La Presse Pontissalienne 123 - Janvier 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n° 123 - Janvier 2010

4

10 ans après, les leçons de la tempête

Lothar et Martin. À eux deux, ces prénoms sym- bolisent la tempête du siècle qui a balayé la France d’Ouest en Est entre le 26 et 28 décembre 1999, avec des vents dépassant par- fois les 130 km/h sur les crêtes du Haut-Doubs. Après la catastrophe, des enseignements en matière de prévision des risques ou de gestion de la forêt ont été tirés. Dans certains villages, les plaies sont encore visibles dans la forêt… et dans les finances. Bilan, leçons et perspectives.

FRASNE

Une image forte La forêt cathédrale du Forbonnet rayée de la carte C’est certainement le souvenir le plus marquant qui restera du passage des deux tempêtes dans les forêts du Haut-Doubs. Qu’en est-il 10 ans après ?

J acques Nicolet était maire de Frasne en 1999. “J’étais absent le jour de la tempête. Le 1 er adjoint m’a appelé en m’annonçant la catastrophe. Sitôt ren- tré à Frasne, on s’est rendu sur place

des bois, trouver des solutions de valo- risation commerciales ou autres… “En premier lieu, 35 000 m 3 ont été vendus directement à des marchands de bois. Le reste a ensuite été stocké sur trois aires d’arrosage aménagées pour l’occasion. Ces places à bois ont per- mis de maintenir les prix constants” , poursuit Bernard Bertin. Des équipes de bûcherons de tous les massifs peu touchés par la tempête sont venues prêter main-forte à leurs collègues francs-comtois. Près de 2 ans ont été nécessaires pour sortir tous les arbres. Dès le départ, le choix a été fait de privilégier la reconstitution natu- relle. “Sur les 160 ha, on en a replan- té seulement une trentaine en 2008 et 2009 dans les endroits où la régé-

heures, une forêt cathédrale s’est écrou- lée” , confirme Bernard Bertin, garde- forestier qui a pris ses fonctions sur le triage de Frasne le 1 er avril 2000. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La forêt communale de Frasne s’étend sur 610 ha. La tempête en a détruit 160, principalement sur le Forbonnet et la forêt de la Joux. En volume, cela repré- sente 60 000 m 3 de bois mis à terre, soit l’équivalent de 15 années de reve- nus forestiers. “En sachant qu’il fau- dra beaucoup plus de temps pour retrou- ver le potentiel perdu” , souligne Jacques Nicolet. Le traumatisme passé, vient le temps de l’action. D’abord dégager les routes, mettre en place toute la logistique tech- nique pour procéder à l’exploitation

et je ne vous dis pas le choc en arrivant dans la forêt du For- bonnet. Il y avait tel- lement d’arbres à ter- re qu’on ne savait plus où était la rou- te qui partait sur Mignovillard.” L’ancien maire n’oubliera jamais cet- te vision apocalyp- tique. “En quelques

Une vision apocalyptique.

demment gérées en futaie régulière. “On a mis en place des réseaux de cloi- sonnements culturaux pour accompa- gner et suivre cette régénération.” Le garde estime qu’il n’y a pas forcé- ment de lien entre l’ampleur des dégâts et le mode de gestion régulier, irrégu- lier. “Tout ce qui se trouvait sur le pas- sage des tempêtes a été dévasté de la même manière.” Le travail consiste maintenant à dégager les semis natu- rels ou les jeunes plantations avec le souci de reconstituer une forêt plus mélangée qu’auparavant. Depuis 2002, près de 300 000 euros ont été dépensés dans le peuplement des forêts de Frasne. Le taux de sub- vention est proche de 80%. “L’État a bien joué son rôle” , reconnaît Jacques Nicolet. Comme d’autres élus dans la même situation, il a trouvé parfois le temps long avant de pouvoir consta- ter les premiers effets visuels de la régénération. La périodicité des bud- gets communaux n’est pas toujours en phase avec celle de la nature. Les plaies de la tempête sont aujour- d’hui effacées au Forbonnet où l’on retrouve un semblant de forêt. “On exploite désormais sur Frasne un volu- me de 2 000 m 3 /an, soit deux fois moins qu’avant la tempête. On poursuit bien sûr les rotations sur les parcelles qui avaient été épargnées” , souligne Jacques Nicolet qui après une trêve munici- pale a rejoint la nouvelle équipe élue en 2008 où il occupe une place d’adjoint. Avec la responsabilité de la commis- sion forêt. F.C.

nération n’était pas installée” , explique le garde-forestier. Cette politique de repeuplement favorise aussi le mélan- ge des essences. Elle s’applique à l’ensemble des massifs du Haut-Doubs ayant subi les affres de Lothar et Mar- tin. Elle aboutira à un traitement en futaie jardinée qui modifiera à terme la physionomie des parcelles précé-

À Frasne, 60 000 m 3 de bois sont tombés à terre entre le 26 et le 28 décembre 1999. La forêt du Forbonnet s’est écroulée comme un jeu de dominos.

Made with FlippingBook Online newsletter