La Presse Pontissalienne 126 - Avril 2010

MOUTHE - RÉGION DES LACS

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La Presse Pontissalienne n° 126 - Avril 2010

OISEAUX

Un mystérieux phénomène Mais où sont passées les couvées de cygne ?

L’élégant volatile peine à se reproduire sur le lac Saint-Point et dans la vallée du Drugeon. Phénomène anormal qui laisse craindre le pire.

d’eau. Il n’a guère d’autre utilité et s’est plutôt bien intégré dans le Haut- Doubs. “La population sur le lac Saint- Point a tendance à stagner. En 20 ans de comptage, l’effectif fluctue toujours entre 30 et 60 individus. Ce qui cor- respond, je pense, aux potentialités du lac. Le cygne est un peu intolérant, il ne supporte pas toujours ses congé- nères sur son territoire” , ajoute Chris- tophe Guinchard, le garde de l’O.N.C.F.S. Du caractère peut-être mais pas au point de s’attaquer aux couvées des autres couples. Il n’y a que les inondations qui pourraient

mettre en péril la nidi- fication. “Le printemps 2009 était plutôt sec et on a quand même constaté un échec de reproduction” ajoute le spécialiste. Dominique Michelat constate éga- lement que cet oiseau généralement peu craintif dans la vallée du Drugeon aurait de plus en plus souvent tendance à se cacher pour nicher. Il s’étonne de ce surcroît de méfiance. Le cygne n’a

L e cygne aurait-il des ennemis qu’on ne lui connaissait pas ? Ceux qui suivent de près les oiseaux d’eau s’interrogent en tout cas sur le très faible succès de reproduction des couvées de cette bel- le espèce. “On voit que les couples de cygnes commencent à nicher au prin- temps mais depuis quelques années, très peu de nouvelles familles arri-

vent à se constituer sur le lac Saint- Point et le bassin duDrugeon” , explique Dominique Michelat, l’un des orni- thologues les plus avisés du secteur. La situation n’est pas dramatique. Elle ne compromet l’avenir de cet oiseau originaire des grandes steppes d’Asie centrale. Aujourd’hui, le cygne tuberculé est avant tout une espèce d’ornement pour embellir les plans

Zoom Sus aux chiens et aux corneilles L aisser se promener un chien en liberté dans les zones humides en période de nidifi- cation, cʼest prendre le risque de détruire de nombreuses nichées. “Les gens ne s’imaginent pas les dégâts que cela peut provoquer” , indique Geneviève Magnon qui sʼoccupe des zones humides à la Communauté de communes Frasne- Drugeon. À quoi bon investir dans la restauration de ces milieux si tout est remis en question à chaque prin- temps par quelques ignorants ou négligents qui lâche leur toutou au plus mauvais moment. Le développement des corneilles pose également des soucis aux ges- tionnaires du bassin du Drugeon. Les chasseurs installent dʼailleurs des pièges pour limiter lʼimpact des cor- vidés. 300 individus ont ainsi été cap- turés en trois ans. “En essayant de limiter ainsi le dérangement et la pré- dation, on espère sauver des espèces comme le courlis ou le vanneau qui risque de disparaître du Drugeon dans les 10 ans à venir.” l

Un faible succès de reproduction.

pratiquement pas de prédateur. Cet- te espèce avant tout végétarienne trouve facilement sa nourriture. Elle ne semble pas subir le réchauffement climatique et n’entre pas trop en concurrence avec les autres oiseaux d’eau du secteur. Ce qui n’est pas vrai partout. Dans certaines régions fran- çaises, des personnes sont mission- nées pour stériliser les œufs et ainsi limiter les populations. L’an dernier, Dominique Michelat a recensé seu- lement deux réussites de reproduc- tion sur le bassin du Drugeon. “C’est bizarre qu’une espèce sans prédateur se fasse si facilement avoir de façon aussi globale.” À défaut d’explications rationnelles, on pense forcément à des actes de malveillance d’origine humaine. Hypo- thèse qui n’a jamais été prouvée même si elle est tout à fait plausible. Vigi- lance. F.C.

Conférence sur le milan royal Le 20 avril à 20 heures Maison du Temps Libre La Rivière-Drugeon

Le bel oiseau aurait-il des ennemis qu’on ne lui connaissait pas ?

LABERGEMENT-SAINTE-MARIE Créée le 30 avril 1980 La réserve naturelle du lac de Remoray a trente ans Ce site d’une richesse biologique exceptionnelle est protégé depuis 30 ans. Retour sur un bijou qui mérite beaucoup plus que l’admiration des spécialistes.

L a découverte de nouvelles espèces enAmazonie atti- re davantage l’attention que dans le Haut-Doubs. Qui sait que la Réserve du lac de

Remoray abrite des espèces d’insectes pratiquement uniques en France ? “À chaque fois qu’on étudie un groupe d’invertébrés aquatiques, de coléoptères, de punaises, on éta- blit des listes étonnantes” , obser- ve Bruno Tissot, le conserva- teur sans pour autant s’en offusquer. Le constat n’est pas nouveau. La vie à l’intérieur de ce petit site de 300 hectares a toujours suscité beaucoup d’intérêt scien- tifique et peu de curiosité de la part des locaux, même si les choses tendent à évoluer. Les naturalistes furent d’ailleurs les premiers à signaler la riches- se du site. À commencer par le célèbre ornithologue suisse, Paul Gérou- det qui y dressa dès 1955 une note sur les oiseaux. Démarche relayée ensuite dans les années soixante-dix par l’Université de Besançon qui suggéra l’idée

d’une réserve naturelle, susci- tant alors de vives tensions locales. Il faudra attendre enco- re quelques années et la mise en vente du lac pour que les collectivités, craignant l’arrivée de promoteurs, se décident fina- lement à soutenir ce projet de classement qui abouti finale- ment à la signature de la créa- tion de la première réserve naturelle franc-comtoise. Les terrains appartiennent désormais à la communauté de communes du Mont d’Or et

Céline Mazuez, Gérard Vionnet et Bruno Tissot : les trois salariés qui gèrent la réserve naturelle nationale de Remoray.

Céline Mazuez et GérardVion- net. “La réserve fonctionne com- me un laboratoire bénéficiant d’une forte protection. L’État lui alloue des moyens finan- ciers qui permettent de lancer des expérimentations qui, si elles fonctionnent, peuvent se décliner à l’extérieur” , résume Bruno Tissot. La transposition de ce savoir- faire s’applique par exemple dans la restauration des cours d’eau. “Le fonctionnement hydraulique constitue la clef de voûte des zones humides.

avec la volonté de conserver une forêt très vieillissante.” En 22 ans d’activité, Bruno Tis- sot a toujours privilégié le dia- logue et la prévention plutôt que la répression. La seule fois où il dressa un P.V., ce fut contre l’équipe de la Chasse au Tré- sor à l’époque de SylvainAugier. L’animateur avait pris la liber- té de faire un plan caméra avec trois hélicoptères à l’aplomb du lac. La procédure n’a jamais abouti… F.C.

Après ces travaux, on a mis l’accent sur la fauche écologique et le pâturage extensif aumarais qui remet au goût du jour des pratiques disparues depuis la mécanisation.” Pour ce faire, l’association a acquis un trou- peau de chevaux koniks pols- ki et utilise dumatériel de fenai- sons adapté au milieu humide. Le 3 ème plan de gestion qui vient d’être validé met plus parti- culièrement l’accent sur l’espace forestier de la Réserve, soit 70 hectares de peuplements rési- neux. “On collabore avec l’O.N.F.

des 2 Lacs. La réserve est placée sous l’autorité du sous-préfet de Pontarlier. Sa ges- tion est confiée à l’association des amis de la Réser- ve qui emploie en plus du conserva- teur, deux atta- chés scientifiques :

De vives tensions locales.

Le site de la réserve de Remoray se singularise par sa beauté, sa richesse biologique et quelques espèces uniques en France.

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