La Presse Pontissalienne 122 - Décembre 2009

LE PORTRAIT

La Presse Pontissalienne n° 122 - Décembre 2009

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PONTARLIER

Médecin, poète et voyageur

Imprévu sans ordonnance Médecin-urgentiste à l’hôpital de Pontarlier, Philippe Marguet publie son premier essai. Le quotidien d’un médecin plus qu’attiré par les secours en milieux extrêmes.

L e goût de l’action et de l’aventure, ça ne se commande pas. On vit avec et on s’en accommode. Quand il n’était encore que jeune lycéen à Xavier-Mar- mier, Philippe Marguet, emporté par son envie de décrocher une bourse de voyage avec ses copains, en a oublié sa scolarité. Il redoublera sa Seconde mais gagnera un super-séjour de trois semaines au Soudan qu’il n’est pas près d’oublier. “Avec le recul, c’était une expérience décisive” , indique Philippe Marguet qui ne cessera de bouger aux quatre coins du globe. Plutôt dans

Responsable des urgences et du S.M.U.R. à l’hôpital de Pontarlier, Philippe Marguet raconte 20 ans d’interventions dans le Haut-Doubs.

qui conditionne d’ailleurs toute son existence n’est pas sans rappeler un certain Pierre Bichet. Bac en poche, Philippe Marguet papillonnera entre sciences et lettres avant de s’engager en médecine. Cur- sus motivé par l’idée de faire de l’humanitaire ou des secours enmilieux extrêmes. Toujours cette notion de dépaysement. “ Les études de médeci- ne ne sont pas plus difficiles que d’autres. Cela devient vraiment intéressant au bout de quelques années. On est alors en capacité d’intégrer de l’analyse dans la démarche.” Philippe effectue une partie de son internat à l’hôpital de Pontarlier, au service des urgences plus précisément. “On n’hésitait pas à nous envoyer sur le terrain.” Ce qui n’est pas pour lui déplaire. En fin d’étude, il suit une formation supplémentaire de deux ans pour deve- nir urgentiste. “À l’époque, ce n’était pas encore une spécialité à part entiè- re.” Philippe exerce ensuite en Haute- Saône, travaille dans les Alpes dans les secours en hélicoptère, prolonge l’expérience à Mouthe. Pas tout à fait le même décor même si les rigueurs climatiques offrent parfois les condi- tions extrêmes qu’il affectionne. “On gérait parfois le risque de voir geler les perfusions.” L’urgentiste rêve aussi de

grandes missions humanitaires et pourquoi pas de fai- re de la réanimation. “La médecine huma- nitaire reste le pré carré des grandes organisations pari- siennes. Pour la réanimation, il fal- lait forcément aller dans une grande vil- le.” L’heure des grandes décisions a sonné. Jurassien dans l’âme, Philippe sai- sit en 1991 l’opportunité d’ouverture de deux postes d’urgentistes à l’hôpital de Pon- tarlier. “La qualité de vie pontissalien- ne prime sur le choix professionnel” , recon- naît celui qui ne regrette nullement cette orientation. L’environnement du Haut-Doubs et la mentalité locale lui conviennent. Le tra-

l’esprit du baroudeur curieux de découvrir avec ses copains des des- tinations à l’écart des clichés touristiques. Spitzberg, Yémen, Iran… “Peut-être des idées de futurs livres” , sourit le praticien. La médecine n’a jamais été, du moins au départ, une vocation ou une pas- sion. Contrairement à la littérature, à la poé- sie ou encore à ce mas- sif jurassien qu’il ne quit- terait pour rien au monde. Cet attachement

Le risque de voir geler les perfusions.

vail à l’hôpital de Pontarlier n’a rien de routinier dans cet établissement en plein développement. “Le nombre de médecins aux Urgences est passé de 2 à 10 depuis mon arrivée. L’activité a beaucoup évolué avec une réduction sensible des accidents de la route. Inver- sement, on fait plus de bobologie” explique celui qui est devenu l’un des responsables du service. Après avoir suivi une formation adé- quate à Paris, l’urgentiste voyageur prend l’initiative d’ouvrir une consul- tation de médecine tropicale très appré- ciée par tous les globe-trotters du Haut- Doubs voire du Jura voisin, qui n’ont plus à se rendre à Besançon pour se mettre à jour des vaccinations inter- nationales. Le quotidien d’un urgentiste à Pon- tarlier ou ailleurs ne manque pas de piment. En 20 ans, Philippe Marguet qui est par ailleurs commandant volon- taire chez les pompiers a accumulé d’innombrables souvenirs. Des his- toires rapportées dans son ouvrage suivant une chronologie saisonnière. Les unes parfois cocasses ou poétiques,

tendres et insolites, les autres avec leur cortège de drames ou de miracles. “On peut se faire très peur, surtout quand on intervient sur un accident avec plusieurs victimes. Il y a toujours une grosse part d’incertitude. En géné- ral, ça se passe bien mais quand ça ne va pas, ça ne va vraiment pas.” Philippe Marguet nous convie donc à plonger dans cet univers très particu- lier. Des histoires véridiques mais aus- si d’autres sorties tout droit de son imagination. Il préserve bien sûr l’identité de ses personnages même si certains pourront se reconnaître de par le caractère vraiment exception- nel des événements racontés. À 46 ans, l’urgentiste se sent-il prêt à prolonger cette existence trépidante jusqu’à la retraite ? “Est-ce qu’on peut durer dans l’urgence ? On manque de recul car il s’agit encore d’une spécia- lité récente” , estime Philippe en admet- tant qu’à 60 ans il ne sera pas forcé- ment aussi vaillant qu’aujourd’hui pour se lever à 3 heures du matin pour affronter l’inconnu. F.C.

Attaché à son Jura natal, Philippe Marguet aime aussi voyager, comme ici en Bolivie.

Urgences à raconter - Le quotidien d’un médecin Philippe Marguet - Éditions Cabédita

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