La Presse Pontissalienne 112 - Février 2009
Pontarlier
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“Le Haut-Doubs, un petit eldorado pour les éditeurs régionaux” É DITION Marché du livre régional Cofondateur des éditions Les Presses du Belvédère, Emmanuel Vandelle évolue entre France et Suisse dans cet espace transfrontalier assez porté sur la lecture. Farouche partisan de la coopé- ration dans l’Arc jurassien, il sait aussi la complexité à rapprocher ces territoires.
L a Presse Pontissalienne : Depuis quand existe votre maison d’édition ? Emmanuel Vandelle : On l’a fondée en 2005 avec Jean-Claude Piguet qui est aussi le créateur du Journal de Sainte-Croix. C’est l’une des rares maisons d’édition implantée des deux côtés de la frontière à Sainte-Croix, Fleurier et Pontarlier. Elle se décline en trois orienta- tions. L.P.P. : Lesquelles ? E.V. : D’abord le régionalisme sur le Jura fran- co-suisse. Ce volet s’articule autour de la publi- cation de beaux livres, d’ouvrages historiques et de récits témoignages. On souhaite se déve- lopper sur des régions voisines comme la Bour- gogne. En second lieu, on se positionne sur l’édition nationale en abordant des sujets trai- tant du tourisme, du patrimoine ou de l’histoire contemporaine. Le troisième secteur est plus spécifique puisqu’il est lié au livre d’entreprise. Cela va de l’horlogerie aux autres industries du luxe en passant par des domaines d’activités plus classiques. On a également l’ambition d’aller plus loin dans cette collection. L.P.P. : Cela représente combien d’ouvrages édités ? E.V. : On a sorti une vingtaine de titres en 2008, et on projette d’en publier une trentaine cette année. L’objectif est d’entrer dans le top 150 des plus grandes maisons d’édition françaises. L.P.P. : Avec une répartition équivalente entre la Fran- ce et la Suisse au niveau des ventes ? E.V. : Non, c’est plutôt 2/3 France et 1/3 Suisse. L.P.P. : Comment se porte le marché du livre régional ? E.V. : Le régionalisme représente une valeur sûre mais avec un potentiel limité qui varie selon les thèmes abordés et les régions concer- nées. La Franche-Comté se démarque par exemple légèrement de la Bourgogne ou de l’Alsace qui sont plus peuplées et où les gens disposent d’un pouvoir d’achat globalement supérieur. L.P.P. : Quelles sont les livres à succès dans le régio- nalisme ? E.V. : Il y a toujours de la demande dans la gas- tronomie, le récit-témoignage et le créneau “nostalgie”. Inversement, c’est plus complexe
E.V. : Le sujet est aussi passionnant que com- plexe. Originaire du Doubs et du Jura, j’ai sui- vi une partie de mes études en Suisse et aujour- d’hui je partage mon temps entre les deux pays. Je suis également associé aux Éditions Favre. C’est la plus grande maison d’édition suisse. Elle organise notamment le salon du livre de Genève. Pour toutes ces raisons, je suis fon- cièrement attaché à cette région transfronta- lière. On a tout à gagner de ce rapprochement qui contribuerait à renforcer le poids de l’Arc jurassien qui d’un côté comme de l’autre est relativement éloigné des grands centres de décisions. L’un des obstacles au sens propre comme au figuré c’est peut-être les montagnes qui séparent ces deux “communautés”. L’objectif serait d’évoluer de la frontière-coupure à la frontière-couture. Il n’y a pas de véritable pays jurassien mais une multitude d’entités juras- siennes. Il faut raisonner sous forme de pro- jets si l’on veut instaurer une dynamique d’échanges. L.P.P. : À l’instar du festival du sport mis en place entre Pontarlier et Yverdon ? E.V. : En 2005, j’ai suggéré à Patrick Genre l’idée d’une grande manifestation franco-suisse entre ces deux villes qui étaient déjà unies à travers une charte d’amitié. D’après ce que j’ai pu en entendre, le bilan de l’événement s’avère assez positif. Le bébé ne demande qu’à grandir. À titre personnel, j’estime qu’une seconde édi- tion pourra crédibiliser ce festival. D’ici là, il faudra réfléchir à l’amélioration du contenu professionnel et pourquoi pas l’orienter autour de l’olympisme. Le Haut-Doubs ne manque pas de champions et on pourrait également se tour- ner vers le musée de l’olympisme à Lausanne. A priori , on s’achemine vers une formule bien- nale qui me paraît assez judicieuse. Si je peux me permettre, je voudrais dire un mot à propos des frontaliers. Je trouve qu’ils font preuve d’un réel manque d’intérêt pour le pays qui les accueille. La Suisse est perçue uni- quement comme un lieu de travail. On peut regretter ce manque d’ouverture vis-à-vis de la vie locale. La même chose s’applique aux Suisses qui se contentent d’entretenir des habi- tudes de consommation sur France. Par contre, je suis stupéfait de l’incivilité routière des fron- taliers. Sur la route, on a parfois l’impression d’être en présence d’une meute qui veut ren- trer le plus vite à la maison. L.P.P. : L’édition échappe-t-elle à la crise économique ? E.V. : On ne ressent pas d’effet direct. Les sta- tistiques de vente à la fin 2008 sont équiva- lentes à celles de l’année précédente. On a deux atouts qui nous préservent du ralentissement économique. On a d’abord la chance de propo- ser un bien culturel à des prix tout à fait abor- dables et le livre reste toujours un moyen d’évasion quand ça va mal. Bien sûr, il faut rester vigilant et continuer à défendre cette politique de prix accessible. L.P.P. : Et la concurrence du web ? E.V. : La vente de livres sur Internet est enco- re un phénomène marginal, à l’exception des livres très spécialisés. Le principe de lire sur un écran alimente le débat depuis 10 ans sans vraiment s’imposer. Le livre-info par exemple n’a toujours pas décollé. Il y aura une évolu- tion, c’est certain, mais pas de là à détrôner le support papier… Propos recueillis par F.C.
de réussir dans le roman ou la fiction sauf si l’auteur a une certaine notoriété, à l’image d’André Besson. L.P.P. : Comment fonctionnent Les Presses du Belvédère ? E.V. : On pilote généralement les thèmes et les orientations. 90 % des titres sont des ouvrages de commande. Pour le reste, il s’agit de proposi- tions. Les Presses du Belvè- dère mobilisent les deux asso- ciés et une collaboratrice. Tous les autres aspects : mise en page, impression, distribution
“De la frontière- coupure à la frontière- couture.”
“On a tout à gagner de ce rapprochement”, indique Emmanuel Vandelle en évoquant la coopération transfrontalière.
dynamique du livre dans ce secteur. Ici, les habitants sont friands de lecture. L.P.P. : Cela laisse de la place pour des sujets franco- suisses ? E.V. : En tant qu’éditeur, on observe que cette dimension transfrontalière n’est pas forcément très vendeuse. On privilégie davantage une approche plus locale. Ce constat s’applique aus- si à l’échelle de la Franche-Comté. On sait par exemple qu’il est très difficile d’associer le Haut-Doubs et le Haut-Jura. L.P.P. : Ce n’est pas très encourageant pour le fervent partisan de la coopération transfrontalière que vous êtes !
L.P.P. : Quelles nouveautés allez-vous publier en 2009 ? E.V. : En volume, cela représentera une quin- zaine de titres sur le Haut-Doubs. Il y aura notamment “Pontarlier, d’hier à aujourd’hui” par Joël Guiraud. Un livre gastronomique avec le restaurateur Marc Faivre. Une autobiogra- phie sur Pierre Bichet. Et dans un registre plus spécialisé, “30 ans de collaboration entre les urgences du centre hospitalier de Pontarlier et les pompiers”. On publiera également au printemps un livre sur Hubert-Félix Thiéfai- ne. L.P.P. : Le Haut-Doubs semble avoir la cote ! E.V. : Effectivement, c’est un petit eldorado pour les éditeurs que nous sommes. Il y a une vraie
sont externalisés. Quel que soit le format, les ventes varient entre 1 000 et 3 000 exemplaires. La durée d’amortissement s’étale sur deux ou trois ans en Franche-Comté. Pour information, le coût d’un livre standard s’élève entre 8 000 et 10 000 euros. Pour les beaux livres, le budget se situe dans une fourchette allant de 20 000 à 50 000 euros.
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