La Presse Pontissalienne 128 - Juin 2010

FRASNE - LEVIER

La Presse Pontissalienne n° 128 - Juin 2010

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LEVIER

Le P.D.G. de Solibois

“Les scieurs solitaires auront du mal à trouver leur place”

Après un an de fonctionnement, Christophe Regnaud

L a Presse Pontissalienne : Une premiè- re année vient de s’écouler depuis la reprise de l’entreprise Haut-Doubs Scia- ge. Quel bilan tirez-vous ? Christophe Regnaud : Les premiers mois ont été consacrés à une période de remi- se en état du matériel, de modifica- tions et d’acquisition d’équipements. Nous avons investi plus d’1,2 million d’euros en plus du prix d’achat de l’entreprise. Pendant cette période d’essais, les salariés ont été envoyés en formation. Nous avons commencé à scier au mois de novembre dans un contexte économique difficile. Aujour- d’hui, nous avons atteint nos prévi- sions sur la transformation de dresse un premier bilan de l’entreprise Solibois née de la reprise de la société Haut-Doubs Sciage. Ils sont six actionnaires intéressés dans l’affaire et ne manquent pas d’ambitions.

En plus d’être P.D.G. de Solibois, Christophe Regnaud gère sa scierie à Courvières.

contre les produits aboutés pour des pièces de charpente ou d’ossature bois peuvent être fabriqués en sapin. Il nous faudra pour cela changer les habi- tudes de nos clients car aujourd’hui la référence reste l’épicéa conséquence d’un approvisionnement majoritaire- ment étranger. L.P.P. : Est-ce que demain l’avenir des scie- ries passe par le regroupement comme vous l’avez fait ? C.R. : Ceux qui ne seront pas regrou- pés auront du mal à trouver leur pla- ce sur le marché du sciage. Solibois travaille en France, mais nous aurons la capacité de décrocher des marchés à l’étranger. J’espère que demain, pour conquérir des marchés importants, nous serons capables de coopérer avec d’autres entreprises locales. Il faut que cessent les querelles de clocher pour que tout le monde comprenne qu’il y a tout à gagner à se fédérer. Nous avons pris beaucoup de retard par rapport à des pays comme l’Allemagne car nous sommes obnubilés par le souci d’approvisionnement en bois tout sim- plement car notre système d’achat est

marges plus importantes s’amenuisent, donc nous devons investir dans cette direction. L.P.P. : Dans Solution Innovation Bois, il y a “innovation”. Cela signifie que Solibois ne se cantonnera pas à l’activité de sciage. Avez- vous des projets de diversification pour trans- former le bois à Levier ? C.R. : Nous sommes équipés pour ache- ter et scier tout type de bois des plus petits aux plus gros, quelle que soit leur qualité et leur dimension. Quand un bois n’est pas acceptable par Soli- bois, il est dirigé vers une des scieries partenaires. Nous pouvons satisfaire tout le monde. Mais la finalité de notre association est de créer dans un ave- nir proche une ligne de production de bois massif abouté (B.M.A.). C’est un investissement de plusieurs millions d’euros. L’opération nécessite entre autres de créer à Levier un bâtiment de séchage du bois complété d’une uni- té d’aboutage et de rabotage. Notre intention est de nous rapprocher de l’entreprise voisine Haut-Doubs Pel- lets qui a un réseau de chaleur pour sécher la sciure. La chaleur résiduel- le pourrait être utilisée pour un pré- séchage de nos sciages. La réflexion est lancée. Solibois continuera donc à terme de scier des bois, mais pour fabriquer d’autres produits qui répondent à la demande. L.P.P. : Le bois massif abouté est donc l’alternative à la charpente traditionnelle que vous fabriquez encore ? C.R. : Le bois brut traditionnel est humi- de. Un temps de séchage est néces- saire pour son emploi dans la construc- tion. Dans unmarché où les délais sont très courts, le B.M.A. répond à ces exi- gences. L’abouté massif nous permet de résoudre cette difficulté, tout en mettant en place un processus de fabri- cation industriel. L.P.P. : Pourquoi le B.M.A. et pas le lamellé et collé ? C.R. : Nous devons nous adapter au massif forestier qui nous entoure. Ici, la forêt est très hétérogène, tant en qualité qu’en diamètre avec surtout une majorité de sapin. Or, le lamellé- collé utilise surtout de l’épicéa. Par

d’entreprises familiales qui, prises indi- viduellement, n’ont pas ces capacités. En se regroupant, on se donne donc des marges de manœuvre beaucoup plus larges pour atteindre cet objectif. Par ailleurs, Solibois est une unité de production complémentaire à celles de nos scieries. L.P.P. :Chaque actionnaire gère sa propre entre- prise en plus de Solibois. Dans un contexte économique difficile, comment éviter le risque de gérer une affaire au détriment d’une autre ? C.R. : C’est un souci. Mais la majorité des actionnaires de Solibois sont des gens qui sont déjà impliqués dans divers regroupements professionnels. Ils ont depuis longtemps des struc- tures qui permettent de déléguer les responsabilités dans leur entreprise. Cette manière de fonctionner leur per- met de s’engager ailleurs. Ce groupe- ment ne s’est pas fait n’importe com- ment. C’est parce qu’on se connaissait et que nous avions la même conver- gence de vue par rapport à l’avenir de notre métier que nous nous sommes associés. Chaque partenaire assume sa part de responsabilité dans Solibois

où les tâches de chacun sont définies. L.P.P. : Vous fabriquez principalement du bois de charpente et des produits ossature bois. De quelles marges de manœuvre disposez- vous dans un marché de la construction en crise ? C.R. : Il y a un marché, restreint à ce jour, mais qui existe. On constate que le nombre de mises en construction baisse, mais que la part de l’ossature bois augmente. Cette tendance est por- teuse pour notre activité. Le problè- me est qu’il s’agit d’un marché de pro- duits standard très concurrencé par des entreprises étrangères qui pro- duisent à bas coût. L.P.P. : Qu’en est-il des marchés niches qui sauvent sans doute encore certaines scieries produisant des bois de charpente sur mesu- re ? C.R. : Les scieries de Franche-Comté avaient ciblé leur production sur le service avec des produits sur mesure de charpente. Notre clientèle se tour- ne aujourd’hui vers des produits semi- finis ou finis (contre-collé, bois massif abouté). Les niches sur lesquelles on pouvait se positionner et espérer des

35 000 m 3 de bois par an. Les quatorze salariés ont vraiment joué le jeu. L.P.P. : Six entreprises se sont groupées pour reprendre cet- te société et fonder Solibois. Qu’est-ce qui a motivé la créa- tion de ce groupement ? C.R. : La raison essentiel- le est qu’il faut apporter désormais une valeur ajoutée au produit scia- ge. Le faire dans de bonnes conditions implique des investisse- ments lourds et des capi- taux propres. Or nous sommes tous issus

“Il faut apporter

désormais une valeur ajoutée.”

obsolète. Nous nous sommes focalisés là-des- sus en occultant tout ce qui se passait en aval, à savoir l’émergence de procédés innovants de transformation du bois. L.P.P. : Parlez-nous juste- ment du système d’achat que vous avez mis en pla- ce chez Solibois ? C.R. : Nous avons créé une cellule contiguë à Solibois qui s’occupe de l’approvisionnement forestier de Solibois et de toutes les scieries partenaires. L’intérêt de cette mutualisation des moyens est qu’elle nous permet d’acheter tous types de bois. Une piste est à l’étude pour adapter le système à la partie commerciale.

“La capacité de décrocher des marchés à l’étranger.”

Les six entreprises actionnaires de Solibois sont : scierie Renaud à Labergement-Sainte-Marie, scierie Bertin à Orchamps-Vennes, Ô Jura Bois Scierie Grandpierre Châtel de Joux, S.I.F. à Malpas, scierie Marchand à Levier, scierie Regnaud à Courvières.

Propos recueillis par T.C.

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