi. On a fran- chi un palier et on doit encore pro- gresser.” “Il faudrait trouver un sys- tème pour définir le prix dans la

région comme pour le comté” , confir- me Michel Delacroix. Et aller ain- si vers une meilleure répartition des marges entre les producteurs, les salaisonniers et la grande dis- tribution. “Il serait peut-être oppor- tun de mettre une cale sur le prix mais cela obligerait à fédérer les industriels” , suggère finalement Jean-Michel Serres en pointant peut-être là le tendon d’Achille de l’I.G.P. F.C.

coûts de pro- duction qui n’en finissent pas d’augmenter. Le phénomène s’est amplifié depuis cet été avec la flam- bée du prix des céréales. “Entre le 1 er août et le 15 septembre, l’aliment a pris 15 %” , observe Philippe Mon- net, le prési- dent de la sec- tion porc au sein de la

“Les transformateurs se goinfrent sur notre dos.”

Repères La filière porc en Franche-Comté 250 000 porcs produits par an et 170 000 porcelets Une baisse du potentiel dʼengraissement de 25 % en 25 ans 1 % de la production nationale

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker