La Presse Pontissalienne 130 - Août 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n° 130 - Août 2010

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L’ALPAGE GRANDEUR NATURE

ENJEUX Points de vue divergents La valorisation des alpages et ses contradictions Derrière les clichés touristiques ou Au plus chaud de l’été, beaucoup vont chercher un peu de fraîcheur sur les sommets du Haut-Doubs où ils profitent de cette ambiance paysagère unique offerte par les alpages. Ces espaces hors du temps fascinent beaucoup, à juste titre. Témoignages flamboyants de la conquête de la haute chaîne jurassienne pas des générations d’agriculteurs, ils reflètent un peu de notre patrimoine collectif au passé comme au présent. Réalité, enjeux et perspectives.

M aintenir le pastoralisme sur les alpages jurassiens reste bien sûr la priorité des priorités. Sur le fond, tout le monde est d’accord. La solution passe forcé- ment par la présence de bétail. Suisse ou français peu importe, des génisses comme des vaches. La cohabitation entre les Suisses et les Français fonctionne relativement bien. Mais l’humeur varie selon les époques. “On observait des tensions dans les années soixante-dix quand les agriculteurs français avaient besoin de terres. Le calme est revenu au cours de la décennie sui- vante marquée par une déprise de l’agriculture française. Puis l’arrivée des quotas et l’instauration des primes ont remis de l’huile sur le feu. On sent depuis quelques années un regain d’intérêt des Français vers ces territoires. Il y a encore suffisamment de place pour chacun et même des alpages pratiquement abandonnés” , explique Gérard Vionnet, le vice-président de l’association des ber- gers du Jura franco-suisse. L’État et la région Franche-Comté soutiennent le pastoralisme par le biais d’un contrat de Massif. La région verse chaque année entre 50 000 et 80 000 euros. Le commissariat au massif du Jura apporte quant à lui 180 000 à 200 000 euros, en sachant qu’il inter- vient aussi dans l’Ain. Cette enveloppe non négligeable sert à la création ou la rénova- tion des réserves d’eau, des clôtures, des chalets. Elle peut être utilisée sur des opérations de défrichement. “L’idée étant de main- tenir les paysages ouverts pour développer le tourisme” , note Michel Cothenet, le commissaire au massif. Si l’objectif agricole ne souffre aucune contestation, la manière d’y parvenir est plus sujette à débat. L’association des bergers défend la tradition avec la présence d’un berger sur place pendant toute la saison d’estive. Le modèle fonctionne sur certains alpages, pas tous. La rémunération du berger revient souvent sur le tapis. Cer- tains syndicats pastoraux estiment qu’il n’est pas nécessaire de mobiliser de la main-d’œuvre en permanence pour s’occuper de troupeaux de génisses. Ils s’organisent en interne et montent à tour de rôle surveiller les bêtes.

Pourquoi ne pas imaginer alors développer une petite activité de transformation fromagère à l’alpage comme cela se fait si souvent dans les Alpes françaises ou suisses ? On recense un seul exemple sur le Haut-Doubs avec François Weid- mann qui fabrique de la raclette au Mont de l’Herba. Le fait qu’il soit Suisse ne change pas grand-chose sur le plan des contraintes techniques et réglementaires. C’est plus une affaire de volon- té qu’autre chose. Les quelques tentatives fran- çaises ont échoué. Impossible d’imaginer produi- re un comté d’alpage à l’instar de ce qui se fait en Suisse avec le gruyère. Il n’y a qu’un seul et unique comté. Il faut ensuite que les agriculteurs acceptent de mettre quelques laitières à disposi- tion du berger. Problème auquel a été confronté Norbert Bournez à la Petite Échelle qui était prêt à se lancer dans l’aventure il y a quelques années. Le projet est de nouveau dans les tuyaux car il dispose d’une plus grande marge de manœuvre depuis qu’il est devenu propriétaire de son alpa-

publicitaires ayant pour toile de fond ces espaces emblématiques de la montagne jurassienne se cachent aussi de grands débats qui divisent. Éclairages. La grande gentiane jaune déchaîne les passions

Question délicate : la rémunération du berger.

ge. Il y a 10 000 litres de quotas alloués à l’alpage. Ce qui per- mettrait facilement de traire 5 vaches pour fabriquer une raclet- te, de la tomme, du fromage blanc pendant l’été. Vu les conditions et les contraintes induites, on voit mal ce type d’initiative se géné- raliser dans le Jura français. “Ce n’est plus forcément dans la cul- ture jurassienne. Il faut reconnaître que c’est plus se compliquer la vie qu’autre chose” , observe Keran Larue, chargé de mission pas- toralisme à la Chambre régionale d’Agriculture. Avis partagé par Michel Cothenet qui ne voit guère d’intérêt de fromager à l’alpage. “Le réseau des fruitières et la qualité des ateliers permettent d’avoir des conditions de travail beaucoup plus pertinentes dans les coopé- ratives” dit-il. Le débat est toujours ouvert. F.C.

C eux qui lʼadmirent nʼont pas à en subir sa capacité de proli- fération. Inversement, dʼautres ne jurent que par son éradi- cation pure et dure même sʼil faut employer lʼartillerie lourde et traiter chimiquement à la rampe. Au mépris des autres plantes qui font toute la richesse floristique des alpages. Gentiana lutea bénéficie pourtant dʼune protection par arrêté pré- fectoral mais qui porte principalement sur les conditions de ramas- sage et de récolte. Rien dʼautre a priori . Chacun a son idée sur la question. Lʼagronome Jean-Bruno Wettstein estime quʼil sʼagit dʼune plante peu fourragère. “Elle est susceptible d’avoir son utilité en fin de saison en préservant par exemple sous ses feuilles une petite réserve d’herbe appréciée par le bétail.” Si la pression de pâtura- ge est trop faible, la gentiane peut se révéler envahissante. “Quel est le seuil de tolérance ? À mon avis, il ne faut guère aller au-delà d’une plante au m 2 .” La grande gentiane apprécie plutôt les pâturages moyens et bou- de les sols profonds où lʼon retrouve le vératre, plante toxique tou- te aussi envahissante et systématiquement détruite. “La gentiane, un peu mais pas trop” considère lʼagronome plutôt favorable au traitement mécanique, en lʼoccurrence la fauche printanière. “C’est clair qu’il faut éviter formellement tout traitement chimique à la ram- pe. Le traitement pied par pied est autorisé en Suisse. Cela per- met au moins de protéger les autres plantes.” La gentiane peut se montrer envahissante mais pose généralement moins de problèmes que les chardons estime l’agronome Jean-Bruno Wettstein.

Norbert Bournez qui préside l’association des bergers du Jura franco- suisse défend la tradition du berger présent à l’alpage en permanence.

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