La Presse Bisontine 90 - Juillet-Août 2008
L’INTERVIEW DU MOIS
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Éditorial
COMMENTAIRE
Un acteur privé du tourisme
Responsable de Dinozoo et du Gouffre de Poudrey, Guy Vauthier déplore l’organisation de la politique touristique qui ne permet pas de mener des actions de promotion d’envergure de la Franche-Comté. “L’argent de la promotion touristique est dilapidé”
Vacances B esançon est une ville étudiante, capitale régionale à forte connotation administrative. Résultat : comme une volée de moi- neaux, les Bisontins désertent leur ville dès la mi-juillet, laissant la cité assoupie et déserte, loin de l’agitation que connaissent d’autres métropoles françaises plus habi- tuées à faire de l’été la saison-pha- re de l’année. Pour les autres et notamment les Allemands, Belges et autres Nordistes et Alsaciens, Besançon est une étape - agréable - sur la route du Sud. Au pire on ne fait qu’y passer et l’automobiliste pressé ne découvre de la ville que sa rocade incomplète. Au mieux, il y passe une nuit et ô surprise, découvre un centre historique d’une grande richesse et un environne- ment verdoyant qu’aucune autre vil- le française de cette taille ne peut se targuer d’avoir. Cet été 2008, Besançon retenait son souffle avant de connaître la décision des plus hautes instances de l’Unesco rela- tive à la demande formulée par le réseau Vauban, à l’initiative de Besançon, d’être inscrit sur la lis- te du patrimoine mondial. Naturel- lement, une telle inscription a l’immédiat avantage de sortir un site de l’anonymat, aussi reculé soit ce site d’ailleurs. La démarche entre- prise par l’actuel maire de Besan- çon qui a su fédérer autour de sa ville tout un réseau que l’œuvre de Vauban relie entre elles, est peut- être la plus grande action jamais entreprise en matière de notoriété pour la capitale comtoise qui n’était connue, hélas depuis 25 ans, qu’à travers les images jaunies du conflit Lip et les guenilles d’une industrie horlogère presque éteinte. L’intérêt suscité par la candidature de Besan- çon et les retombées de la dési- gnation attendue de tous devaient booster sans commune mesure la fré- quentation de la ville. En attendant, Bisontins et touristes de passage peu- vent étancher leur soif de loisirs en suivant le guide spécial été que La Presse Bisontine a concocté pour eux. Ce numéro estival est aussi l’illustration qu’à Besançon et au-delà, à tout jus- te une heure de route, il y a de quoi passer un été insolite, surprenant, bucolique, festif, intense. Loin des cli- chés. Excellentes vacances.
L a Presse Bisontine : Une récente étude place une nou- velle fois la France en tête des destinations touristiques. Pour autant, les visiteurs dépenseraient moins dans notre pays qui arrive en quatrième position de ce classement en terme de chiffre d’affaires. Qu’est-ce que cela vous inspire ? Guy Vauthier : Les chiffres sont faussés. Je m’inscris même en faux lorsqu’on dit que la France est la première destination touristique du monde. Nous sommes premiers et quatrièmes en terme chiffre d’affaires, c’est incohérent. Cette observation est erronée. Cela est lié au fait que la France a une comptabilité particulière des touristes. Nous pre- nons en compte les gens qui ne séjournent qu’une nuit sur notre territoire comme la clientèle d’affaire. Il faudrait déduire cette clientèle spécifique des statistiques. Par exemple, la Franche-Comté arri- ve en avant-dernière position des régions touris- tiques. Derrière, il y a le Limousin qui est très peu industrialisé contrairement à nous. Si on dédui- sait la clientèle d’affaire propre à notre région, il est probable que nous serions derniers du classe- ment. Par conséquent, à mon sens, la France n’est plus la première des destinations touristiques. L.P.B. : Les politiques touristiques locales donnent l’impression de patiner. D’où vient le problème selon vous ? G.V. : En France, nous avons pléthore de structures institutionnelles qui gèrent les fonds touristiques de développement. La Région, les communes, le Département, les Chambres consulaires, les Pays etc. On se retrouve au final avec une dizaine de struc- tures qui consacrent chacune un certain budget pour développer le tourisme. Le problème est que ces structures affichent 80 % de budget de fonc- tionnement et réservent 20 % à la promotion du tourisme. Il est temps de rééquilibrer les choses pour accorder davantage d’argent à la promotion. L.P.B. : Les moyens accordés au développement touristique sont trop dispersés. Faudrait-il selon vous travailler à un regroupement ? G.V. : Il faudrait au moins mettre en commun une partie de ces budgets pour mener une action de promotion nationale comme le font d’autres régions et ainsi parvenir à se démarquer. Je rappelle que la Corse assure sa promotion jusqu’à Besançon à travers une campagne d’affichage. Alors si des régions comme celle-ci qui disposent déjà d’une notoriété éprouvent le besoin de communiquer, cela donne une idée de l’ampleur des actions de promotion qu’il nous reste à accomplir pour nous faire connaître. L.P.B. : La politique touristique manquerait donc de cohéren- ce. Que vous répondent les collectivités lorsque vous leur tenez ce discours ? G.V. : On ne nous répond rien, c’est bien ça le dra- me. Chaque structure institutionnelle a son propre budget qu’elle gère et mène ses propres actions à hauteur de ses moyens. Avec cette manière de fai- re, on saupoudre beaucoup et l’argent est finale- ment dilapidé. Le tourisme est le seul secteur éco- nomique qui fonctionne comme cela avec beaucoup de structures et pas suffisamment de budgets regroupés pour mener des actions d’envergure. Je ne dis pas qu’on va tout révolutionner,mais essayons malgré tout. L.P.B. : Le Conseil général est en train de revoir son schéma directeur du tourisme. Êtes-vous consulté ? G.V. : Nous sommes consultés aujourd’hui par la Chambre de Commerce et de l’Industrie et le Conseil général. Nous sommes dans une période de réflexion. La Région avait déjà consulté les acteurs du tourisme, mais sur le fond, rien n’a vraiment bougé. L.P.B. : Quelles sont les faiblesses de la Franche-Comté ? G.V. : Il y a deux éléments négatifs contre lesquels les hommes ne peuvent rien. Le premier est la sai- sonnalité. L’activité n’est pas soutenue toute l’année pour les entreprises touristiques. Le second point négatif est le climat. Avec une météo pluvieuse en
mai et juin, une entreprise comme la nôtre a subi une baisse de fré- quentation de l’ordre de 30 à 40 %. L.P.B. : Le système actuel décourage-t-il les entreprises touristiques privées ? G.V. : Nous sommes encore quelques marginaux à résister, noyés dans des initiatives institutionnelles.Nous devons lutter contre une multitude de structures de loisir associatives qui sont nos propres concurrents.
C’est aussi un des pro- blèmes du système français dans lequel on ne sait plus très bien qui fait quoi. Quand vous devez fai-
“Il est temps de rééquili- brer les choses.”
J’attends fin septembre pour faire le bilan. Je me dis aussi que les vacances sont sacrées pour les Français. Compte tenu de tous ces facteurs, peut-être que nous allons travailler davantage avec une clientèle régionale cet été.
re face au climat, à la saisonnalité et vous positionner face à une concur- rence déloyale, ce n’est pas facile de trouver sa place. Il faudrait assai- nir l’économie touristique. L.P.B. : Comment s’annonce la saison 2008 ? G.V. : Elle a très mal commencé. À cela s’ajoutent l’augmentation des prix du carburant et la baisse du pouvoir d’achat qui n’arrangent rien.
Guy Vauthier : “Il faudrait assainir l’économie touristique.”
Propos recueillis par T.C.
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