La Presse Pontissalienne 119 - Septembre 2009

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 119 - Septembre 2009

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GILLEY

Une grosse part d’autofinancement

La maison médicale

Consensus autour de la maison médicale Cette structure inaugurée en février 2007 illustre tout l’intérêt de regrouper sur un même site des professionnels de santé. Elle permet de pérenniser l’offre médicale sur un canton rural qui figurait en zone déficitaire.

de Gilley a nécessité trois ans de réflexion et de démarches administratives. On y trouve aussi les locaux de l’A.D.M.R.

G illey n’aurait probablement plus de généraliste sans ce projet ini- tié en 2004 par le docteur Jean- nier. À l’époque âgé de 59 ans, ce praticien après 32 ans d’exercice en soli- taire ne trouvait personne pour lui suc- céder. Il interpelle alors lemaire de Gil- ley sur le problème. “On a réfléchi ensemble pour trouver une solution. Cet-

aujourd’hui…” Les occupants des lieux ont donc supporté eux-mêmes une gran- de partie de l’investissement qui repré- sente un investissement global d’environ 800 000 euros. La maison médicale de Gilley abrite deux médecins, un dentiste, deux infir- mières, un kiné. La structure emploie aussi deux secrétaires à mi-temps qui assurent une présence quotidienne de 7 heures à 18 heures La pharmacie qui dispose d’une entrée indépendante a fait l’objet d’un transfert depuis le centre du bourg. Du fait de cet accès indépen- dant, la structure répond aux exigences desmaisons de santé pluridisciplinaires lesquelles excluent les professionnels dont tout ou partie de l’activité est com- merciale. La proximité de l’officine évi- te aux patients de multiplier les dépla- cements. Si l’outil offre entière satisfaction, tout n’est pas gagné pour autant. “On a eu bien des difficultés à retrouver un kiné quand le premier est parti.” Cette pré- occupation est d’ailleurs une constante

en Franche-Comté. Après deux ans de fonctionnement, Pierre Jeannier dres- se un bilan très positif. “L’activité médi- cale a progressé tout en offrant plus de souplesse dans le travail sans parler de l’amélioration de la qualité de vie.” S’il n’adhère pas forcément au projet de san- té tel qu’il est défini aujourd’hui dans le cadre des maisons de santé, il appré-

cie de pouvoir échanger au besoin avec les autres praticiens. “La proximité amé- liore indéniablement la prise en charge et le suivi des patients. Je suis mainte- nant certain que l’activité médicale va perdurer.” De quoi envisager désormais sereinement sa succession. F.C.

te période coïncidait au changement de propriétaire à lapharmacie.Je travaillais également avec unmédecin remplaçant deHaute-Saône et prêt à s’installer dura- blement sur le secteur pour peu qu’on lui propose des conditions attractives.” Les autres professionnels : dentiste, infirmières,kinésithérapeute ont répon- du favorablement au principe de créer la maison médicale. “On a aussi solli- cité le médecin de Montbenoît mais il s’est rétracté” , regrette Pierre Jeannier. Le praticien tient à souligner le rôle de la commune qui s’est investie à fond dans la démarche. Après la vente du terrain à un tarif préférentiel, la col- lectivité a réalisé gratuitement les tra- vaux de terrassement et l’aménagement des abords du bâtiment. La commu- nauté de communes du canton deMont- benoît a versé quant à elle une sub- vention de 30 000 euros. “On n’a pas reçu d’aide duConseil régional sous pré- texte qu’on ne créait pas de nouvelle acti- vité. On était probablement trop pré- curseur par rapport à ce qui se fait

FÉMINISATION Une affaire de tempérament Seule et sans l’ombre d’une hésitation Catherine Defrasne ouvre début septembre son propre cabinet médical aux Grangettes où elle exercera en médecine générale avec une option en homéopathie. Challenge. E n présentant le cas d’une jeune médecin généraliste en phase d’installation, on pouvait logiquement s’attendre à un emploi dans un hôpital, à la médecine du travail voire dans un cabinet exis- tant, dans une maison de santé. Affaire de tempérament, de contexte familial, Catherine Defrasne (l’épouse de Vincent, le champion olym- pique de biathlon) s’inscrit à contre-courant des tendances actuelles. Elle illustre tout au plus le phénomène bien réel de féminisation de la profession. 70 % des nouveaux médecins sont des femmes. C’est la même chose chez les vétérinaires. Les affinités conjugales de Catherine Defrasne laissent supposer qu’elle apprécie le Haut-Doubs et son climat enneigé. “Je suis originaire du coin et attaché à ce pays” , confirme la jeune maman de deux enfants en bas âge. La vie à la campagne, la nature, elle aime aussi. Ce qui explique l’attrait vers l’homéopathie, cette médecine complémentaire assez conforme à un certain style de vie. “C’est une manière de se soi- gner qui me plaît, même s’il faut garder à l’esprit que ces traitements plus doux ne guérissent pas tout, nuance-t-elle en ajoutant : Je suis en train de réaliser un rêve d’enfance, à savoir devenir médecin de cam- pagne.” Comme elle tenait à concilier la vie de famille avec l’exercice de sa pro- fession, elle privilégie donc l’ouverture d’un cabinet quasiment à domi- cile. Plus exactement aménagé en contrebas de sa maison des Gran- gettes dans le local qui abritait autrefois la pompe à incendie municipale. La transformation et l’équipement des lieux impliquent de l’investissement financier non négligeable supporté pratiquement sans aucune aide. Si ce n’est un coup de pouce de la commune, trop heureuse d’avoir un médecin à demeure dans une localité de 216 habitants. De quoi faire pâlir bien d’autres communes. Consciente de relever un challenge, Catherine Defrasne prévoit de tra- vailler toute la semaine mais seulement sur rendez-vous. “Je pense que ça ne posera pas de problème car les gens sont désormais habitués à fonctionner de la sorte.” Pour le secrétariat, elle a eu recours à un ser- vice décentralisé spécialisé dans ce type de prestation. Étant aussi généraliste, elle s’intégrera dans le tour de garde au même titre que ses confrères libéraux du secteur. Les traitements de faveur, ce n’est pas trop dans sa nature.

Pierre Jeannier ici en compagnie d’une des deux secrétaires de la structure.

LA CLUSE-ET-MIJOUX Travail en couple Gérard Salins : “J’appréhende presque de partir”

E nchaîner les gardes de jour comme de nuit, se dépla- cer par tous les temps sur tout type d’intervention, consulter le plus souvent sans rendez-vous. Autre temps, autre époque. Et personne ne trouvait à se plaindre de ces conditions de travail. “On a parfois l’impression d’être des diplodocus d’une race en voie d’extinction” , sug- gère de façon imagée le docteur Jean Gaconnet. Souvent cité en référence par ses pairs, le médecin de Labergement- Sainte-Marie aujourd’hui en retraite représentait l’archétype même du médecin de campagne d’une disponibilité à tou- te épreuve et qui n’a pas vu grandir ses enfants. Son confrère Gérard Salins a lui aussi été formé dans le même moule. L’exemple de son père et son oncle également généralistes dans le Haut-Doubs ne l’ont pas détourné de sa vocation médicale. Serment prononcé, il ouvre son cabi- net à La Cluse-et-Mijoux en 1977. Installation à domicile bien entendu. Comme souvent en pareil cas, c’est l’épouse qui effectue le secrétariat, la comptabilité et supervise en grande partie la vie familiale. “Même aujourd’hui un géné- raliste qui travaille seul peut difficilement se payer une secrétaire”, justifie Gérard Salins. S’il ne regrette rien dans ce fonctionnement en couple, il tient à souligner le rôle de son épouse. “Elle s’est sacrifiée pour moi.” Ce qui n’est peut- être pas vrai dans l’autre sens. Les secrétariats télépho- niques décentralisés n’existaient pas, tout comme le S.A.M.U. De ce fait, le généraliste était très souvent sollicité. “On allait sur tout type d’intervention et par tous les temps” , se souvient celui qui devait parfois mobiliser le cantonnier qui le transportait avec le tracteur communal jusqu’au Installé depuis 1977 à La Cluse-et- Mijoux, le docteur Salins fait partie de cette génération de médecins de cam- pagne qui s’investissaient corps et âme dans leur métier. Des sacrifices certes, mais aucun regret.

Installation à domicile, travail en couple, le docteur Gérard Salins illustre un fonctionnement traditionnel probablement condamné à disparaître de nos campagnes.

hameau des Prises quand la route était trop enneigée. “C’est devenu un copain.” La pratique privilégiait aussi large- ment les visites à domicile, “trois fois plus qu’aujourd’hui” , et les consultations sans rendez-vous. Une façon de faire qui renforçait indéniablement les relations humaines avec la patientèle. “On peut parler de liens d’amitié, apprécie encore Gérard Salins en ajoutant : J’appréhende presque de partir.” Depuis 1977, la médecine et les mentalités ont beaucoup évolué avec des bons et des mauvais côtés. Le système de garde, les consultations sur rendez-vous ont sensiblement amélioré le sort des généralistes. Du confort pas forcément synonyme de tranquillité d’esprit. “Le stress est plus impor- tant en exerçant dans une société plus procédurière qu’autrefois.” À 2 ans de la retraite, Gérard Salins estime qu’il trouvera assez facilement quelqu’un pour lui succé- der. “La proximité de Pontarlier est un atout même si on subit la contrainte des bouchons aux Rosiers.” Son secteur d’intervention s’étend jusqu’aux Fourgs et aux Verrières. Ce qui offre un potentiel intéressant de 3 000 habitants. De quoi imaginer un possible regroupement à deux géné- ralistes, voire pourquoi pas une maison de santé. Reste à trouver les candidats.

Toute tendance à ses exceptions comme l’illustre Catherine Defrasne, ravie de reproduire un modèle d’installation à l’ancienne avec juste quelques ajustements.

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