La Presse Pontissalienne 120 - Octobre 2009

ÉCONOMIE

La Presse Pontissalienne n° 120 - Octobre 2009

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HORLOGERIE

Technotime en difficulté “Il faut trouver une solution pour le site de Valdahon”

Laurent Alaimo, directeur de Technotime, revient sur les difficultés que rencontre le fabricant de mouvements franco-suisses. L’entreprise se restructure, elle doit se séparer du site de production de Valdahon.

L a Presse Pontissalienne : Technotime est en redressement judiciaire depuis le mois de juillet. Quel est l’avenir de cette entreprise et plus particulièrement de la manufacture de Valdahon ? Laurent Alaimo : L’avenir passe par une adaptation des entités du groupe à la nouvelle configuration du marché hor- loger et par la mise en œuvre d’une solution industrielle pour le site de Valdahon et de ses 49 salariés. Cette solution devrait passer par un repre- neur car en l’état actuel de notre por- tefeuille d’activités, il est peu probable que nous soyons en mesure de propo- ser au tribunal de commerce un plan de continuation viable. Nous avons des contacts avec des repreneurs qui s’intéressent aux multiples compé- tences de cette entreprise. L.P.P. : Les mouvements que vous avez déve- loppés continueront-ils d’être commerciali- sés ? L.A. : Nous poursuivrons la commer- cialisation de nos mouvements. Mais la grande différence est que nous achè- terons nos composants à l’extérieur et nous les assemblerons dans notre uni- té en Suisse qui emploie 25 personnes. Si un repreneur est trouvé, nous espé-

rons pouvoir continuer à nous appro- visionner à Valdahon. L.P.P. : Dans quel état d’esprit êtes-vous ? L.A. : Nous sommes dans une logique de continuité du projet Technotime même si nous devons passer par des phases difficiles. Nous ne sommes pas dans une démarche de capitulation, mais nous partons du postulat que la crise sera durable. Cette entreprise s’est restructurée, elle est armée main- tenant pour attendre la reprise. Le coût du développement est derrière nous.Y compris pour les gens que nous avons licenciés, ce projet doit réussir. Il faut que les efforts qui ont été four- nis jusqu’ici paient. L.P.P. : Technotime a relevé le pari de fabri- quer et de commercialiser des mouvements mécaniques. Qu’est-ce qui n’a pas fonction- né dans ce projet industriel ? L.A. : Il y a trois raisons principales. La première concerne le coût du dévelop- pement des quatre mouvements méca- niques qui s’est révélé plus important que l’avaient prévu les fondateurs du projet. La seconde explication est que nous avons hérité des actifs de France Ébauches. Le problème est que le coût

Technotime ne peut plus assumer son outil de production surdimen- sionné par rapport aux

objectifs atteints.

de possession de l’outil de production qui n’était pas chargé à 100 % a été occulté. Enfin, en 2008, quand nous étions prêts à lancer la commerciali- sation des mouvements, la crise a enva- hi le marché horloger qui recule de 30 à 60 %. La conjonction de ces trois fac- teurs nous a conduits à la situation actuelle. L.P.P. : Finalement, un fabricant de mouve- ments indépendant peut-il exister face à E.T.A.

L.P.P. : Technotime n’a pas atteint le seuil de rentabilité ? L.A. : Nous avons vendu 1 000 mouve- ments ce qui insuffisant pour atteindre le point mort et amortir les coûts de développement.Dans le contexte actuel, il est difficile pour un producteur alter- natif de mouvements d’entretenir une manufacture pour produire ses com- posants s’il n’a pas un volume de ventes de plusieurs milliers d’unités. L’indépendance totale a un coût. Je crois que l’avenir est à la mutuali- sation de la ressource car les fabricants de mouvements où les nouveaux entrants sur le marché seront confron- tés à cet effet de seuil de rentabilité. Le futur de l’horlogerie passe, pour les producteurs alternatifs demouvements, par des partenariats pour partager des ressources et optimiser les coûts, sauf à imaginer que les clients finaux accep- tent des hausses de prix importantes pour intégrer ces surcoûts. L.P.P. : L’industrie horlogère vivrait-elle au-des- sus de ses moyens ? L.A. : C’est un secteur qui a un bel ave- nir mais qui a besoin de s’assainir. La restructuration est inévitable. Cette profession est tellement tournée vers le luxe qu’elle baigne dans l’hypocrisie, y compris sur ses ressources. L.P.P. : L’État pourrait investir 3 millions d’euros dans l’entreprise Péquignet à Morteau qui a projet de manufacture. Qu’est-ce que cela vous inspire ? L.A. : Je suis admiratif devant le cou- rage de Péquignet qui se lance dans cette aventure dont cette entreprise ne doit manquer d’en connaître les diffi- cultés. Réaliser le mouvement jusqu’à son prototype est déjà une belle réus- site, mais l’industrialiser est une autre affaire. Je m’interroge en revanche sur la logique industrielle de cette opéra- tion compte tenu de son coût et des volumes envisagés. Je constate qu’il y a deux poids, deux mesures. Les élus semblent se désintéresser du projet Technotime pourtant abouti, et s’intéresser au projet Péquignet avec des moyens conséquents, et ce malgré un certain manque de visibilité. Dire qu’il n’y a plus d’industrie horlogère et dire que l’avenir de l’horlogerie fran- çaise s’appelle Péquignet est peut-être un peu réducteur pour l’ensemble de la profession.

(groupe Swatch) qui détient 80 % du marché du mouvement. Est-ce que la stratégie com- merciale de Technotime était la bonne ? L.A. : Je pense en effet que les fonda- teurs du projet n’ont pas été clairs sur la stratégie. C’est une hypocrisie de dire qu’E.T.A., par son statut de lea- der , bloque la possibilité à d’autres fabricants de mouvements d’exister sur ce marché. On peut comparer la situation de l’horlogerie à ce qui se passe dans le secteur informatique. À côté de Microsoft, d’autres fournis- seurs de systèmes d’exploitation infor- matique existent. Il y a donc une pla- ce pour des acteurs alternatifs qui attaquent un marché du moyen de gamme ou haut de gamme à la mar- ge comme nous le faisons. Pour cela, il faut être modeste sur ses ambitions et ajuster sa structure de production à la place que l’on prétend occuper. Car ne perdons pas de vue qu’un pro- ducteur alternatif de mouvements aura un prix de revient supérieur à des produits E.T.A. L.P.P. : Vous vous êtes donc heurté à des dif- ficultés de commercialisation de vos mou- vements ? L.A. : Nos mouvements mécaniques sont commercialisés depuis 2007. Nous en avons vendu 1 000 en deux ans. Ce n’est pas assez, d’autant que nos prix sont trois fois supérieurs à ce qui avait été prévu. Ne perdons pas de vue qu’un producteur alternatif de mouvements aura toujours un prix de revient supé- rieur à des produits E.T.A. L.P.P. : Le problème ne vient-il pas de la répar- tition des marges entre les tous les acteurs de la filière horlogère ? L.A. : La répartition des marges n’est pas acceptable. Le producteur de mou- vements réalise la marge la plus faible tout en supportant la plus grosse char- ge en terme de coût de développement. Par exemple Technotime a investi 3,7 millions de francs suisses pour mettre au point et industrialiser les spiraux (un composant dumouvement). Nous avons reçu pour cela une aide de 260 000 francs suisses d’O.S.E.O.. Un produit sorti d’usine entre 800 et 1 000 francs suisses se retrouve dans une montre au prix de vente final com- pris entre 8 000 et 20 000 francs suisses. Il y a un déséquilibre entre les diffé- rents acteurs qui interviennent dans la filière horlogère. Cette situationmal- saine ne permet pas au fabricant de mouvements de se développer sans soutiens extérieurs.

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Propos recueillis par T.C.

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