La Presse Bisontine 94 - Décembre 2008

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 94 — Décembre 2008

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RENCONTRE Lancement de la coopération La France et la Suisse sont sur un bateau… Sur les eaux pacifiques du lac Léman, entre Lausanne et Évian, partenaires français et suisses ont officiellement lancé le programme 2007-2013 du programme de coopération territoriale européenne Interreg IV. Sur fond de crise économique…

Grand angle Accueillir des entreprises suisses en France

Européenne” ajoute ce pro-européen. De son côté, le directeur de la direction générale“Regio”de laCommissionEuro- péenne, José Palma Andres, qui avait fait le déplacement à Lausanne, n’a pas manqué de souligner le “déséquilibre financier du programme Interreg” ,poin- tant dudoigt les“petits”6millions d’euros offerts par la Suisse et, comme pour plomber l’ambiance de ces réjouissances, les autres éléments qui “brouillent le jeu transfrontalier” , comme la non-appar- tenance de la Suisse à l’Union Euro- péenne, l’arrêté Bonny qui aurait “faus- sélaconcurrenceentrelaFrancefrontalière et la Suisse” ainsi que les accords bila- téraux “extrêmement pénalisants.” Si tout le monde reconnaît que la frontiè- re n’est pas un obstacle, la coopération transfrontalière n’est pas encore,au quo- tidien, une croisière paisible sur un lac idyllique. J.-F.H. dans lʼautre sens. “S’installer en France est tout à fait faisable pour une société suisse, il y a déjà eu plusieurs cas sur notre territoire” , confirme Jean-Paul Moille, conseiller régional originaire de Thonon- les-Bains. “En effet, beaucoup d’entreprises suisses cherchent actuellement à s’implanter en France, pour avoir un pied dans l’Union Européenne, ce qui facilite beaucoup leur orientation à l’export. Une entreprise qui commercialise un systè- me de transmission par stylo optique a fait le pas récemment.Leur marché natio- nal est parfois trop restreint. Venir en France signifie pour eux conquérir le mar- ché européen” confirme de son côté Paul Somm, responsable de la C.G.P.M.E. de Haute-Savoie. Voilà une vraie mission pour notre Agence Régionale de Déve- loppement…

mique qui nous gagne,la coopération ter- ritoriale doit être un rempart.” Ce quatrième acte du programme Inter- reg tourne autour de deux axes forts : “le renforcement de la compétitivité et celui de l’attractivité de l’Arc franco-suis- se” et ce, même si “les législations fis- cales, sociales et économiques sont dif- férentes entre nos deux pays” n’a pas manqué de rappeler la présidente de Région. Il est de plus en plus nécessai- re de “trouver des solutions communes à des problèmes communs” résume Pas- cal Broulis,le président duConseil d’État du canton de Vaud. De son côté, le conseiller d’État neuchâtelois Bernard Soguel estime que “le temps est révolu de penser que son département ou sa région peuvent se développer tout seuls.” En même temps, il reconnaît que “la coopération transfrontalière n’est pas chose simple…enattendant trop patiem- ment que la Suisse adhère à l’Union de quelques entreprises de la bande frontalière vers la Suisse, qui offrirait de meilleures conditions et notamment des charges moins lourdes à supporter. Plu- sieurs départs de ce type ont été déplo- rés. Mais jamais, jusquʼici, une entrepri- se helvétique a manifesté le désir de sʼimplanter de ce côté-ci de la frontière. Dans la région Rhône-Alpes, on estime que ce mouvement peut également aller Lutter contre le départ d’entreprises françaises en Suisse, c’est possible ? La région du Chablais (Haute- Savoie) a même engagé le mouvement inverse : attirer des sociétés suisses en France. E n Franche-Comté, on déplore le départ

55 millions d’euros, c’est le montant de la coquette enveloppequepropose l’Union Européenne pour soutenir les projets de développement à vocation franco-suis- se. De son côté, la Confédération Hel- vétique aligne 6 millions d’euros pour compléter la corbeille des mariés. Le 2 octobre dernier, sur un bateau qui a symboliquement reliéLausanne àÉvian, les autorités françaises, suisses et le représentant de la Commission Euro- péenne lançait le quatrième volet du programme Interreg. Le précédent volet d’Interreg (2001-2006) avait permis de soutenir 190 projets dans l’Arc jurassien et le bassin lémanique. Comme l’a pré- cisé Marie-Guite Dufay, la présidente du Conseil régional de Franche-Comté, “le programme Interreg est le seul à recon- naître l’existence de cet espace France- Suisse qui regroupe l’Arc jurassien et le bassin lémanique. Cette fois-ci,nous vou- lons encore amplifier la dynamique de coopération. Notre responsabilité est immense car face à la récession écono-

C’est Marie-Guite Dufay,

présidente de la Région Franche- Comté, qui est l’autorité de tutelle des fonds Interreg.

RÉFÉRENDUM Le conseiller d’État suisse Bernard Soguel : “Je pense qu’il y a un grand danger pour la Suisse” Le peuple suisse se prononcera le 8 février prochain sur la reconduc- tion de l’accord sur la libre circulation des personnes. L’issue de ce référendum arraché aux forceps par quatre petits partis d’extrême-droi- te inquiète à juste titre les autorités des cantons frontaliers. Un vote négatif remettrait tout en cause, y compris le premier paquet d’accords passés avec l’Union Européenne lié par la clause dite “guillotine” à la poursuite de la libre circulation après mai 2009. À Neuchâtel, on se mobilise en faveur du “oui”. Entretien avec Bernard Soguel, conseiller d’État, chef du département de l’économie.

Zoom Retour à la case départ pour l’emploi frontalier L a librecirculationdespersonnes agrandementfacilitélʼembauche des travailleurs frontaliers. Les- quels - ils sont près de10 000aujourdʼhui sur le canton de Neuchâtel - ont contribué largement à lʼessor économiquede laSuisseen géné- ral et de la zone frontalière en par- ticulier. Le rejet de cet accord boulever- serait complètement la donne. “L’industrie et tout ce qui gravite autour de la santé ne pourraient pas vivre sans la main-d’œuvre frontalière, explique Jean-Nat Karakash, conseiller stratégique au département économique du canton de Neuchâtel. Il faudrait qu’on réintroduise un système équivalent à ce qui existait avant les bilatérales.Ce serait tout sim- plement un scénario catastrophe, car cela supposerait de reprendre la législation suisse qui a évolué en fonction des bilatérales. C’est très difficile d’émettre des hypo- thèses aujourd’hui, car en cas de victoire, les opposants auraient aussi la possibilité de rejeter ce retour en arrière.”

L a Presse Bisontine : Quelle est la position des autorités canto- nales sur ce référendum ? Bernard Soguel : On s’oppose farou- chement à la remise en cause des accords bilatéraux. On a déjà déposé un rapport auGrand Conseil pour l’approbation de ces accords. L.P.B. : D’où vient ce refus d’ouverture vers l’Union Européenne ? B.S. : C’est toujours le combat de la frange populiste suisse par- tisan du “Allein gang”, ce qui signifie “Y aller seul”. Ce refe- rendum n’émane pas de l’U.D.C. mais curieusement d’autres par- tis d’extrême-droite qui ont obte- nu juste le nombre de signa- tures nécessaires (51 348, le seuil étant de 50 000). Ça a failli ne pas aboutir. L.P.B. : La Confédération peut-elle se débrouiller sans l’Union Européenne ? B.S. : C’est tout à fait impossible à nos yeux. La vitalité de l’économie suisse repose sur les exportations. À ce titre, Neu- châtel est le 2 ème canton le plus tourné vers l’export. 60 % de ce

que l’on produit part à l’étranger et principalement vers l’Union Européenne. L’ouverture est nécessaire. Sans les accords, on subirait une terrible récession économique. L.P.B. : Ces accords profitent large- ment à l’économie suisse ? B.S. : Elle n’en tire que des avan- tages et la poursuite des bila- térales va favoriser l’extension du bassin de main-d’œuvre. La collaboration

une main-d’œuvre en provenance des pays d’Europe de l’Est. Qu’en pensez- vous ? B.S. : De toute façon, si le déve- loppement économique de la Suisse se poursuit, onmanquera de main-d’œuvre. Ce serait plus intelligent de passer des accords avec ces pays sur la formation, plutôt que d’adopter la position du hérisson. L.P.B. : Le risque d’un “non” au réfé- rendum semble tout à fait improbable ? B.S. : Il y a un mois, j’étais très optimiste sur la question vu les difficultés qu’ont eues les contes- tataires à provoquer cette vota- tion populaire. Mais la situa- tion a évolué. Avec les effets de la crise monétaire et financiè- re, les pays ont tendance à se recroqueviller sur eux-mêmes. Aujourd’hui, je pense qu’il y a un grand danger pour la Suis- se. Si par malheur ces accords étaient remis en cause, ce serait une véritable catastrophe qui annoncerait le début du déclin économique de la Suisse.

avec l’Europe nous permet d’accéder aux programmes de recherche. Faci- liter les échanges com- merciaux génè- re une baisse des prix pour les consommateurs suisses. L.P.B. : Les oppo- sants à la libre cir- culation des per- sonnes craignaient d’être envahis par

“On subirait une terrible récession économique.”

Si les effets de la crise monétaire et financière perdurent, Bernard Soguel craint le pire sur l’issue de ce référendum.

Propos recueillis par F.C.

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