La Presse Pontissalienne 125 - Mars 2010

POLITIQUE

La Presse Pontissalienne n° 125 - Mars 2010

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RETRAIT Un faux prétexte Le mystère

Humbert demeure Les raisons de son retrait de la course aux régionales sont confuses. Jean-François Humbert n’était pas prêt, malgré une liste quasiment bouclée. Il a manqué son coup de poker.

Jean- François Humbert avait une revanche

L e camp d’Alain Joyandet n’a plus à redouter la candidature de Jean-François Humbert. Le séna- teur U.M.P. a fini par jeter l’éponge dans la course aux régionales. Le 12 février, sur son blog, il a annon-

François Humbert aille au bout de son projet. Il était crédité par les parti- sans d’Alain Joyandet de 5 à 7 % des voix ! En se retirant, il laisse les coudées franches à ce dernier pour mener cam- pagne. Mais il n’est pas certain que les voix de l’un se reportent sur l’autre. C’est en tout cas l’avis de Yannick Des- sent, conseiller général du canton de Roulans. Par amitié, il avait fait le choix de rejoindre Jean-François Hum- bert en participant à sa liste. “Je ne suis pas certain que son absence soit favorable à Alain Joyandet. Actuelle- ment, la politique de Nicolas Sarkozy soulève le mécontentement qui risque de se mesurer dans les urnes. Alain

à prendre. Cela faisait six ans qu’il y pensait.

cé qu’il renonçait à pré- senter une liste “libre et indépendante”. Celui qui était entré en dissiden- ce avec sa propre famil- le politique il y a quelques mois fait machine arrière. Néan- moins, sa candidature a semé le trouble à droi- te. Ce que redoutait l’U.M.P. c’est que Jean-

Dessent, persuadé que Jean-François Humbert aurait pu faire un score. Fidèle à lui-même, avec ironie et déta- chement, l’intéressé refuse de parler d’échec. Il dit avoir été contraint de renoncer suite à la défection tardive et inattendue de certaines personnes de sa liste sur laquelle on retrouvait Gérard Faivre, un transfuge duMoDem. Une analyse que tout le monde ne par- tage pas à l’U.M.P. “C’est un faux pré- texte. Je crois surtout que Jean-Fran- çois Humbert a eu du mal à boucler sa liste. Il a demandé à beaucoup de personnes qui ont toutes dit non. Ce n’était surtout pas inscrit d’avance qu’il par- vienne à la faire” estime une élue U.M.P. selon laquelle, le pro- gramme de Jean-François Hum- bert n’était pas construit. “Il n’était pas prêt. Il a fait un coup de poker et ça n’a pas marché. Il serait préférable qu’il sorte de cette histoire avec panache en se

Joyandet présente une liste d’élite pré- sidentielle avec en tête les parlemen- taires. Maintenant que Jean-François Humbert n’est plus dans la course, les mécontents n’ont plus d’alternative à droite vers laquelle ils pourront se retourner. Or, dans l’hypothèse où le sénateur était allé au bout de son pro- jet, j’aurais œuvré pour qu’au second tour il y ait un rapprochement entre ces deux hommes” explique l’élu. L’épilogue de l’histoire déçoit Yannick

consacrant à sa mission de sénateur.” Jean-François Humbert se serait entê- té selon d’autres élus. Il n’aurait jamais digéré d’avoir perdu la Région en 2004, désarçonné en plus par l’attitude de Raymond Forni qui ne ménageait pas l’opposition. Jean-François Humbert avait donc une revanche à prendre. Yannick Dessent réfute ces accusa- tions. Pour lui, Jean-François Hum- bert était crédible. “Je lui ai dit qu’il y aurait d’autres aventures.” Jean-Fran- çois Humbert ne dit rien de ses ambi- tions électorales futures. “C’est quel- qu’un de très mystérieux, il faut le prendre comme cela.” D’autres observateurs enfin affirment que si Jean-François Humbert a fina- lement renoncé, c’est uniquement à cause d’une question financière. Trop grand aurait été pour lui le risque de ne pas atteindre les 5 % et donc de ne pas être remboursé de ses frais de cam- pagne. T.C.

“C’est quelqu’un de très mystérieux.”

COMMENTAIRE Il reste vague “Je suis hors jeu” Jean-François Humbert se retire de la course aux Régionales, contraint et forcé selon lui suite au désistement à la dernière minute de certains membres de sa liste. Il commente la situation sur un ton qui est lui est propre, entre ironie et détachement.

PARCOURS 1998-2010 L’histoire d’un repli sur soi Le sénateur du Doubs s’est peu à peu désolidarisé de ses anciens amis politiques au point de faire l’unanimité contre lui au sein même de sa famille de l’U.M.P. La dissidence remonte à 2004. E lle paraît soudainement bien loin cette année 1998 où tout lui a souri : élu président du Conseil régional de Franche-Comté en mars, il est élu sénateur en septembre de la même année. Entre- temps, le parlementaire est élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur par le président Chirac qui le distingue pour avoir refusé d’être élu président de Région grâce aux voix du F.N. Six ans de majorité passent et c’est la douche froide en mars 2004 où la vague rose balaie également la Franche-Comté. Jean-François Hum- bert passe soudainement de la lumière à l’ombre, du rôle de président de Région à celui d’opposant, dans un hémicycle régional où l’U.M.P. ne compte que 12 élus sur 43. Un rôle ingrat commence alors pour lui. Il remplit très sérieusement son rôle d’animateur de l’opposition mais le cœur n’y est plus. Selon plusieurs de ses collègues de droite, c’est donc dès 2004 que le sénateur a commencé à se marginaliser. Sa démarche, il tente régulièrement de la faire comprendre à travers son blog , curieux mélange de réflexions personnelles et de coups de gueule contre l’ordre politique établi. Parallèlement, il poursuit avec application son mandat de sénateur, se rend au Tibet pour des mis- sions parlementaires et épouse la cause du Tibet à laquel- le il consacre d’ailleurs un chapitre de son site Internet. L’épisode des sénatoriales de septembre 2008 provoquera la rupture totale avec ses anciens amis de l’U.M.P. C’est pourtant lui seul qui sort rescapé du naufrage de l’U.M.P. aux sénatoriales. Les autres candidats lui reprochent d’avoir joué une campagne personnelle, et même anti-U.M.P. À l’U.M.P. du Doubs, il ne paye plus sa cotisation, il s’est éloigné totalement de son parti. Son retrait de la course aux Régionales signe la fin de sa carrière politique locale. À moins que, imprévisible comme l’est M. Humbert, il ne ressurgisse ici ou là à un prochain scrutin local. À 58 ans, cet apparatchik de la politique élu pour la pre- mière fois en 1986 au Conseil régional, à 34 ans, a fait des mandats électifs sa profession. Il sera sénateur jusqu’en 2014 au moins. J.-F.H. Il sort seul rescapé du naufrage.

L a Presse Pontissalienne :Vous avez souvent déclaré vouloir aller jusqu’au bout dans cet- te élection régionale. Vous venez de retirer votre candidature. Pour- quoi une telle volte-face ? Jean-François Humbert : Quand il s’agit d’être candidat aux sanatoriales, je le suis jus- qu’au bout. Quand il s’agit d’une candidature de liste comme aux Régionales, il faut tenir compte des personnes qui vous disent “oui” pour figurer sur la liste et qui, au final se débinent dans les tout derniers jours. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que celui chargé de conduire cette liste, en l’occurrence moi, abandon- ne. L.P.P. : Peut-on savoir qui sont ceux qui vous ont laissé tomber, et dans quel département ? J.-F.H. : Non. Je ne vais pas désigner à la vindicte popu- laire le nom de ceux qui ont fait acte de candidature, qui m’ont lâché ensuite ou qui ont cherché à faire de la sur- enchère dans la dernière ligne droite. L.P.P. : Néanmoins, ces co-listiers ont-ils reçu des pressions selon vous ? J.-F.H. : Sans doute. La semai- ne dernière, dans un autre département que celui du Doubs, j’ai eu le cas d’un jeu- ne homme qui est venu me remettre son formulaire d’engagement sur ma liste. Le lendemain, il m’envoyait un mail enme signifiant qu’il

Jean- François Humbert : “Je verrai ensuite si

je prends ou non position au second tour.”

pas à retrouver mes thèmes défendus par d’autres listes que celle que je pensais pré- senter. Je ne veux pas être fournisseur d’idées. Je n’ai pas envie que le travail que j’ai pu faire soit récupéré. Car j’ai déjà pu noter, sur cer- taines listes, des mini-chan- gements de stratégie. Des choses que j’avais écrites ont été reprises. L.P.P. : Qui souhaiteriez-vous voir occuper la fonction de président de la Franche-Comté ? J.-F.H. : Vous savez, les goûts et les couleurs… L.P.P. :Vous verra-t-on encore par- ticiper à une élection régionale ? J.-F.H. : À chaque jour suffit sa peine. Celle et ceux qui font des plans de carrière sont peu réalistes et peu cré- dibles.

n’était plus candidat, invo- quant des raisons person- nelles. À mon sens, c’est le constat que des gens sont intervenus. L.P.P. : De toute évidence, vous êtes amer ? J.-F.H. : Quand on se fixe un objectif et qu’on n’arrive pas à l’atteindre, si on est le plus heureux des hommes à la sortie, c’est qu’il y a un pro- blème. J’aurais voulu que les choses passent différemment évidemment. J’avais beau- coup investi dans cette can- didature. Je n’avais pas d’autre ambition que de mettre au service de la Franche-Comté mon expé- rience. Cela ne peut pas se faire. Donc vous dire que je suis heureux, certainement pas. La démarche que j’avais était libre et indépendante. Cela signifie que les gens qui avaient décidé de me suivre

n’avaient pas l’intention de faire de la figuration. L.P.P. :Votre désistement peut ser- vir les intérêts du candidat Alain Joyandet. Cela vous gêne-t-il comp- te tenu de vos rapports conflic- tuels avec le secrétaire d’État à la Coopération ? J.-F.H. : Tant mieux pourAlain Joyandet. L.P.P. :Allez-vous désormais prendre position dans ces régionales pour tel ou tel candidat ? J.-F.H. : J’ai pris la décision de sortir du jeu. Je suis hors jeu, je laisse maintenant les autres candidats exposer leur projet. Il faut que la cam- pagne se déroule. Je verrai ensuite si je prends ou non position au second tour. L.P.P. :Pouvez-vous nous dire néan- moins sur quel thème vous auriez fait campagne ? J.-F.H. : Non, car je ne tiens

Propos recueillis par T.C.

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