La Presse Pontissalienne 112 - Février 2009

La page du frontalier

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Le prestigieux passé du Grand Hôtel des Rasses S AINTE -C ROIX Des hôtes illustres Ce somptueux établissement a connu un succès assez extraordinaire jusqu’à la seconde guerre mondiale. Il recevait des hôtes illustres venus du monde entier. Un bref historique de la pratique du ski sur le balcon du Jura

La pratique du ski dans la sta- tion est vieille de plus dʼun siècle maintenant, puisquʼelle a com- mencé dès la fin du XIX ème siècle qui a vu lʼinstallation, sur ce beau plateau, des grandes familles neuchâteloises. Lesquelles étaient largement apparentées au gra- tin des capitales européennes, et des autres grandes villes de Suisse. Cette occupation est à lʼorigine de la construction du Grand Hôtel des Rasses qui ouvrait ses portes en grande pom- pe à lʼaube du XX ème siècle, avec un succès extraordinaire, cou- rant de New-York à New-Dehli en passant par la Moscou des tsars. Les hôtes anglais, toujours en avance de quelques pouces en matière sportive, y importè- rent ainsi ce curieux sport décou- vert chez leurs blonds cousins norvégiens et que lʼon nomma ski. Durant la première moitié de ce dernier siècle, toutes sortes de vocations éclosent, tournant autour de la pratique de ce sport. Ateliers de fabrication de planches pour les plus débrouilles, les plus humbles se contentant dʼaménager des douves de ton- neaux pour eux et pour leurs enfants. Des industriels du cru eurent lamain heureuse en diver- sifiant leur production de boîtes à musique et dʼoiseaux chan- teurs, en développant fixations et bâtons de ski reconnus mon- dialement sous le nom de “Kan- dahar”. Lʼexistence de plusieurs ski-clubs associés à la mise sur pied de compétitions contribua à encourager les activités spor- tives liées à toutes les formes de pratique du ski.

Après 12 ans à la direction du Grand hôtel des Rasses, Hans Wyssbrod (à gauche) l’a finalement racheté en 1998. Il est ici en compagnie d’Alain Petitpierre, l’ancien président de la structure exploitant les remontées mécaniques de la station. Le grand hôtel s’ouvre très vite au tourisme des sports d’hiver. En 1904, Édouard Baierlé engage un professeur de ski norvégien qui enseigne son art sur les pentes douces situées sous l’hôtel.

L e destin de cet hôtel qui s’amorce à la fin du XIX è- me siècle reflète les débuts du tourisme en mon- tagne, privilège réservé alors à l’aristocratie. Cet engouement va générer l’éclosion de nom- breux palaces partout en Euro- pe. “Là, je bâtirai un hôtel !” Édouard Baierlé a le coup de foudre en découvrant le pla- teau des Rasses depuis l’hôtel du Paon qu’il dirige àYverdon. Le rêve va devenir réalité. À partir de 1895,l’hôtelier acquiert progressivement les terrains, une ferme, un chalet où il rési- dera. Problème épineux, il doit également trouver une source pour alimenter son futur bâti- ment. Le chantier débute au prin- temps 1897 et l’hôtel ouvrira ses portes le 15 juin 1898. Le luxueux bâtiment abrite alors 60 chambres sur 4 niveaux. “Cette époque coïncide avec

New-Dehli en passant par la Moscou des tsars. L’établissement acquiert très vite une grande notoriété. Il ouvre d’abord seulement en période estivale. Sous l’impulsion des hôtes anglais friands de ce nouveau sport scandinave qu’est le ski, l’établissement étend son acti- vité à la saison hivernale.

ment.” En 1939, l’hôtel est ven- du à la Banque cantonale vau- doise. Il ne rouvrira qu’en 1946 et se trouvera confronté à de graves difficultés financières. La banque choisit de s’en sépa- rer. Il est repris en 1951 par une société d’industriels locaux qui vont le moderniser et lui rendre un peu de sa superbe. Débuta lors une nouvelle ère de prospérité. Le Grand hôtel accueille une clientèle aisée et prestigieuse avec des person- nalités dumonde politique, éco- nomique, des arts et du sport. Encore peu célèbre, un certain CharlesAznavour chante dans l’établissement où l’on tourne également le film “Gueule d’ange” au milieu des années cinquante. Les belles années se poursui- vront jusqu’à la crise écono- mique des années soixante-dix. Le 21 mai 1975, la société du Grand hôtel des Rasses et Golf hôtel est en faillite. Les biens sont vendus à la société du cré- dit hôtelier. Les difficultés per- dureront pratiquement jus- qu’en 1984. Des industriels neuchâtelois et vaudois accep- tent de reprendre alors le Grand hôtel dont la direction sera confiée deux ans plus tard à Hans Wyssbrod qui en a fait finalement l’acquisition en 1998. F.C.

priétaire à agrandir. En 1913, il fait construire un deuxième hôtel attenant au premier et qui double la capacité d’accueil. Le Grand hôtel dispose des ins- tallations les plus modernes : chauffage central, lumière élec- trique dans toutes les chambres. Sa décoration intérieure tout en boiserie et polychromie repro- duisant des motifs végétaux en fait un élément unique du patri- moine hôtelier. Il reçoit la visite de personna- lités illustres. Le livre d’or men- tionne en 1931 le passage du ministre britannique des affaires étrangères Austin Chamberlain, du princeGeorges duDanemark et de la princesse Eugénie. Les chroniques mon- daines et le registre bisannuel des hôtes tenus par la “Feuille d’Avis de Sainte-Croix” de ce temps-là relatent ce passé glo- rieux. Le projet de réaliser un golf digne de ce nom donnera lieu à de rudes négociations entre la commune de Bullet, propriétaire des terrains convoi- tés, et la famille Baierlé qui avait quant à elle la maîtrise de l’eau. Le premier parcours de 9 trous fonctionnera dans les années vingt puis sera transféré en 1937 sur un autre site. “La guer- re va porter un coup terrible au développement du tourisme local qui s’en relèvera très difficile-

l’arrivée sur le plateau des grandes familles neuchâteloises qui s’installent dans de superbes demeures. Comme elles étaient apparentées au gratin des capi- tales européennes, elles ont aus- si contribué à la promotion de ce petit coin du Jura dans les cercles les plus huppés” , explique Alain Petitpierre qui s’est beau- coup investi dans le dévelop-

Édouard Baierlé l’agrémente d’un étang à patins, de pistes de luges. Il organise les premiers concours de ski. En 1904, il engage un

pement de la station des Rasses. Édouard Baierlé a bien compris l’avantage qu’il pou- vait tirer de ce voisi- nage. En entrepreneur avisé, il subodore aus-

“Là, je bâtirai un hôtel !”

professeur norvégien qui enseigne l’art du “christiana” aux belles étrangères sur les pentes douces situées sous l’hôtel. Dans la foulée, une pléiade d’hôtels plus modestes voit le jour au début du XX ème siècle. Cette réussite incite le pro-

si tout l’intérêt du développe- ment du chemin de fer. “Avec l’ouverture de la ligne Jura- Simplon, Les Rasses sont acces- sibles depuis Paris en une seu- le journée.” Le Grand hôtel des Rasses connaît un succès extraordi- naire, courant de New-York à

L’hôtel aujourd’hui.

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