La Presse Pontissalienne 125 - Mars 2010

MOUTHE - RÉGION DES LACS

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La Presse Pontissalienne n° 125 - Mars 2010

NATURE Infractions à la réglementation Grenouilles : la paire de cuisses fait recette

Le point de vue d’un professionnel “12 000 grenouilles par an” Aux alentours de Malbuisson, Raymond Meuterlos a une autorisa- tion de commercialisation de 12 000 grenouilles par an. “Je serai le premier à en ramasser dans mes étangs sur ce secteur car je pos- sède des sources chaudes” explique lʼhomme qui fait partie du syn- dicat des ranaculteurs du Doubs. Lʼannée dernière, il nʼa pas atteint le quota de 12 000 prises. La faute au gel. “Il y avait presque 50 cen- timètres de glace, les grenouilles sont mortes sous la glace.” Pour cette saison 2010, lʼhomme ne se lancera pas dans des pro- nostics trop hâtifs : “On ne peut jamais savoir à l’avance si la récolte sera bonne ou pas.” Toujours est-il quʼil scrute le ciel avec attention. Lorsque les grenouilles sortent de leur léthargie, il dort dans une caravane à proximité de ses étangs afin dʼéviter de mauvaises surprises. Il y a 8 ans, il sʼétait fait voler 6 nasses. À la question de savoir sʼil y a plus ou moins de grenouilles dans le Haut-Doubs, lʼhomme reste mesuré : “On ne peut pas dire s’il y en a plus ou moins. La seule chose dont est sûre, c’est que sans nous, il y aurait moins de grenouilles” affirme-t-il. Paradoxal ? “Non, rétorque le vendeur de grenouilles. Si une grenouille n’a pas pondu, on ne la tue pas ” Quelle grenouille dans votre assiette ? Le bon label : “vivantes de pays” Les grenouilles que lʼon mange ne sont pas toujours celles que lʼon “croa”. Les restaurateurs du lac Saint-Point disent jouer la carte locale en achetant des grenouilles de pays. Mais, force est dʼadmettre que la provenance des batraciens est floue car taboue. Explications. Quand un restaurant affiche “grenouilles” il faut tra- duire “congelées” qui viennent dʼAsie. Pour “vivantes” : com- prendre importées de Turquie et tuées chez les producteurs ou par les restaurateurs eux-mêmes. Enfin, quand cʼest écrit “vivantes de pays”, là ce sont les grenouilles rousses locales, pêchées dans la région. Celles qui font dire aux amateurs des autres régions quʼon mange du crapaud !

Lucrative, la vente de grenouilles demeure réglementée. Aux alentours de Bouverans, du Drugeon ou de Mouthe, la police de l’eau veille. L’État a été contraint de réduire les demandes d’autorisation de prélèvement pour protéger l’espèce.

L’ appât de la cuisse en fait saliver plus d’un. Du gour- mand gourmet au vendeur attiré à l’idée de remplir son por- te-monnaie, la cuisse de gre- nouille fait tourner les têtes et suscite enmars toutes les convoi- tises. Plus de 10 millions de gre- nouilles sont consommées dans le Doubs ! Les restaurateurs pontissaliens font donc les yeux doux à leurs clients en proposant cemets typi- quement français avec en point d’orgue le 17 mars, jour de la célébration de la Saint-Joseph autrement appelée la fête à la grenouille. Achetée en environ 30 centimes d’euro la paire de cuisses (déculottée) ou vivante, elle arrive dans l’assiette à envi- ron 14 euros la douzaine. Une belle plus-value d’autant que le nombre d’intermédiaires est faible. Pour vendre le batracien à un restaurateur, il faut délivrer une facture. Si ce dernier l’achète sans le précieux sésame, il est amendable. L’année dernière dans le Haut-Doubs, une vaste opération de police a été menée

chez les professionnels : aucun n’a été condamné. Bref, la ven- te sous le manteau serait faible, limitant au passage les actes de braconnage. Selon la Direction départemen- tale des Territoires du Doubs (D.D.T.), l’espèce dans le Doubs n’est pasmenacée. “Nous sommes une des régions où nous retrou- vons le plus de grenouilles rousses. Elles sont notamment bien reve- nues dans le Drugeon” explique Daniel Conche, technicien à la D.D.T. Pour autant, l’ancien ser- vice géré de la D.D.E.A. a dû cet- te année limiter les autorisations de prélèvement : “Nous avons refusé une vingtaine d’autorisations de prélèvement et tentons de limiter de limiter la création de petits plans d’eau qui ont un impact néfaste sur l’environnement (réchauffement de l’eau).” Si l’espèce n’est pas en danger, c’est en raison “d’un environne- ment encore protégé mais atten- tion aux grignotages des zones humides” prévient André Rous- selet, technicien à l’office natio- nal de l’eau et des milieux aqua-

tiques (O.N.E.M.A.).Depuis tren- te ans qu’il suit l’animal dans le Haut-Doubs, il confirme que l’équilibre reste précaire : “Il faut protéger les zones de reproduc- tion, de repos et de reproduction. Les grenouilles sont bien reve- nues dans le Drugeonmais atten- tion aux milieux qui se dégra- dent.” L’installation il y a deux ans de deux passages à petite faune (autrement appelés “cra- pauducs”) entre Sainte-Colom- be et LesGranges-Narboz et celui de Remoray permettent de pré- server l’espèce des dangers de la route.Des comptages ont été réa- lisés mais n’ont pas permis de délivrer une vraie tendance. À quand une vraie étude sur la santé de la grenouille dans le Haut-Doubs ? LaDirection départementale des Territoires recense à ce jour une soixantaine de producteurs décla- rés. Il s’agit principalement de petits producteurs souvent retrai- tés. Le prélèvement global de la production autorisée pour la ven- te approche les 700 000 indivi- dus, auxquels s’ajoutent les demandes en cours d’instruction.

Dans le Doubs, on a le droit de capturer 700 000 grenouilles. 25 producteurs sont recen- sés et le tiers de la produc-

tion est récolté dans la plaine du Drugeon.

Le Haut-Doubs représente le tiers de cette production, soit 25 producteurs dont la plupart exploitent des étangs dans la plaine duDrugeon et dans la val- lée du Doubs. Deux associations, “Hydromen” et le “Syndicat des ranaculteurs”, appuient les propriétaires de plans d’eau dans leurs démarches et développent la ranaculture. Si la grenouille se mange bien, elle a aussi des anges gardiens. E.Ch.

MÉTABIEF

Concours du 5 février

Le mont d’or de la fromagerie de Doubs à l’honneur Après l’argent en 2009, cette coopérative remporte cette année le 23 ème concours de l’interprofession. Bilan de campagne. P remière satisfaction, les 12 ateliers de production participaient à l’événement. Ce qui crédibilise d’une la saison d’autres productions tout aussi rentables comme le comté”, analyse Michel Beuque. D’où ce décalage entre l’offre et la demande.

part le vainqueur et ravit d’autre part Michel Beuque, le président du syndicat interprofessionnel de défense du mont d’or. “C’est la preuve d’une belle fidélité” dit-il. La fromagerie Badoz se classe à la seconde place devant la coopérative des Monts de Joux. Au-delà du podium, ce concours honore aussi une filière au service d’un fromage A.O.C. parmi les plus délicats à fabriquer sur le plan sanitaire. Le rendez-vous de

Cet effet conjoncturel ne remet pas en cau- se l’avenir de la filière. “On était en pro- gression constante depuis 10 ans” , rap- pelle le président qui entend bien se maintenir sur cette dynamique. Au menu des projets 2010 figure notamment la pour- suite de la révision du cahier des charges. L’opération s’inscrit dans la mise en pla- ce des A.O.P. (Appellation d’Origine Pro- tégée) qui se substitue aux A.O.C. “Cette obligation européenne impose de regrou- per dans un seul document le décret et le règlement d’application. On en profite pour procéder à la réactualisation du cahier des charges.” À plus long terme se profile la fin des quo- tas. Si la filière mont d’or veut continuer à se développer, il lui faudra traiter plus de volume et dynamiser davantage enco- re le marché. En s’appuyant par exemple sur la communication. Michel Beuque pointe aussi la question des prix. “Bien qu’on soit en A.O.C., le mont d’or doit res- ter un produit abordable ce qui induit d’avoir toujours unœil sur le prix de revient.” Côté sangles, les choses rentrent dans l’ordre. “L’approvisionnement local conti- nue à progresser même si objectivement il n’y a pas encore la quantité suffisante sur le massif pour répondre aux besoins.”

Métabief permet de tirer les premiers les premiers enseignements de la cam- pagne 2009-2010. Bilan satisfaisant sans tomber dans l’euphorie. La production qui avoisi- ne habituellement 4 500 tonnes semble marquer le pas. “On sera probable- ment en très léger retrait. Ce n’est pas forcément lié aux conditions météorolo- giques ou à une baisse de consommation. On note cette année un décalage entre le marché potentiel et le marché réel. Vu les contraintes de fabrication, certains opérateurs ont par- fois privilégié au cours de

La production semble marquer le pas.

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