La Presse Pontissalienne 123 - Janvier 2010

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 123 - Janvier 2010

18

ÉCONOMIE Maire depuis 1995 Alain Joyandet, l’entrepreneur Avant de se lancer en politique, le maire de Vesoul s’est bâti une carrière d’homme de médias. Parcours.

Le secrétaire d’État a longtemps été le prési- dent du club de foot de sa ville de Vesoul.

À 24 ans, le futur secrétaire d’État travaille depuis quatre ans en tant que journaliste de proximi- té à La Presse de Gray, un hebdoma- daire né en 1842 et qui reste un des titres de presse locale les mieux enra- cinés en Franche-Comté. Rapidement, le destin du salarié bascule quand le directeur du titre décède brutalement. En 1978, le jeune homme de Cham-

appartement, revend la maison réno- vée et avec la plus-value, apporte les premiers fonds nécessaires au fonc- tionnement de l’entreprise. La même année, en pleine libéralisa- tion des ondes, il lance R.V.S., Radio Val de Saône. L’année suivante, il devient le président fondateur des créa- teurs d’entreprises du département de la Haute-Saône. “Dans ce département rural, je me suis aperçu que tous les jeunes chefs d’entreprise avaient les mêmes problématiques, seuls dans leur coin. Mon idée était d’instaurer un esprit communautaire entre nous. Cet- te idée a toujours été ma ligne de condui- te” confie aujourd’hui Alain Joyandet. Installé à Vesoul, le chef d’entreprise sera rapidement sollicité pour prési- der aux destinées du club de football local. En 1989, Pierre Chantelat, alors mai- re de vesoul sollicite le Vésulien de 35 ans pour qu’il fasse partie de son équi- pe aux élections municipales. La liste Chantelat est battue, Alain Joyandet

se fera les dents en tant que conseiller municipal d’opposition. Premier succès électoral en 1992 quand il est élu conseiller général de Vesoul. Trois ans plus tard, il est choisi com- me tête de liste aux municipales de Vesoul et reprend - de justesse - la vil- le au socialiste Loïc Niepceron. Pen- dant ce temps-là, les deux sénateurs de la Haute-Saône perdent leur siège de maire à Lure et à Luxeuil. Le R.P. R. mise alors sur le jeune maire de Vesoul. Bingo : il devient en 1995, à 41 ans, le benjamin du Sénat. Parallèlement à son début de carriè- re politique, le sénateur fait fructifier ses affaires. Il reprend huit fréquences radio, crée Radio Vitamine, rachète Radio 2000 à Dijon avant de la revendre au groupe N.R.J. Il rachète plusieurs titres de presse, en Lorraine, en Bour- gogne, crée une imprimerie ultra-moder-

ne à Auxonne (Côte-d’Or). En 2002, il est le seul sénateur à quitter le Palais du Luxembourg pour briguer un man- dat de député. Il sera élu, puis réélu en 2007. Plus récemment, dans les affaires, il connaît un échec commercial avec la fin rapide de l’Hebdo de Besançon, mais garde un pied dans la capitale comtoise avec un nouveau titre d’information gratuit, la Gazette de Dijon dans lequel sa société a des parts. Officiellement retiré des affaires depuis

sa nomination au gouvernement au printemps 2008,Alain Joyandet a cédé les rênes de son entreprise à sa fille Élodie. Il possède également quelques actions dans la société de l’un de ses gendres dans la région de Toulon, spé- cialisée dans la navigation de plai- sance. Parfois titillé pour son impli- cation dans le monde de l’entreprise, Alain Joyandet se définit plus comme “un entrepreneur” que comme un hom- me d’affaires. J.-F.H.

plitte est propulsé direc- teur de l’hebdomadaire par le conseil d’administration. Trois ans plus tard, le 13 mars 1981, il importe le concept du titre de presse à Vesoul, chef-lieu du dépar- tement, en créant La Presse de Vesoul, deuxiè- me titre de son jeune grou- pe de presse. Pour créer son entreprise, le jeune Haut-Saônois rénove sa maison de Gray-la-Ville, devient locataire d’un

Alain Joyandet a cédé les rênes de son entreprise.

VESOUL L’opposition “Un pur produit de la Sarkozie” Alain Joyandet est décrié par son opposition municipale qui lui reproche sa façon d’agir et son absence des affaires locales. L es élus de l’opposition n’ont jamais le beau rôle. Mais il semblerait que la place soit encore plus inconfortable dans une municipalité dont le maire est aussi secrétaire d’État. “Alain Joyandet est un pur produit de la Sarkozie. Derrière le sourire se cache une intransi- geance à tous les avis qui ne sont pas conformes au sien” annonce Rama- zan-François Kaymak du parti socialiste. L’élu de l’opposition n’est pas tendre avec le maire qui ne l’est pas davantage avec ses détracteurs, toujours prêt à les tacler en se fendant d’un commentaire sur leur approche de la gestion municipale. “Alain Joyandet est une main tendre dans un gant de fer. Il ne rentre jamais vraiment dans le débat avec l’opposition. Il esquive. Ce que l’on regrette, c’est la méthode utilisée. D’abord il essaie de passer les dossiers en catimini, si ça ne marche pas il passe en force.” Selon Ramazan-François Kaymak, le statut de secrétaire d’État du maire n’apporte pas de véritable valeur ajoutée à la vie municipale. Au contraire, “l’immense effet de sa nomination est le vide sidéral qui caractérise la mairie. Il n’y a plus d’autorité. Alain Joyandet n’est plus présent. Il laisse filer les dossiers et donne l’impression de les décou- vrir quand il arrive en conseil. Je me demande qu’elle pla- ce il accordera àVesoul durant la campagne des Régionales” s’interroge Ramazan-François Kaymak qui pose à sa maniè- re la question du cumul des mandats. “C’est le vide sidéral.”

STRATÉGIE

Son directeur de campagne La succession est déjà prête S’il gagne les élections régionales

de mars, Alain Joyandet laissera avant la fin du mandat son fauteuil de maire de Vesoul. Le candidat U.M.P. prépare la relève, depuis 12 ans déjà.

D eux entrées contiguës accueillent le visiteur qui monte l’escalier d’honneur de la mairie de Vesoul.Sur les portes,lemême prénom. À gauche, c’est le bureau du maire-secrétaire d’État. Àdroite,celuid’unautre Alain.AlainChrétien, 34 ans, premier adjoint au maire et promis à la succession le jour où lemaire décidera,enmilieu demandat,de laisser sonpou- lain voler de ses propres ailes. Ce 21 décembre 2009, c’est le plus jeune des deuxAlain qui tient la boutique. Pendant ce temps, “le père” préside dans les locaux flambant neufs de l’hôpital de Vesoul, le conseil d’administration de l’établissement de santé.Voilà plus de 10 ans qu’Alain Chré- tien se forme à l’école Joyan- det. C’est en 1997 que le maire de Vesoul accueille Alain Chré- tien, alors âgé de 22 ans, en stage à la mairie de Vesoul. “Alain Joyandet cherchait de nouvelles têtes, il m’a confié une première mission en tant que stagiaire. Mon travail consistait à préparer la révi- sion du plan local d’urbanisme” se souvient Alain Chrétien. Le courant entre les deux Alain passe immédiatement. L’année sui-

vante, après la parenthèse service militaire,Alain Chré- tien est rappelé par le maire de Vesoul, également séna- teur de la Haute-Saône à cet- te époque. Il le fait venir auprès de lui pour assurer la fonction d’assistant parle- mentaire. Avec une mission stratégique : chargé des rela- tions avec les élus. Piqué au jeu de la politique et façonné au moule Joyan- det, Alain Chrétien est logi- quement sollicité par sonmen- tor pour intégrer la future équipe du maire à la veille desmunicipales demars 2001. Réélu, Alain Joyandet pro- pulse son protégé directement à un poste d’adjoint. En 2002, le maire de Vesoul quitte le Sénat pour se faire élire à l’Assemblée Nationale. Le maire deVesoul est alors enco- re conseiller général deVesoul. Logiquement, il propose à son fils en politique, âgé de 26 ans seulement, de briguer leman- dat laissé vacant. Le jeune Alain perd à une voix près… Quelquesmois plus tard,Alain Joyandet quitte la présiden- ce de la communauté de com- munes de l’agglomération vésulienne et en laisse les rênes àAlainChrétien. “Après le court échec aux cantonales, il m’a dit : “AllezAlain,remon-

Alain Chrétien : “Je mets en œuvre sa politique mais je ne suis pas la marionnette d’Alain Joyandet. Quand il n’est pas à Vesoul, il sait que la boutique est tenue.”

tez sur votre cheval ! Remet- tez vous en selle à la com- munauté de communes.” La jeune carrière d’Alain Chrétien se poursuivra par une élection au Conseil géné- ral, suite à l’annulation par le tribunal administratif du précédent scrutin qui l’avait vu échouer à une voix près. Sa route est tracée, il sait que le maire actuel le laissera voler de ses propres ailes d’ici quelques années seulement. “Le rôle d’un homme politique est de préparer des jeunes. Ce n’est pas quand on est mort politiquement qu’il faut y pen- ser. Je saurai m’effacer le moment venu” commente Alain Joyandet. Alain Chrétien, qui reven- dique totalement sa filiation politique, n’a pas encore tout

à fait “tué le père.” “Ce jour- là, ne le ratez pas…” lui aurait réponduAlain Joyandet. Sûr de son fait, le maire a déjà en tête la date où il laissera son fauteuil à l’hôtel de ville de Vesoul. Ce sera d’ici deux ans maximum. Alain Joyandet sera peut-être président de Région, ou alors simple conseiller régional. Mais dans un cas comme dans l’autre, il passera le relais. Cette pro- messe-là, au moins, sera tenue. En attendant,Alain Chrétien continuera à se faire les dents dans l’ombre de son “père” qui lui a confié une autremission hautement stratégique d’ici mars : il est son directeur de campagne pour les régio- nales… J.-F.H.

Ramazan-François Kaymak, élu socialiste, membre de l’opposition municipale à Vesoul.

Made with FlippingBook Online newsletter