La Presse Pontissalienne 123 - Janvier 2010

LA PAGE DU FRONTALIER

La Presse Pontissalienne n° 123 - Janvier 2010

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Il a pris son pied avec Bush Réfugié en Suisse, le journaliste irakien Munthazer Al Zaidi devenu célèbre pour avoir lancé sa chaussure au visage de George Bush nous relate sa vie avant et après son geste. Témoignage poignant. ÉVÉNEMENT Le journaliste irakien lanceur de chaussure se confie

Q uand les Américains lâchent des bombes au- dessus des têtes ira- kiennes, lui a choisi de lancer sa chaussure au visage du pré- sident américain George Bush . C’était le 14 décembre 2008. Depuis ce jour, Munthazer Al Zaidi est devenu célèbre. Mais ce n’est pas ce qu’il recherchait. Non, le journaliste irakien - ancien correspondant de la chaî- ne Al-Baghdadia - voulait sim- plement “porter à la face du monde entier les mensonges amé- ricains” dit-il. Mission réussie. Des émirs arabes lui ont pro- mis des millions de dollars, la

passer trois mois en Suisse. C’est là que nous l’avons rencontré, invité par le Club 44 de La Chaux-de-Fonds. Accompagné d’un traducteur tunisien, il com- mente la portée de son geste et évoque la création de la fonda- tion “Al Zaidi” qui récolte de l’argent pour construire un nou- vel Irak, “sans l’occupant.” La Presse Pontissalienne : Qu’a-t-il bien pu se passer dans votre tête lorsque vous avez balancé votre chaus- sure en direction du président amé- ricain ? Munthazer Al Zaidi : Lorsque j’ai vu le visage “criminel” de Bush, j’ai utilisé ma manière quand lui utilise les balles pour tuer. Moi, je ne pourrais jamais tuer une personne alors je lui ai mon- tré ce que ses propres soldats font subir à nos enfants, vieillards, femmes et hommes. Avec leurs chaussures, ils mar- chent sur le sang des Irakiens… L.P.P. : Regrettez-vous votre geste ? M.A.Z. : Non, je m’étais prépa- ré à cet acte et si c’était à refai- re, je le referais. En revanche, je n’étais pas préparé à ce que j’ai subi.

L.P.P. : Racontez-nous ? M.A.Z. : Une fois la chaussure lancée, j’ai été ceinturé. La sécu- rité m’a conduit dans une piè- ce voisine alors que Bush conti- nuait son discours. Ils m’ont frappé, j’ai crié. On entend d’ailleurs mes cris et les ser- vices de sécurité ont demandé à ce que les caméras soit cou- pées. Mais un journaliste ira- kien diffusait en direct. On a tout entendu. L.P.P. : Puis vint le séjour en prison condamné à 3 ans, il purgera 9 mois… M.A.Z. : J’ai prié Dieu pour mou- rir et offrir ma vie pour la paix. Ils m’ont frappé avec des barres de fer, câbles électriques, m’ont cassé une table sur le dos. J’ai eu les côtes, le nez et les dents cassés puis j’ai été plongé dans l’eau froide en plein mois de décembre les pieds et poings liés avec les yeux bandés. Je ne regrette rien car je peux témoi- gner comment les Américains se comportent avec les êtres humains ! Pendant trois mois, j’ai été mis à l’isolement et n’ai eu le droit de parler à person- ne.

Munthazer Al Zaidi

dit avoir été torturé après son geste. Selon lui, les soldats américains multiplient les exactions contre les Irakiens.

marque de chaus- sure qu’il portait est en rupture de stock. En atten- dant, ce coup de colère lui a valu neuf mois de pri- son et d’isolement, de la torture, des brimades et un exil forcé. Après son incar- cération, le jour- naliste s’est réfu- gié à Beyrouth et a obtenu un visa touristique pour

“Tout est stratégie et mensonge.”

150 000 hommes en Irak sous Bush. Aujourd’hui, il y a tou- jours 150 000 soldats ! À Oba- ma, on devrait lui délivrer le Guinness des records de la per- sonne qui a le plus parlé de paix mais qui n’a rien fait. L.P.P. : Les États-Unis motivent leur occupation pour “délivrer le peuple” et lui donner sa liberté. Votre réac- tion ? M.A.Z. : Vous pensez les États- Unis assez courageux pour sacri- fier 4 000 soldats juste pour rendre la liberté aux Irakiens (il coupe). Il n’y a que dans les films d’Hollywood que l’on voit ça. Tout est stratégie et men- songe : les Américains veulent contrôler tous les pays du Gol- fe pour se procurer le pétrole. Ils ont déjà leur base en Afgha- nistan et ont menti par rapport aux armes de destruction mas- sive. L.P.P. : Qui commandite les attaques terroristes en Irak ? Al-Qaïda ou… les États-Unis ? M.A.Z. : Ce sont les Américains qui tirent toutes les ficelles si bien que la corruption est énor- me. J’ai vu de mes propres yeux des snipers américains viser et tuer des jeunes enfants juste pour s’amuser. Mais en Occi- dent, vous ne voyez rien car l’Amérique contrôle toutes les images, comme vous ne verrez jamais toutes les maisons détruites par les avions F-16.

est-ce possible ? M.A.Z. : Il faut que tout le peuple se soulève. Tout est plus accep- table que l’occupation. Il faut un gouvernement multiconfes- sionnel. C’est possible. L.P.P. : À Paris, un Américain a balan- cé sa chaussure contre vous. Vous sentez-vous en danger et pourquoi avoir choisi la Suisse comme pays d’accueil, alors que les habitants vien- nent de voter contre les minarets ? M.A.Z. : Je m’attendais à rece- voir une chaussure un jour mais je n’ai pas peur pour autant. Je me balade seul en Suisse, tout va bien. Je ne connais pas bien la politique suisse mais je suis assez confiant dans ce peuple qui a toujours combattu les per- sonnes qui ont voulu les priver de liberté et n’ai pas peur par rapport à ce vote. L.P.P. : En prison, on vous a promis des millions de dollars pour ce geste. Êtes- vous riche ? M.A.Z. : J’ai reçu des milliers de lettres mais pas des millions d’euros. C’est la dure réalité et c’est pourquoi j’ai créé ma fon- dation “Munthazer Al Zaidi” pour venir en aide aux victimes de cette guerre d’occupation : les veuves, les orphelins et les handicapés. L.P.P. : Quand quitterez-vous la Suis- se pour retourner chez vous ? M.A.Z. : C’est trop risqué pour le moment.

ont torturé ? M.A.Z. : Non, des Irakiens… mais ce n’était pas des Irakiens normaux. L.P.P. : L’élection d’Obama a nourri des espoirs. Les Irakiens se sont-ils trom- pés ? M.A.Z. : On croyait qu’Obama allait être Superman. Il y avait

L.P.P. : Ce sont les Américains qui vous

RADARS Des nouveaux équipements L’étau se resserre autour des frontaliers mauvais payeurs La police neuchâteloise vient de s’équiper d’un lecteur de plaques minéralogiques destiné à identifier les automobilistes étrangers redevables de petites contraventions. Q uelques heures d’utilisation ont suffi pour amortir ce nouvel appareil dont le coup s’élève à

40 000 francs suisses. “Sur 8 700 véhi- cules contrôlés sur un axe frontalier, 8,7 % faisaient l’objet d’amendes impayées. Cela représente 1 100 contre- venants pour un montant global de 80 000 francs suisses” , indiquent les services de la police neuchâteloise qui intervient sur le canton. D’un volume sensiblement identique à celui d’un radar mobile, la petite boîte dotée d’une caméra garde en mémoire les numéros de tous les véhi-

Propos recueillis par E.Ch.

L.P.P. : Un Irak libre et indépendant,

cules ayant déjà com- mis une infraction. Dès qu’un fautif est identi- fié, il suffit alors de l’intercepter. Ce dispo- sitif vise les conducteurs étrangers sous le coup d’une ou plusieurs amendes inférieures à 120 francs. Ils ont pu être verbalisés pour mauvais stationnement où flashés à des vitesses excessives. Jusqu’à pré- sent, les mauvais payeurs s’en sortaient assez facilement car les polices suisses n’ont pas accès aux banques de

Gare aux fautifs.

En quelques contrôles, le lecteur de plaques a permis de confondre près de 1 200 conducteurs en situation d’amendes impayées.

données étrangères et ne pouvaient donc pas identifier les auteurs de ces petits délits. Ce qui n’est pas le cas des amendes supérieures à 120 francs suisses qui font l’objet d’une procé- dure d’identification transfrontaliè- re. Le défaut de la cuirasse semble donc en partie résorbé. Gare aux fautifs qui s’exposent ainsi au risque d’être confondus par ce nou-

vel appareil mobile d’identification automatique de plaques minéralo- giques. La police neuchâteloise en pos- sède, pour l’instant, un seul. La mena- ce qu’il laisse peser semble aussi dissuasive que son utilisation in situ . Nul doute que certains vont rapide- ment s’acquitter de leur dette.

F.C.

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