La Presse Pontissalienne 124 - Février 2010

MOUTHE - RÉGION DES LACS 22 La Presse Pontissalienne n° 124 - Février 2010

SOUVENIR 11 ans après l’avalanche de Piquemiette Yvette Duval : “Le combat d’une vie” Le 18 février 1999, Arlène Duval perdait la vie sous une avalanche dans le secteur de Piquemiette à Métabief. Onze ans après, les parents de la défunte témoignent.

L a Presse Pontissalienne :Onze ans après l’avalanche qui a enlevé la vie à votre fille Arlène alors âgée de 23 ans, le cha- grin est toujours là… Yvette Duval (la maman) : Si la peine s’apaise avec le temps, elle ne s’oublie pas. Il y a quatre ans, nous sommes allés à l’inauguration de la plaque portant le nom de notre fille sur le chalet où a eu lieu l’avalanche. Nous restons en contact avec Jean-Louis Rapy (N.D.L.R. : le direc- teur de la station de Métabief qui n’était pas en poste à l’époque du drame). Il souhaitait faire une compétition de ski au nom d’Arlène à partir de cette année. Je n’ai pas eu de nouvelles. Sans doute en raison du manque de neige. Aujour- d’hui encore, des personnes qui me croi- sent me parlent encore de l’avalanche et de ma fille. Il y a la vie d’avant l’avalanche… et la vie d’après. L.P.P. : Depuis le drame, retournez-vous régu- lièrement à Piquemiette ? Jean-Pierre Duval (le papa) : Bien sûr, j’y suis même retourné skier à plusieurs reprises l’année dernière car je suis très atten- tif à tout ce qui passe. Je regarde notam- ment l’état du chalet. Il faut bien recon- naître que ma fille n’est pas morte pour rien car on s’aperçoit que la nouvelle équipe dirigeante est nettement plus sérieuse en matière de sécurité compa-

rible ? Y.D. : Si nous avons déposé plainte, c’est pour qu’il n’y ait plus d’avalanche à cet endroit. Que cela ne se reproduise jamais. C’est mon combat, le combat d’une vie, comme le font certaines personnes qui ont perdu un être dans un accident de la circulation. J.-P.D. : La partie adverse avait proposé à mon avocat une somme d’argent pour que nous retirions notre plainte. Nous n’avons pas accepté. Ce procès, je le vou- lais en mémoire et en l’honneur de notre fille. L.P.P. : Estimez-vous avoir tout compris des cir- constances de l’accident ? J.-P.D. : Je pense que nous n’avons pas tout su, notamment sur l’organisation des secours. Y.D. : J’ai été très déçue d’apprendre que ma fille n’est pas morte à l’hôpital com- me on me l’avait dit mais sous la cou- lée de neige. Elle était recouverte d’1,50m de neige et elle a succombé en raison de la lenteur des secours. L’avalanche s’est déclenchée à 10 h 40. Ils ont retrouvé son corps à 13 h 10 ! Les secouristes n’ont pas réalisé qu’il y avait quelqu’un sous la coulée. L.P.P. : Arlène était pourtant accompagnée par son fiancé ce jour-là, son frère et son beau-frè- re. Y.D. : Effectivement, elle devait même se à Chamonix Lʼhiver 1999 est considéré comme lʼun des plus meurtriers : le 9 février 1999, lʼavalanche de Montroc à Chamonix fai- sait douze victimes (dont une famille bisontine), 31 autres personnes péris- saient à Galtür (Autriche) et 17 autres en Suisse, dont 12 dans le village dʼÉvolène, le 21 février. 1999 : un hiver mortel Douze morts

C’est ici, au sommet du télésiège de Piquemiette qu’Arlène Duval (23 ans en 1999) a été ensevelie sous une coulée de neige humide.

Ce qui a changé depuis à Métabief Pas encore de tirs préventifs cette année

marier le 31 juillet. À la sortie du télé- siège, son fiancé a pris la piste noire à droite et Arlène la piste bleue à gauche. C’est en bas de la piste qu’il s’est rendu compte de la coulée de neige. Il est alors remonté mais les secouristes ont assu- ré qu’il n’y avait personne dessous. Si les secours avaient été plus rapides,Arlè- ne serait encore là. Le frère et beau-frè- re étaient quant à eux du côté de Méta- bief. Il y avait aussi d’autres membres de la famille qui eux n’ont pas skié à Métabief mais dans les Alpes. L.P.P. : La mort de votre fille a permis à la sta- tion de tirer des leçons. Est-ce que cela fait pour autant diminuer votre peine ? Y.D. : Si un tel événement ne se repro- duit plus, alors nous aurons remporté notre bataille.

rée à celle qui était en pla- ce à l’époque de l’avalanche. La sécurité n’a plus rien de comparable. Suite au dra- me, nous avons reçu de nom- breux témoignages de per- sonnes qui évoquaient des erreurs manifestes de sécu- rité. Je remercie le maire de Jougne (N.D.L.R. : Michel Morel) qui a pris ses res- ponsabilités et le comman- dant de gendarmerie de Pon- tarlier lequel avait bien mené l’enquête. Sans cela, nous serions encore en pro- cès. L.P.P. : Venons-en au procès. Il s’est déroulé cinq ans après le drame. L’attente devait être ter-

C hef de la sécurité et de l’entretien des pistes d’alpin à Métabief, Syl- vie Martin est avec son équipe sur le qui-vive à chaque épisode neigeux : “Tous les jours, des relevés sont établis. Nous regardons la hauteur de neige, la température, l’orientation du vent… et décidons ensuite s’il faut procéder à des tirs.” En raison de la faible quantité de neige tom- bée cette saison, il n’y a pas eu de tirs contrairement à l’hiver dernier où une dizaine de tirs préventifs ont été déclenchés sur les crêtes duMorond. Quatre pis- teurs possèdent le diplôme d’artificier avec l’option tir en montagne. Outre cesmesures de surveillance et de déclenchement, d’autres

mesures sont prises à l’instar de l’installation de filets de protection ou la fermeture d’accès aux pistes en cas de dan- ger. À titre préventif, la population peut avoir des informa- tions auprès des membres de droit de la commission de sécurité du domaine skiable. Il s’agit des maires de Jougne,

“Pas morte à l’hôpital.”

“De plus en plus vigilant.”

Les Hôpitaux-Neufs, Les Longe- villes-Mont d’Or etMétabief.Quant à la procédure d’alerte météo, Météo France peut alerter la sta- tion, la préfecture, la gendarme- rie, le S.D.I.S. en cas de fortes chutes de neige ou d’un redoux. Bref, le risque est mesuré. “On ne peut pas dire qu’il y avait un laisser-aller enmatière de sécu- rité avant l’avalanche” fait remar- quer Christian Bouday, aujour- d’hui conseiller général qui a présidé après 2004 et jusqu’à 2006 le feu S.E.M.H.D. Disons qu’il a fallu passer par ce douloureux épisode pour prendre conscience des véritables risques même si un P.I.D.A. (plan d’intervention pour le déclen- chement préventif des avalanches) était déjà établi sur ce secteur avant le drame. Une chose est certaine : le contexte météorolo- gique de 1999 était sans précé- dent : à savoir d’importantes chutes de neige en un temps record suivies d’un fort redoux. “Orex, qui gère actuellement la station, est extrêmement rigou- reux en matière de sécurité mais c’est vrai que l’on doit être de plus en vigilant” conclut le conseiller général. E.Ch.

Propos recueillis par E.Ch.

L’affaire judiciaire La décision de justice L e directeur de la station de Métabief et son adjoint ont comparu le 21 mai 2004 devant le tribunal cor- rectionnel de Besançon en audience publique tenue par le président Plantier. Tous deux ont été condam- nés à neuf mois de prison avec sursis et 4 000 euros dʼamende. Ils étaient alors prévenus de dʼhomicide involontaire, blessures involontaires. Dans les atten- dus du jugement, les juges ont précisé “une faute carac- térisée exposant autrui à un risque d’une particulière gra- vité qu’il(s) ne pouvai(ent) ignorer” et souligné une “organisation défectueuse de l’entreprise quant au traite- ment des questions de sécurité…” À lʼépoque des faits, cʼest le syndicat dʼéquipement mix- te du Haut-Doubs (S.E.M.H.D.) qui était propriétaire des installations et la société mixte dʼéconomie du Haut-Doubs qui gérait la station. Ce jour-là, la station avait fermé ses portes. De nombreux skieurs avaient réclamé le rem- boursement de leur forfait.

C’est du sommet de Piquemiette que l’avalanche s’est déclenchée.

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