La Presse Bisontine 94 - Décembre 2008

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 94 — Décembre 2008

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TENDANCE Les universitaires créateurs d’entreprise Du labo à l’entreprise Chercheurs, ils ont décidé de délaisser leur laboratoire, de faire vivre leur découverte en se lançant dans la création d’entreprise. Avec le soutien actif du service de valorisation de l’Université de Franche-Comté (U.F.C.), ils fran- chissent les étapes en limitant les risques. Ils sont les créateurs chercheurs.

“En plus des créateurs, 50 chercheurs masters ou doctorants travaillent dans nos entreprises. Ce sont 50 cerveaux qui ne sont pas partis dans la région d’à côté ou à l’étranger” note Jean Piranda, directeur de la valorisation à l’U.F.C.

É ric Garcia a créé Covalia en juillet 2007. Il propose des solutions de télémédeci- ne permettant les partages des images et un travail interactif entre praticiens (voir notre édition précédente). Quand on lui demande s’il se sent plus chercheur qu’entrepreneur, il répond sans hésiter “Je suis chef d’entreprise.” Issu du laboratoire informa- tique de l’U.F.C., il explique avoir eu “la volon- té de concrétiser un projet débuté à l’Université, de le voir, de le faire vivre et de rencontrer ses utilisateurs.” Il apprécie la liberté avec laquelle il mène son projet mais souligne que “la R & D se fait en relation étroite avec les personnels de l’Université restés au labo.” Comme les autres créateurs chercheurs, il bénéficie de la loi Allègre (1999), un garde-fou essentiel qui lui permet de limiter les risques. “Cette loi permet aux personnels de recherche d’être mis en délégation deux ans renouvelables deux fois, soit six ans pendant lesquels ils res-

avant de décider mais plus ça va, plus on se lais- se prendre au jeu et je ne suis pas dans un état d’esprit de retourner au labo.” Si les créateurs chercheurs sont bien épaulés, l’Université, elle, n’en perd pas le Nord pour autant et s’est protégée du pillage. “Pour chaque création, un contrat de valorisation est signé entre l’Université et l’entreprise. Il établit les condi- tions financières du transfert et le montant des royalties” explique Jean Piranda. L’objectif est de générer des ressources financières que l’Université peut réinvestir dans la recherche et la valorisation “comme dans les universités amé- ricaines.” Le processus est en marche. L’incubateur a géné- ré la création d’une centaine d’emplois à Besan- çon. “Nous sommes probablement et proportion- nellement l’Université de France qui a eu le plus de personnels de recherche créateurs” se réjouit Jean Piranda. “Il faut continuer sur cette dyna- mique.” A.B.

tent fonctionnaires. S’ils échouent, ils retrouvent leur poste” explique Jean Piranda, directeur de la valorisation de l’U.F.C., à la fois service juridique et outil de ges- tion. Pour compléter concrètement cet encouragement à la création, l’U.F.C. s’est dotée en 2000 d’un incubateur d’entreprises. “C’est l’interlocuteur privilégié des labos pour trouver des porteurs de pro- jet. On accompagne ceux-ci dans l’incubateur pendant 12 à 18 mois, le temps de créer l’entreprise. Ils s’installent ensuite en pépi- nière puis en hôtel d’entreprises.” Tous ces outils sont réunis à Témis, maison des microtech- niques. Le chemin, bien balisé, est une incitation réelle à la créa- tion et un gage de réussite puis- qu’en huit ans, 16 entreprises ont été créées via l’incubateur et une seule n’est plus en acti- vité. Éric Garcia ne s’en cache pas, “je n’aurais pas quitté mon poste pour une entreprise vir- tuelle. Il me reste quatre ans

Zoom Du labo à l’entreprise… l’exemple Silmach Chercheur au C.N.R.S., Patrice Minotti sʼest lancé en 2003 dans la commercialisation de microsystèmes en silicium. Silmach travaille pour lʼhorlogerie, le médical, lʼespace et les transports. Le drône-libellule, micro espion de 120 mg mis au point avec ses huit ingénieurs a dʼailleurs été très remarqué. “Même si on avait des moyens confortables au sein du labo, le soutien devenait insuffisant. Il nous fallait en débloquer d’autres pour aller beaucoup plus loin.” Il évoque “le lobbying et la stratégie, consommateurs de

Petite dernière sortie de

l’incubateur, l’entreprise d’Éric Garcia permet au monde médical d’échanger à distance

temps” et un chiffre dʼaffaires à assu- rer. “On fait plus de développement et moins de recherche. Il nous faut 1 mil- lion d’euros de contrats par an pour équilibrer l’entreprise, cela signifie 100 000 à 150 000 euros de chiffre par ingénieur R & D.” De la pression, mais aucun regret. Patrice Minotti, fondateur de Silmach.

en toute sécurité.

Retour au labo ? Smartesting (ex-Leirios), éditeur de tests de sécurité pour logiciels embarqués, est lʼentreprise qui a créé le plus dʼemplois depuis sa création en 2003. Aujourdʼhui, elle compte 31 salariés. “Avant d’avoir la solution à des problèmes industriels, il faut résoudre le problème” jus- tifie Bruno Legeard. Le chercheur est devenu directeur technique dans la continuité dʼactivité. “Je ne voulais pas mettre au point des solutions dans le seul but de publier. Je voulais aussi que les gens en bénéficient. Il faut débou- cher sur des applications sinon c’est trop frustrant.” Il aspire à changer la vie des testeurs de logiciels. Il faut dire quʼun bug sur un planning des agents S.N.C.F., les

mouvements des traders ou les pro- cess chez Rolex peut être lourd de conséquence ! Ravi de lʼexpérience, il nʼexclut cependant pas un retour aux sources. “L’activité R & D m’intéresse mais quand les concepts auront atteint une maturité suffisan- te, je redeviendrai chercheur.”

Bruno Legeard n’exclut pas de redevenir chercheur.

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