La Presse Bisontine 93 - Novembre 2008

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 93 — Novembre 2008

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RENCONTRE

Municipalité et culture “Il ne faut pas fantasmer sur un éventuel pouvoir autoritaire” Yves-Michel Dahoui, l’adjoint bisontin à la culture, nourrit les plus grandes ambitions pour le nouvel événement qui remplacera Musiques de Rues. Un choix parfois contesté.

L a Presse Bisontine : Pourquoi ne pas avoir reconduit Musiques de Rues ? Yves-Michel Dahoui : C’est une procédure de mar- ché public. Trois projets étaient en concurren- ce. Nous en avons écarté un qui était inconsis- tant. Il en restait deux. Le projet présenté par Troisième Pôle, qui a été retenu, nous semblait plus en adéquation avec la ville. Il est porteur d’un potentiel plus fort pour Besançon. Cepen- dant, je ne dénigre pas ce qui a été fait avec Musiques de Rues pendant trois ans, mais je pense que cette formule aurait fini par trouver ses limites. L.P.B. : Vous avez déclaré que la manifestation qui rem- placera Musique de Rues pourrait s’appeler “Bes’en sons”. Le confirmez-vous ? Y.-M.D. : Il faut rester prudent quant à cette appel- lation. C’est en effet le nom qui a été proposé par Troisième Pôle, mais pour l’instant, ce n’est pas encore tranché. L.P.B. : En quoi “Bes’en sons” sera-t-il si différent de Musiques de Rues ? Y.-M.D. : On passe des fanfares musique du mon- de à une matière sonore qui n’exclut aucune musique, et à laquelle viennent se greffer d’autres formes d’art comme la vidéo, les arts plastiques ou la lumière. Le projet de Troisième Pôle est un tout plus diversifié qui habille la ville pendant toute la durée de l’événement. L.P.B. : Un tout plus diversifié, peut-on en savoir davan- tage sur le contenu ? Y.-M.D. : Le contenu n’est pas encore totalement établi. Les directeurs artistiques travaillent sur le projet et à sa mise en œuvre. Ils sont venus, ils ont regardé cette ville, ils ont relevé tout ce qui en faisait l’identité. Leur objectif est de don- ner un sens artistique aux aspects les plus mar- quants de Besançon. Ils ont intégré par exemple l’excellence de la capitale régionale dans les microtechniques. Il y aura donc une création de machinerie autour de ce thème. Ils ont évidem- ment intégré le patrimoine reconnu par l’Unesco, car un événement comme celui-ci devait en tenir compte. L’architecture de la ville sera mise en lumière. Les directeurs artistiques ont aussi insisté sur la convivialité de la future manifes- tation, sur son caractère tout public, et sur l’idée de fête. L.P.B. : La nouvelle formule devrait donc permettre à Besan- çon d’accéder - enfin - à la notoriété recherchée ? Y.-M.D. : La notoriété ne se décrète pas d’un coup de baguette magique. On peut atteindre une notoriété plus large s’il y a d’abord une exigen- ce artistique et que la population adhère au pro- jet. On peut atteindre dans le temps un certain rayonnement si ces deux conditions sont réunies. Mais il y a toujours une part de risque. Elle aurait été moins grande si avec nos partenaires, qui sont la Communauté d’agglomération et le Casi- no Barrière, nous avions choisi de reconduire Musiques de Rues dont on connaissait le prin- cipe. Il s’est avéré, je le rappelle, que nous avons été plus séduits par le projet de Troisième Pôle qui correspond mieux aux ambitions de la ville. Nous avons pris nos responsabilités. Cette fois- ci, il faudra attendre 2009, l’année de la pre- mière édition, pour juger. L.P.B. : La Ville donne l’impression de toujours tâtonner pour trouver son “grand événement. Si dans trois ans le constat devait être le même pour Troisième Pôle que celui que vous dressez aujourd’hui pour Musiques de Rues, est-ce que la collectivité cessera alors d’investir dans ce genre de projet ? Y.-M.D. : Peut-être que jusqu’ici, il y a eu un tâton- nement car nous n’avions pas encore trouvé l’événement qui correspondait à Besançon. Mais

vers la mise en place de réunions thématiques prendre le temps de débattre avec les principaux acteurs, de leur place dans le paysage culturel local. Je crois au bienfait d’une confrontation intellectuelle et à une contractualisation avec nos principaux partenaires culturels pour défi- nir des objectifs. La culture est un ensemble vivant dans lequel chacun fait preuve de créa- tivité. Mais il faut que chaque acteur sache dans quel ensemble il se trouve et que la ville aide à promouvoir ce qui se fait de bien. L.P.B. : Le Cirque Plume est probablement le meilleur ambassadeur de Besançon. Or, on sait qu’il a eu du mal à obtenir de la Ville la reconnaissance. Est-ce toujours le cas ? Y.-M.D. : Le Cirque Plume présente une garantie de créativité. Il faut reconnaître qu’il porte l’image de Besançon. Il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point. Ce cirque est précurseur dans bon nombre de domaines, il est très inventif. Il doit sa notorié- té à ce parcours. C’est la raison pour laquelle je veux que l’action culturelle intègre qu’un effort supplémentaire soit fait de la part de la muni- cipalité à l’égard du Cirque Plume. J’ai reçu le responsable Bernard Kudlak pour faire le point sur ce dossier. L.P.B. : N’était-il pas possible d’envisager de s’appuyer sur le talent et la notoriété du Cirque Plume pour créer le “grand événement” autour du cirque, que la municipali- té attend pour sa ville ? Y.-M.D. : Quand j’étais conseiller délégué aux quar- tiers, j’avais été à l’initiative de la manifesta- tion Cirque à Besac. La difficulté avec le cirque est que c’est un univers assez concurrentiel et compliqué. C’est vrai qu’il n’y a jamais eu l’idée d’un festival. Mais je pense qu’il vaut mieux sou- tenir davantage le Cirque Plume, qu’il continue à se produire ailleurs en France et dans le mon- de, car c’est ainsi qu’il contribue au rayonne- ment de la ville. L.P.B. : Quid de la friche des Prés-de-Vaux, qui est cen- sée être un lieu reconnu d’expression artistique ? Y.-M.D. : J’ai empoigné beaucoup de dossiers depuis que je suis adjoint. La friche en est un.À l’origine, c’est un lieu qui était occupé de façon sauvage par des acteurs culturels. Nous voulons rester dans cet esprit. Une réflexion est en cours qui intègre l’existence d’une friche dans un des bâti- ments désaffectés des Prés-de-Vaux pas loin de la future S.M.A.C. Ce serait soit une friche, soit une fabrique de spectacles qui est un lieu où tous les arts peu- vent se rencontrer. C’est une sorte de laboratoi- re. L’idée est de placer la culture dans un envi- ronnement urbain comme cela s’est fait à Planoise avec le théâtre de l’Espace. L.P.B. : Enfin, la Ville de Besançon va-t-elle devoir épon- ger le déficit de plusieurs centaines de milliers d’euros du Théâtre musical (ex-Opéra-Théâtre) laissé par son ancien directeur Didier Brunel ? Comment se fait-il que la municipalité qui subventionnait l’établissement n’ait pas tiré la sonnette d’alarme ? Y.-M.D. : Ce déficit est supporté par la société de Didier Brunel. Nous fonctionnions avec lui dans le cadre d’une délégation de service public à une entreprise privée. Il n’y avait pas dans ce mode de fonctionnement de contrôle accru de la part de la collectivité. Pour autant, nous ne sommes pas redevables des déficits. Désormais, nous avons revu le mode de gestion puisque nous sommes passés d’une délégation de service public à une régie autonome personnalisée qui permet à la collectivité d’effectuer un contrôle plus mar- qué. C’est un compromis entre un regard sur la gestion de la structure et la liberté de création du directeur du théâtre. Propos recueillis par T.C.

Yves-Michel Dahoui : “Il faut un appétit pour la culture.”

je suis convaincu que cette fois-ci, nous avons un opérateur qui propose une manifestation qui répond à tous les objectifs. Je crois à son succès futur. Cependant, la culture, c’est accepter d’être déçu. C’est une quête permanente. On peut tout envisager. Si on se rend compte dans trois ans que ça ne correspond pas à nos attentes, alors il faudra réexaminer la situation. Mais je reste convaincu qu’avec ce projet, on ne tâtonne plus. L.P.B. : Pourtant, de l’extérieur, ce nouveau départ à zéro donne quand même le sentiment que les partenaires ont dépensé 750 000 euros par an pendant trois ans dans un événement auquel on n’a peut-être pas donné le temps nécessaire pour qu’il s’implante ? Y.-M.D. : Une fois de plus, nous n’avons jamais dénigré Musiques de Rues, et les gens ont été heureux de cette manifestation. Changer de for- mule ne signifie pas que pendant trois ans on a jeté 750 000 euros à la poubelle ! Si nous avons changé de projet, c’est parce que nous avons jugé qu’il pouvait s’inscrire dans la durée. L.P.B. : L’enveloppe financière et le calendrier sont les mêmes que pour Musiques de Rues ? Y.-M.D. : Nous sommes partis sur les mêmes bases. L.P.B. : Certains disent que vous auriez pesé de tout votre poids pour que Musiques de Rues soit écarté au profit de Troisième Pôle et servir ainsi des ambitions personnelles ? Y.-M.D. : C’est tout de même assez curieux. Dire ceci revient à considérer que nos partenaires du groupement de commande, à savoir, je le répè- te, la C.A.G.B. et le Casino Barrière, sont à la botte de la Ville. Je crois qu’il faut regarder la réalité en face. Quand on connaît le fonctionne- ment des appels d’offres, la procédure, les gar- de-fous, qui peut imaginer qu’Yves-Michel Dahoui, adjoint à la culture, ait désigné seul Troisième

Pôle pour assurer sa propre publicité ? Je suis d’accord que l’on puisse critiquer le choix de Troi- sième Pôle, mais pas la méthode avec laquelle le projet a été retenu. En tout cas, ce n’est pas avec ce genre de rumeur que nous allons récon- cilier les gens avec la culture. Il faut se garder de fantasmer sur un éventuel pouvoir autori- taire de la part de l’adjoint à la culture. Mal- heureusement, je ne peux rien contre les fan- tasmes. L.P.B. : Ces accusations sont gratuites à l’encontre d’un adjoint qui se sent bien dans son rôle ? Y.-M.D. : J’ai envie que les choses bougent. Un de mes premiers métiers a été de m’occuper d’un lieu de musique contemporaine. Il faut un appé- tit pour la culture. C’est très particulier. L.P.B. : Est-ce que les acteurs de Troisième Pôle seront présents à Besançon à partir de maintenant, comme l’étaient ceux de Musiques de Rues ? Y.-M.D. : Ils auront un représentant permanent à Besançon. Nous leur demandons de réussir l’événement. Mais les organisateurs n’y par- viendront pas s’il n’y a pas de leur part une volon- té d’impliquer tous les acteurs culturels locaux. Il est nécessaire qu’en échange ces acteurs soient également ouverts à recevoir les intentions de Troisième Pôle. En tout cas, tout le monde est enthousiasme par rapport au projet qui allie patrimoine et art contemporain. L.P.B. : Vous vous êtes donné comme objectif de renfor- cer le lien qui lie la municipalité aux acteurs culturels locaux. Qu’en est-il de cette démarche ? Y.-M.D. : Aujourd’hui, les associations occupent une place importante dans le domaine culturel et sollicitent l’aide de la collectivité pour avan- cer. Cela doit continuer. Mais je souhaite à tra-

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