La Presse Pontissalienne 111 - Janvier 2009

Pontarlier

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Jean-Luc Girod : “La Voie Verte constitue la priorité des priorités” P OLITIQUE TOURISTIQUE Prise en compte des réalités touristiques Responsable de l’antenne pontissalienne du C.R.E.P.S. de Franche-Comté (Centre Régional d’Éducation Populaire et de Sport) qui va fermer ses portes, Jean-Luc Girod est forcément affecté par cette mesure qui relève de la Révision Géné- rale des Politiques Publiques. Le toujours détenteur du record de France des 24 heures de ski est par ailleurs respon- sable de la commission “tourisme” au Pays du Haut-Doubs. Sans être alarmiste, son diagnostic sur l’évolution de l’éco- nomie touristique locale tranche radicalement avec les discours et clichés habituels.

L a Presse Pontissalienne :Cet- tesuppressionduC.R.E.P.S.de Franche-Comté est-elle une surprise ? Jean-Luc Girod : Oui et non.Mais la logique de la R.G.P.P. est très floue.Concernant les C.R.E.P.S., elle procède d’un recentrage sur le haut niveau qui n’est pas très bien représenté en Franche- Comté où l’on est beaucoup plus performant sur le volet forma- tion. C’est un énorme regret de voir le couperet tomber sur une petite région qui paie aussi le fait d’être sous-représentée poli- tiquement. L.P.P. : Les efforts entrepris pour sau- ver le site bisontin n’ont servi à rien ? J.-L.G. : Depuis un an, le direc- teur du C.R.E.P.S. de Franche- Comté souhaitait renforcer le pôle bisontin. Les secrétariats des autres sites comtois (Châ- lain, Prémanon, Montbéliard, Pontarlier) ont été centralisés sur la capitale régionale. On a réduit les activités sur Pontar- lier toujours dans cet esprit de consolider Besançon. Cela n’a pas suffi. Le C.R.E.P.S. de Franche-Comté disparaît dans sa totalité, à la seule exception de Prémanon qui devrait être rattaché à l’E.N.S.A. Le per- sonnel du C.R.E.P.S. et tous les élus, notamment Marie-Guite Dufay la présidente du Conseil régional, se mobilisent aujour- d’hui pour que le pôle nordique du Jura soit plus qu’une simple annexe et bénéficie d’une réel- le autonomie de gestion finan- cière. L.P.P. :Quereprésentaitentermed’em- plois,levoletformationdontvousétiez responsable ? J.-L.G. : 50 fonctionnaires, une vingtaine de contractuels à l’an- née et plus de 250 intervenants occasionnels, soit au global une bonne centaine d’équivalents temps plein.On recevait chaque année 1 300 stagiaires en for- mation. L.P.P. : Pouvez-vous nous en dire plus sur les origines et la mission de l’an- tenne pontissalienne ? J.-L.G. : J’en suis l’instigateur. J’ai d’abord dirigé pendant 6 ans l’AccueilMontagnard àCha- pelle-des-Bois. Comme j’avais le goût de la formation,j’ai ensui- te intégré le C.R.E.P.S. et par- ticipé activement à la création de cette antenne sur le Haut- Doubs qui existe depuis une vingtaine d’années. La justifi- cation de ce projet reposait sur une observation des besoins. On proposait ainsi une dizaine de formations autour des

riété sportive d’une région. On a déjà loupé le coche avec le stade biathlon de la Coupe du Monde attribué au Grand-Bor- nand. On a également un site jurassien auxTuffes, sans comp- ter l’inattendu stade à Arçon qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. Je suis très partagé sur ce projet et, à tout faire, je privilégierais le site de la Coupe aux Fourgs car c’est celui qui garde lemieux la neige. L.P.P. :L’enneigement artificiel àMéta- bief ? J.-L.G. : On est en plein dans la problématique de la variabili- té de l’enneigement. C’est enco- re plus flagrant à Métabief qu’aux Rousses où le bas des pistes se situe pratiquement 200 mètres plus haut en alti- tude. Je suis personnellement favorable à un investissement a minima qui couvrirait une dizaine d’hectares. Cela per- mettrait d’assurer le fonction- nement de la station sans pour autant gaspiller les ressources en eau. L.P.P. : Finalement, y a-t-il encore de l’avenir dans le tourisme ? J.-L.G. : Oui car on observe aus- si de belles réussites comme le Parc du chien Polaire à Chaux- Neuve, les petites stations alpines des Fourgs ou de Mouthe.EntreMétabief et Cha- pelle-des-Bois, trois villages vacances ont été rénovés récem- ment. Si on a raté le train de la modernisation des équipe- ments publics dans les années quatre-vingt-dix, on constate aussi des nouveautés intéres- santes comme le télésiège du Morond ou les chalets d’accueil au Pré Poncet ou aux Fourgs. L.P.P. : Doit-on communiquer autre- ment ? J.-L.G. : Comme je l’ai déjà évo- qué, on doit bien prendre en compte que la notoriété sporti- ve s’efface vite et n’a pas tou- jours l’impact espéré sur la noto- riété touristique. La question qui se pose alors, c’est de savoir s’il est préférable de communi- quer sur les champions ou sur les activités. Autre tendance intéressante, la baisse de la clientèle de séjour est compen- sée en partie par la montée du tourisme de proximité qui génè- re d’ailleurs plus de chiffre d’af- faires. Cette mutation remet peut-être en cause la façon dont on doit promouvoir le Haut- Doubs.v Propos recueillis par F.C.

À 59 ans, Jean-Luc Girod dispose d’une solide expérience dans la gestion au quotidien des besoins générés par l’activité touristique. C’est un observateur avisé des politiques d’aménagement en moyenne montagne.

métiers de la moyenne mon- tagne : spéléo, canoë, tir à l’arc, natation,randonnée sans oublier le ski nordique. Le C.R.E.P.S. de Pontarlier était connunotam- ment grâce à son diplôme axé sur la polyvalence des sports nature enmoyenne montagne. 120 stagiaires passaient chaque année dans la structure. Tous les centres d’accueil du massif jurassien ont des animateurs et des moniteurs issus du site de Pontarlier. L.P.P. : À force d’en former, n’y avait-il pas un risque de saturation ? J.-L.G. : Non, car on a constaté qu’il y a beaucoup de turn-over dans ces métiers qui sont géné- ralement pratiqués par des jeunes qui occupent ensuite d’autres fonctions.D’où la néces- sité de renouveler le réservoir. Ce qui conférait toute la légiti- mité d’un centre comme celui de Pontarlier. L.P.P. :Sa disparition ne sera donc pas sans conséquences ? J.-L.G. : Elles sont encore diffi- ciles àmesurer mais je suis sûr que la démarche va se pour- suivre sous une autre forme. La place libérée par le départ du C.R.E.P.S. ne restera pas vide, du moins je le suppose.

les prestataires les plus pro- fessionnels ont résisté à cette crise. L’essor du travail fronta- lier sur le Haut-Doubs s’est répercuté sur la capacité d’hé- bergement touristique.ÀMéta- bief par exemple, elle a dimi- nué de 30 %.Aujourd’hui, il est important de placer le touris- me local à sa vraie valeur. L.P.P. : Laquelle en l’occurrence ? J.-L.G. : Au classement touris- tique des départements fran- çais, le Doubs figure en 70 ème

L.P.P. : Avec tous ces soucis, l’ancien skieur longue distance que vous êtes prend-t-il encore le temps de s’adon- ner à ce loisir ? J.-L.G. : J’ai toujours le record de France des 24 heures avec 360 km. Pour la petite histoi- re, il avait été établi en Fin- lande. Au-delà de la perfor- mance, cela m’a permis de bénéficier d’une petite recon- naissance sportive qui m’a bien servi dans mes projets profes- sionnels. Je fais encore quelques courses pour le plaisir et je suis licencié au ski-club de Frasne, la commune dont je suis origi- naire. L.P.P. : Quel regard portez-vous sur l’évolution du tourisme en moyenne montagne et dans le Haut-Doubs en particulier ? J.-L.G. : L’économie touristique en moyenne montagne s’est développée jusqu’à début des années quatre-vingt-dix avec le risque de basculer dans la décroissance. Les problèmes d’enneigement, la concurrence de nouvelles destinations exo- tiques expliquent en partie cet- te désaffection. On peut ajou- ter la non-satisfaction de la clientèle par rapport à la qua- lité du produit touristique.Seuls

L.P.P. :Vous pensez à quoi ? J.-L.G. : Aujourd’hui, on observe à l’échelle du Pays du Haut- Doubs une avalanche vertigi- neuse de projets qui représen- tent au basmot 30 à 40millions d’euros d’investissement. Ces infrastructures ne correspon- dent pas toujours aux attentes et encore moins aux possibili- tés de financements publics. Il est temps de se mettre autour d’une table et de procéder à des choix.

position tout comme Métabief pour les sta- tions alpines. Quand on sait que le Doubs est seulement le 10 ème département “nor- dique”, il faut savoir faire preuve d’une cer- taine humilité.

L.P.P. :Qu’est-ce qui vous semblelepluspertinent ? J.-L.G. : À mes yeux, la Voie Verte consti- tue la priorité des priorités.C’est l’équi- pement structurant par excellence. Sa mise enœuvre prend

“Une avalanche

vertigineuse de projets.”

du temps mais elle a au moins le mérite de s’organiser dans la concertation. La réhabilitation du château de Joux me paraît également tout à fait logique. L.P.P. : Le stade de biathlon ? J.-L.G. : Avec ce dossier, on met le doigt sur un point particu- lièrement sensible et complexe : celui de promouvoir l’image touristique à travers la noto-

L.P.P. : On est loin du cliché très posi- tif des dépliants vantant les atouts des neiges ou des paysages jurassiens. J.-L.G. : Les chiffres montrent à quel niveau se situe le touris- me dans le Haut-Doubs.Même avec 7 médaillés olympiques, notre secteur n’est pas du tout le leader nordique qu’on pour- rait croire. Cela donne matiè- re à se poser les bonnes ques- tions ?

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