La Presse Pontissalienne 122 - Décembre 2009

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 122 - Décembre 2009

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LES TRADITIONS FORTES

Le comice Fin octobre, le comice du canton de Pon- tarlier se tenait àMalbuisson. Une fois encore, les plus belles vaches (montbé- liardes) étaient sur leur 31. Ce rendez- vous est immanquable pour tous les agriculteurs. Présidé par PhilippeMar- guet, le comice de Pontarlier pourrait se dérouler le samedi 23 octobre 2010 au centre-ville de Pontarlier. L’idée étant de proposer une grande fête agricole. Le tarot Mener le petit au bout, avoir un bon chien…Autant d’expressions pour un jeu encore à la mode dans le Val de Morteau, le Plateau de Maîche et bien évidemment à Pontarlier, la capitale du tarot. Mais force est de constater que seuls les retraités continuent de faire perdurer ce rite : celui d’inviter ses amis ou voisins pour placer le tapis vert sur la table de la salle à manger avec un verre (souvent de vin) à proxi- mité une fois l’hiver venu. On ne par- le pas ici de la compétition ou des soi- rées tarot qui connaissent un succès grandissant mais bien du “tarot mai- son”. À l’heure où le poker est roi, le tarot a perdu de sa superbe.

Préparer l’hiver “Pour sûr qu’il va y avoir de la neige cet hiver, les gentianes sont hautes.” Au sommet des Fourgs jusqu’au Crêt Moniot, tous les indices sont bons à prendre pour savoir si la neige sera au rendez-vous ou pas. Selon les anciens, le manteau blanc devrait être au ren- dez-vous. “Il y a eu beaucoup de guêpes” confie un habitant de Métabief. “Et en plus, il n’a pas neigé sur les feuilles… mais il a neigé à la Saint-André (30 novembre), donc c’est 100 jours de neige.” La plupart des habitants du Haut- Doubs n’ont pas attendu ce semblant d’été indien pour “poser les doubles- fenêtres” , réviser le chauffage, ramo- ner la cheminée…Après la maison, il faut s’occuper de sa personne : un pull en Damart, un col roulé et faire poser “des grappes” sous les bottines d’hiver pour ne pas glisser sur le verglas.

L’enterrement de vie de garçon ou de jeune fille Prenez un garçon badigeonné de rou- ge à lèvre avec une mini-jupe, le tor- se rasé à nu. Prenez de l’autre une fille déguisée en bonne sœur…et vous obte- nez un couple qui va se marier. Non, non, ce n’est pas une blague. Les enter- rements de vie de garçon ont retrou- vé un certain dynamisme depuis cinq à dix ans mais ont changé de philoso- phie. Ce rendez-vous est nettement moins brutal qu’il ne l’était aupara- vant. Fini les roulades dans le tas de fumier ou la douche aux orties. Les bals Depuis deux à trois ans, les bals iti- nérants ont le vent en poupe. Fin des années quatre-vingt, cette fête avait été sacrifiée sur l’autel de la disco- thèque, plus moderne, plus fun .Aujour- d’hui, renversement de situation. Les jeunes du Haut-Doubs dansent à nou- veau du côté de Pierrefontaine-les- Varans, aux alentours de Pontarlier, parfois à Maison-du-Bois-Lièvremont ou encore à Mouthe. La raison est simple : le prix de l’alcool et les tarifs d’entrée y sont beaucoup moins élevés qu’en boîte de nuit. Le Pont’ À Pontarlier, on commande un Pont’ au bar. Point barre. Alcool anisé, le Pontarlier est une marque de fabrique “made in Haut-Doubs” au point que certains groupes se sont créés pour revendiquer leur goût pour cet alcool à la couleur jaune et blanche. C’est le cas sur le réseau social Facebook sur Internet où les accrocs du Pont’ affi- chent leur amour pour cet apéro incon- tournable. Rien à voir avec l’autre jau- ne… celui du Sud de la France. Le gras-double La panse de vache, autrement dit le gras-double, s’immisce de moins en moins sur les tables franc-comtoises alors que ce plat était plus que tra- ditionnel. Confirmation d’un boucher- traiteur installé rue de la République à Pontarlier. “Si vous ne préparez pas votre gras-double, vous n’en vendez pas. Je les fais à la mode de Caen ou en salade. On ne peut pas comparer le gras-double aux salaisons fumées qui sont à la mode” explique Georges Bonnet, responsable du magasin créé par son grand-père. La tradition chez les Bonnet, sûr qu’ils en connaissent un étal. D’ailleurs, le père confie que les habitudes culinaires ont changé : “Il y a quelques années, la boucherie était pleine de 8 heures à 10 heures le dimanche matin… Les cuisinières fai- saient mijoter la viande deux à trois heures. Aujourd’hui, c’est de 10 heures à 12 heures On fait moins cuire les aliments. Il faut que tout soit rapide.”

Le culinaire La tradition culinaire ne se résume pas à la saucisse de Morteau, au Jésus, au mont d’or ou au comté. Il y a aussi le gâteau de ménage, des beignets (à carnaval) et les sèches. On vous don- ne une recette de sèche : 200 grammes de beurre, un bol de crème, 1/2 verre d’eau, un peu de sel, 500 grammes de farine. Mettre le tout dans une terri- ne et mélanger en faisant une boule. Ensuite, faire 3 tours à la pâte en espa- çant d’1/4 d’heure entre chaque. Cui- re à four très chaud pendant 5 minutes. Les sèches doivent se “faire” dans une chambre froide. Les grenouilles La tradition culinaire comtoise va de soi. Jésus et saucisse de Morteau, com- té… font partie du patrimoine. Tout comme les grenouilles d’ailleurs. Au printemps, les grenouilles atterrissent dans la bouche. Après la fourrure et le foie gras, la Société vaudoise pour la protection des animaux a lancé une campagne cantonale qui appelle au boycott de la délicate gourmandise batracienne. “Une grenouille pèse 125 grammes. Vous lui enlevez les cuisses, qui représentent 20 % du poids total, et jetez le reste” dit la Société vaudoi- se. Dans le cas du bœuf (50 %) et du porc (40%) aussi le gaspillage est grand, mais pas à ce point.

Les sèches comme le gâteau de ménage (ou de fête) font recette. Elles retrouvent leur place chez les boulangers-pâtissiers.

L’enterrement Certains vont-ils aux funérailles pour prier ou discuter ? Difficile de répondre à la place du curé. Sans rire, force est de constater que de Villers-le-Lac à Frasne, l’enterrement reste unmoment privilégié et une tradition typique et pas seulement parce que Courbet a peint “L’enterrement à Ornans”. L’originalité réside surtout dans le fait que certaines personnes vont aux enter- rements simplement parce qu’ils connaissent la cousine du grand-oncle décédé dans sa quatre-vingt-dixième année. Petit bémol à cette tradition qui perdure : les “repas” d’après enter- rement se perdent. En effet, il est de coutume de proposer le café et le gâteau de ménage après le passage au cime- tière. Les Catherinettes C’était le 25 novembre dernier. Une journée durant, c’est la fête du célibat pour les femmes âgées de 25 ans. Exemple à l’hôpital de Pontarlier où dix catherinettes ont été fêtées par l’Amicale. Cette tradition n’est pas propre au Haut-Doubs mais à l’ensemble de la Franche-Comté. Les veillées entre amis La télé a eu raison de la veillée. Le soir, une fois la soupe terminée, la peti- te famille ne brave plus le froid et la neige pour se rendre à la ferme voisi- ne. Cette mode s’est perdue une fois la télé venue. À proximité de la cha- leur du fourneau, les femmes discu- taient pendant que les hommes jouaient au tarot. La veillée des morts Disposer le corps d’un défunt dans la chambre familiale pour le veiller est aujourd’hui passé de vie à trépas. Les funérariums ont remplacé le lit conju- gal où était soigneusement position- né le corps du défunt. Mains croisées sur le ventre et grains de chapelet bien ordonnés : tout était méticuleusement préparé. La veillée des morts pouvait durer jusqu’à trois jours et trois nuits pour la famille. La taille pour le tas de fumier Mesurer la taille du tas de fumier pour savoir si la fille ou le fils était “bon ou bonne” à marier est bien loin. Symbo- le d’une richesse, un tas imposant tra- duisait un troupeau avec de nombreuses têtes. L’automatisation a eu raison de ce rite. La fourche et sa brouette ser- vant à “arranger” les bêtes et l’étable ont été remplacées par un chariot convoyeur.

Pontarlier, la capitale du tarot.

LES TRADITIONS PERDUES

“Faire 4 heures” Un carré de chocolat, un morceau de pain, cancoillotte, saucisse… et le tour est joué. Faire 4 heures est moins répan- du dans les familles du Haut-Doubs. Seules les familles d’agriculteurs conti- nuent de perpétuer ce rendez-vous autour d’un bol de café et un morceau de pain. L’école qui se termine après 16 h 30 et surtout les activités extra- scolaires ont eu raison de ce rite. Pire, les différentes campagnes pour contre- carrer l’obésité rabâchent sans cesse aux enfants qu’il ne faut pas grigno- ter entre les repas… Faire 4 heures a vécu. Sauf peut-être lors des vacances d’hiver où après une bonne journée dans la neige, le choco- lat chaud est quasi obligatoire !

“La foire franche” Beaucoup d’agriculteurs n’auraientman- qué ce rendez-vous pour rien au mon- de. Lorsqu’un collègue décidait de vendre sa ferme (souvent lorsqu’il faisait valoir ses droits à la retraite et qu’aucun repre- neur ne s’était manifesté), une vente aux enchères dumatériel et/ou du bétail était organisée.C’était la“foire franche”, moment souvent difficile pour le ven- deur qui voyait partir “ses bêtes” et l’occasion pour les acheteurs de faire de bonnes affaires. Un “spectacle” organi- sé par un crieur en charge d’organiser la vente de la voiture à foin en passant par la pirouette. Dans le Haut-Doubs, une famille de crieur était spécialisée de père en fils. Il s’agissait de la famil- le “Tutu” originaire de Gilley.

“Faire 4 heures”

est perdu… sauf chez les agriculteurs et en période de vacances.

Georges Bonnet, traiteur à Pontarlier, prépare encore le gras-double.

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