La Presse Pontissalienne 123 - Janvier 2010

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 123 - Janvier 2010

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INTERVIEW Ses priorités “Une politique aux antipodes de ce qui se fait actuellement” À deux mois de l’échéance, Alain Joyandet livre ses premières idées pour la Franche-Comté, en même temps que ses premières salves contre la majorité actuelle. Entretien, en toute franchise.

L a Presse Pontissalienne : Vous avez été maire de Vesoul, puis sénateur, député et enfin secrétaire d’État dans l’actuel gouvernement… Pourquoi viser la Région ? Alain Joyandet : La vie politique est faite de cir- constances. À partir du moment où on a aidé pas mal de personnes jusqu’ici, ces personnes se tour- nent vers vous et vous disent : “C’est le moment pour toi d’y aller.” Bien sûr, quand j’ai été nom- mé membre du gouvernement, j’ai tout de suite pensé que ce serait peut-être à moi qu’il revien- drait de tenter de reconquérir cette région. Et quand 11 parlementaires de la majorité ont signé et lancé une pétition pour me demander de por- ter les couleurs de la droite aux prochaines régio- nales, il y a eu un véritable élan. Être membre du gouvernement est une chance, mais cela don- ne aussi des responsabilités supplémentaires. Les régionales arrivent au bon moment pour moi, j’ai été largement sollicité pour m’engager, je m’y engage pleinement. L.P.P. : Au risque de perdre… A.J. : Si je perds, je m’engage néanmoins à long terme pour la Franche-Comté. Dans cette hypo- thèse, je siégerai en tant que conseiller régional et animateur de l’opposition régionale. J’ai tou- jours été fidèle à mes engagements. L.P.P. : Quelle est votre priorité pour la Franche-Comté ? A.J. : Clairement l’économie et l’emploi. Dans cet- te région, on a tout ce qu’il faut pour avoir des résultats spectaculaires en associant les forces vives. Le problème ici, c’est que les gestionnaires de cette Région se sont toujours positionnés en opposants de l’État. Il y a un véritable travail à mettre en place en lien avec le formidable tissu économique de cette région et toutes les poli- tiques publiques à notre disposition. L.P.P. : Pour la création de 3 000 emplois pour les jeunes notamment ? Quelle sera votre méthode ? A.J. : Il faut déjà penser à réorienter intelligem- ment les 80millions d’euros que la Région consacre par an à la formation professionnelle. Pour quels résultats ? Je vais utiliserma vision d’entrepreneur pour qu’à ces jeunes, on leur propose de vrais emplois dans le secteur marchand et à long ter- me. La Région prendrait pour elle les charges sociales et 10 % du salaire en année 1, à condi-

tion que ce soit un C.D.I. Voir autant de jeunes au chômage alors que sur certains chantiers publics des travailleurs étrangers parfois en situation irrégulière travaillent illégalement est intolérable. Dans cette région, il y a une vraie distorsion entre le système de formation et l’offre d’emploi. Il faut que la Région marche sur ses deux pieds, de la formation et de l’emploi. Par ailleurs, cela ne signifie pas que j’arrêterais les emplois-tremplins. L.P.P. : Tout ne passe pas par l’économie. Votre position sur la culture par exemple ? A.J. : Mon idée générale est toujours la même : il y a en Franche-Comté des talents, c’est à la Région de jouer un rôle de catalyseur et de pro- mouvoir tous ses talents. C’est la culture qui apporte l’image à une région. Ce n’est pas en invitant Jane Birkin dans un spectacle gratuit à Luxeuil, dans le cadre de Bancs Publics, qu’on va aider à promouvoir nos talents. Que fait-on des scènes régionales qui font des programma- tions toute l’année ? Ces artistes locaux se deman- dent si la Région sait qu’ils existent ! Il faut donc réinventer la politique culturelle vers la pro- motion des talents régionaux. Un seul exemple : les difficultés rencontrées par l’ensemble Justiniana dirigé par Charlotte Nes- si. À la Région, ils ont fait des réunions à n’en plus finir et au final, qui a récupéré Charlotte Nessi au théâtre Edwige Feuillère où elle fait un formidable travail, c’est le père Joyandet ! Avec mon équipe, on aura une politique cultu- relle aux antipodes de ce qui se fait actuelle- ment. L.P.P. : Et la position de la capitale régionale dans tout ça, alors que l’on constate que le Nord Franche-Comté fait son bonhomme de chemin presque tout seul ? A.J. : On a la chance d’avoir une région présentant une certaine homogénéité territoriale, une région compacte qui a du caractère (ce qui fait d’ailleurs que je m’oppose à toute fusion avec une autre région). Pourtant, la capitale régionale se cherche encore. Mais Besançon ne manque de rien, seu- lement de fierté, de promotion et de reconnais- sance. Le C.L.A. à Besançon, qui le connaît ? Dans mes voyages sur les cinq continents, il n’y a pas un mois sans que l’on me dise “Je suis passé par le C.L.A. de Besançon.” Faisons-le évoluer avec un

Pour Alain Joyandet, la présence de Patrick Genre est “tout à fait légitime.”

vrai rayonnement national.

geait et j’ai pris le même engagement de laisser ma place à la mairie de Vesoul avant la fin de ce mandat pour qu’Alain Chrétien puisse me succéder dans de bonnes conditions. Je sais tou- jours à quel moment je dois passer le relais. Ma vision de la politique est très claire, elle consis- te également à former les générations montantes. L.P.P. : Vos adversaires vous reprochent parfois de tou- jours être impliqués dans les affaires, votre société de presse… Que leur répondez-vous ? A.J. : D’abord que je ne suis pas un homme d’affaires mais un entrepreneur, et que j’en suis fier. J’ai une entreprise familiale dont j’ai transmis les rênes à une de mes filles l’an dernier. Évidem- ment, il est toujours facile de critiquer quand on ne sait pas ce qu’est l’entreprise et qu’on n’a jamais risqué un seul euro dans le développe- ment d’une activité… L.P.P. : Et le casse-tête Jean-François Humbert, vous avez renoncé à tenter de le résoudre ? A.J. : Avec lui, je crois que je ne peux pas faire plus. J’ai fait 5 heures de route pour aller le voir, il n’est pas venu au rendez-vous, sans prévenir. À un moment donné, il faut que j’avance. Nous avons préparé une vraie liste de rassemblement, nous sommes dans une stratégie de premier tour. Ensuite, nous serons ouverts à fusionner le cas échéant avec le MoDem, une partie des écolo- gistes pourquoi pas, mais c’est tout. Le sens d’une fusion entre les deux tours, c’est la complémen- tarité. Maintenant, si on perd de deux points au second tour, on pourra toujours trouver un res- ponsable… L.P.P. : Vous teniez à avoir Patrick Genre sur votre liste. Comment l’avez-vous convaincu ? A.J. : Je lui expliqué comment je fonctionnais, ma façon de voir le développement de la région, des zones rurales… Lui qui travaille à La Poste, je lui ai expliqué ma façon de voir l’évolution des services publics. Je lui ai indiqué aussi l’accent que je voulais mettre sur les villes de taille moyen- ne comme Pontarlier. J’estime qu’il est tout à fait légitime que le maire de Pontarlier, capita- le du Haut-Doubs, se voie confier une mission régionale. Propos recueillis par J.-F.H. Alain Joyandet en dates I l est né le 15 janvier 1954 à Dijon. Fils dʼun père hôtelier-restaurateur devenu marchand de bestiaux et dʼune mère commerçante. Il suit des études secondaires au lycée Montchapet à Dijon, puis au Lycée Cournot à Gray et enta- me des études de médecine à Dijon avant de bifurquer vers le journalisme. Il travaille alors pour la Presse de Gray. Il fonde ensuite la Pres- se de Vesoul et Radio Val-de-Saône (R.V.S.). Il se lance ensuite dans lʼédition en créant le Groupe des éditions comtoises en 1986 ainsi quʼun atelier de photogravure. Il est président du club de football U.S.F.C. Vesoul entre 1986 et 1995. Alain Joyandet est marié et père de trois enfants.

L.P.P. : Avec l’idée de créer une anten- ne “langues” de Sciences-Po Paris au C.L.A. de Besançon ? A.J. : C’est une piste à creuser en effet qui peut faire partie de nos propositions… L.P.P. : Un mot sur le magazine de la Région, n’est-il pas un bon outil de communication ? A.J. : Quel est l’intérêt d’avoir un magazine de la Région avec en couverture, la photo en pleine page de la présidente ? Unmaga- zine sert à faire savoir les talents régionaux, il ne doit pas servir à la promotion des élus. Qui sait que la Franche-Comté est la pre- mière région française en logis- tique industrielle ? Un magazi- ne payé par l’argent public doit

“Ils sont allés où ces impôts, pour faire quoi ?”

plutôt servir à cela.

L.P.P. : Vous reprochez finalement à la gauche de mal uti- liser l’argent public ? A.J. : Les Francs-Comtois ont subi en six ans 40 % d’impôts supplémentaires, mais ils sont allés où ces impôts, pour faire quoi ? Rien que dans les services généraux de la Région, on est passé de 213 emplois il y a six ans à 380 aujourd’hui ! Si on gagne ces régionales, des choses vont chan- ger radicalement. L.P.P. : Il y aura des coupes sombres dans certains bud- gets… A.J. : Dans les politiques publiques, non. Mais nous apporterons une vraie rationalisation des dépenses de fonctionnement. L.P.P. : Les services publics sont malmenés, quelle est votre position sur le sujet ? A.J. : Mon attachement aux services publics est viscéral, je suis un enfant de Champlitte. Les collectivités locales sont là pour créer un envi- ronnement favorable aux individus et aux entre- prises pour créer de la valeur ajoutée. Ce qui permet aussi de conforter nos services publics. Il y a une différence entre réformer la machi- nerie, l’interne de certains services publics, et le service rendu au public. L.P.P. : Votre position sur le cumul des mandats, vous qui vous verriez bien assumer en parallèle la présidence de la Région et votre secrétariat d’État ? A.J. : Je suis surtout favorable à ce qu’à la tête de l’État, d’une Région, d’un Département ou d’une grosse ville, on ne puisse pas faire plus de deux ou trois mandats de suite. Quant à la ques- tion du cumul des mandats, c’est à la mode, elle n’est pas bien vue a priori . Mais la plupart de nos concitoyens préfèrent avoir à la tête d’un exécutif une personne d’envergure qui sait plai- der la cause de leur région à un haut niveau, j’en suis certain. Et je reste opposé à ce qu’un élu s’accroche à ses mandats exécutifs. J’avais démissionné du Conseil général pour que mon successeur puisse se for- mer, j’ai fait la même chose à la communauté de communes de Vesoul, alors que rien ne m’y obli-

“Si on gagne ces régionales, des choses

vont changer radicalement” dit-il.

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