La Presse Pontissalienne 126 - Avril 2010

LA PAGE DU FRONTALIER

La Presse Pontissalienne n° 126 - Avril 2010

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RÉFORME DE L’ARMÉE SUISSE Comment ça marche ? Suisses sur le pied de guerre De 18 à 34 ans, les Helvètes ont leur fusil d’assaut rangé dans un coin de leur maison. Une coutume en passe d’évoluer, même si nos voisins ont visiblement des difficultés à se séparer de leur arme.

Comme Gaël Aubry, tous les Suisses âgés de 18 à 34 ans possèdent leur arme de guerre. Ils sont mobilisables en moins de 24 heures.

G aël Aubry est un de ces jeunes Suisses retenus sous les drapeaux. Il vient d’avoir 28 ans et réside sur les hauteurs de La Chaux-de-Fonds dans un coquet appar- tement. Il est papa d’un petit Théo et comme tous ses compatriotes, il possède dans sa mai- son son fusil d’assaut “Fass 90”, sa baïonnette, son casque, ses rangers, sa veste militaire… Héberger sous son toit un tel arsenal est une coutume purement helvétique inconcevable en France (1). Cette dernière est en passe d’évoluer.

Combien d’armes en Suisses ? Il y aurait 350 000 armes stockées dans les ménages suisses dont 230 000 fusils dʼassaut détenus par des militaires actifs, 51 600 pisto- lets dʼordonnance et plus de 70 000 pistolets détenus par des militaires licenciés à lʼissue de leur service (ce chiffre ne vaut que pour les dix dernières années).

Dans le canton de Neuchâtel, les militaires âgés entre 18 et 34 ans peuvent depuis le 1 er janvier déposer gratuitement leur arme personnelle “auprès d’un poste de rétablissement.” “Six sol- dats sont venus la déposer depuis janvier” cal- cule Jean-François Staehli, chef de service et commandant d’arrondissement du service de la sécurité civile et militaire du canton de Neu- châtel. Un chiffre anecdotique… preuve que les militaires (environ 170 000 dans le canton) sont attachés à leur fusil. Le commandant explique “que posséder l’arme dans sa maison est une cou- tume, une question d’éducation aussi. Les Suisses ont l’âme de la responsabilité.” Rappelons qu’ils ne possèdent plus de munitions en raison de certaines dérives que le pays a connues lesquelles étaient rangées dans une boî- te de conserve à n’ouvrir qu’en cas de déclara- tion de guerre. On se souvient du drame “Rey- Bellet” qui avait ouvert la voie à une prise de conscience collective. C’est en effet avec son pis- tolet 75 de capitaine de l’armée suisse que le banquier Gérold Stalder avait froidement abat- tu son épouse, la championne de ski Corinne Rey-Bellet et son frère Alain. Ce genre de déri- ve est rare mais anime le débat. Les Suisses alle- mands seraient encore plus attachés à leur arme que les Romands. Lentement mais sûrement, ce pays neutre armé

jusqu’aux dents se désarme et l’armée est en passe de se professionnaliser. Pour Gaël Aubry qui a bien voulu nous ouvrir les portes de sa demeure, “la quille” n’est plus très loin : “Il me reste 24 jours de service (N.D.L.R. : il y en a 260 à faire) et après je serai en réserve. Je n’aurai plus que quelques tirs à faire” dit-il. L’armée, il l’a fait par devoir plus que par amour. “Quitter son travail, sa famille, ce n’est pas simple mais j’ai appris l’esprit de camaraderie” explique le Chaux-de-Fonnier qui a fait son école de réser- ve à Zurich. Pour effectuer leur service, les hommes inter- rompent leur travail. Durant cette période, l’employé est payé entre 80 % et 100 % de son salaire régulier par son employeur grâce à un système d’allocations pour perte de gain (cais- se de compensation). Ingénieur dans la vie civi- le, c’est “sans pincement au cœur” que Gaël se séparera de son fusil d’assaut. Son fils échap- pera-t-il à la coutume ? E.Ch. (1) : La réglementation en France en termes d’acquisition d’armes à feu varie en fonction de la catégorie de l’arme (de 1 à 8). Il faut obtenir un permis de port d’arme délivré par une lettre d’approbation de la fédération française de tir ou être titulaire d’un permis de chasse.

Théo n’a pas l’habitude de voir son papa enfiler

ses vête- ments de guerre.

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