La Presse Bisontine 95 - Janvier 2009

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n°95 - Janvier 2009

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Les ventes aux enchères font salle comble, les expositions sont courues, les galeries tirent leur épingle du jeu : les Franc-Comtois ont un goût particulier pour l’art ! Il est par- ticulièrement affirmé lorsqu’il s’agit de découvrir un peintre régional. Ces artistes dont les toiles figuratives décrivent des paysages de neige, des villages, des visages, des prés verdoyants et des rivières nonchalantes, ont la cote auprès d’un public local. Quelle que soit l’envergure de l’artiste ou sa renommée, les amateurs de ces tableaux, signés ou non, recherchent dans ces œuvres un peu de leurs racines terriennes franc-comtoises. LES BISONTINS EN PINCENT POUR LES PEINTRES RÉGIONAUX

ART

Zingg, Isenbart, Decrind, Bouroult et les autres… La peinture régionale a la cote ! Il est fréquent qu’à l’intérieur des maisons franc-comtoises, on trouve accro- chés aux murs des peintures d’artistes locaux dont certains sont très prisés. Cet attachement à l’art pictural local est une des spécificités de notre région.

C’ est une particularité régio- nale. La Franche-Comté est une terre d’inspiration pour les peintres. Ses paysages variés, ses ambiances saisonnières, ses climats bien marqués, ses visages et sa typi- cité architecturale ont inspiré et révé- lé le talent de plusieurs artistes franc- comtois de souche ou d’adoption. Gustave Courbet est le plus célèbre d’entre eux. Mais ce personnage ne doit pas faire oublier que la région vit à travers les tableaux de Zingg ou Isenbart pour les plus reconnus, mais aussi de Robbe, Decrind, Cha- rigny, Chapatte, Bouroult, Bourgeois

ou Fernier. Il n’est pas exceptionnel qu’une famil- le possède une ou plusieurs œuvres de ces peintres. Rares sont les régions qui ont inspiré autant d’artistes. “C’est propre à la Franche-Comté où la pein- ture est une tradition. Par compa- raison, en Bourgogne ou en Alsace, on trouve surtout du mobilier haut de gamme et peu de tableaux” note Jean-Paul Renoud-Grappin, com- missaire-priseur à Besançon. Il ani- me huit fois par an des ventes aux enchères à Micropolis. En moyenne, 350 tableaux figurent au program- me de chacune d’elles. “Environ 35

objets d’art me sont présentés chaque jour à l’étude.” Parmi eux figurent souvent des tableaux signés de peintres régio- naux. Le public local fait preuve d’un engouement particulier pour ces œuvres qui évoquent pour certaines un paysage connu du Haut-Doubs, du Jura ou de la vallée de la Loue. Les prix varient d’une peinture à l’autre en fonction de l’époque, de la scène présentée (une scène vivante avec des personnages est plus recher- chée) et de son auteur. La taille de la toile n’est pas un critère qui entre directement en ligne de compte dans l’estimation du tableau. Par exemple, les plus petits tableaux de Fernier sont les plus coûteux. Le prix est sou- vent à l’image de la créativité de l’artiste à un moment donné. “Il faut qu’il évolue sans choquer son public.” Ceux que Zingg peints entre 1917 et 1925 “sont les plus prisés” remarque Jean-Paul Renoud-Grappin. Le thè- me de prédilection de cet artiste est le labour.Avant et après cette époque, les créations de l’artiste ont un peu moins la cote. “Une œuvre moyenne de Zingg est moins prisée qu’un beau Robbe.” Toutefois, certaines œuvres du Franc-Comtois se vendent plu- sieurs milliers d’euros. La période dite bleue de Bourgeois est aussi recherchée des collectionneurs, cel- le dite marron l’est moins. “La plu- part de ces artistes ont une cote loca-

Émile Isenbart,

Le commissaire-pri- seur a un rôle à tenir dans la mécanique de l’art pour main- tenir la cote d’un artiste. Il doit éviter d’inonder le marché des œuvres d’un même auteur pour les distiller au contraire afin de gar- der éveillée la demande. Un acheteur peut se faire plaisir à partir de 200 euros en investissant dans de jolis tableaux de peintres moins connus. En général, les acquéreurs poten-

le. Je dirais qu’ils sont mêmes sur- cotés. Zingg et Isenbart se vendent à des prix 25% à 30% plus cher en Franche-Comté qu’en dehors de la région. Isenbart ne se vend qu’ici.” Ensuite, c’est la loi du marché qui opère. Question de goût, d’offre et de demande, et de hasard aussi. Il suf- fit que le jour de la vente plusieurs collectionneurs soient intéressés par le même tableau alors celui-ci “peut partir à un prix équivalent à cinq fois celui de l’estimation.” Un beauDecrind peut trouver acquéreur à 5 000 euros. Mais la cote d’un artiste est fluc- tuante. Elle peut rester stable, bais- ser, ou grimper. Celle de Zingg a bais- sé suite au recul du marché de l’art national. Certaines de ses œuvres ont été adjugées à plus de 25 000 euros. Au prix du “top régional” , les

“Gardienne de moutons au bord du Doubs.” L’artiste est un des plus côtés en Franche- Comté avec Zingg.

tiels qui se pressent dans les salles des ventes ne sont pas tous des col- lectionneurs. Par contre, ils sont à peu près tous animés par cette envie de se constituer un patrimoine. Une peinture est décorative, elle ne prend pas de place,mais si en plus elle prend de la valeur… Le tableau est par- fait. T.C.

acquéreurs pouvaient avoir accès aux pre- mières œuvres d’artistes qui ont une envergure nationale. De facto , les prix de vente des tableaux du peintre franc-comtois ont été revus à la bais- se.

“Un prix équivalent à cinq fois celui de l’estimation.”

Jean-Paul Renoud-Grappin, commissaire-priseur bisontin.

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