La Presse Bisontine 89 - Juin 2008

DOSSIER

La Presse Bisontine n°89 - Juin 2008

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ET DANS LE PRIVÉ ?

La grande distribution sous tension

Le feu couve dans les rangs des salariés du commerce Le recours à des contrats précaires auxquels

s’ajoutent des salaires trop faibles pour faire face à l’augmentation du coup de la vie sont les ingré- dients d’un détonateur dans ce secteur d’activité.

L a mobilisation est moins spectacu- laire dans les professions com- merciales que dans certaines branches de la fonction publique. Mais la retenue des salariés du secteur ter- tiaire n’est qu’apparente. En coulisses de la grande distribution par exemple, la tension monte. “Les attentes ? Ce sont des augmentations de salaire” résume Frédéric Hacquard du syndicat C.F.D.T. en charge des services. Dans la foulée, il ajoute : “Si vous avez 1 000 euros par mois, je ne suis pas certain que l’on puis- se dire que vous gagnez correctement votre vie. Si le fruit d’un travail suffit juste à payer des factures, où est l’intérêt ?” La situation des salariés du commerce porte les stigmates de la précarité selon les syndicats. Les contrats de travail sont fragiles. “Ce sont des contrats à durée déterminée, des 3/4 temps, des mi-temps”, des formules auxquelles les grandes enseignes auraient intérêt à avoir recours. “Les employeurs ont des allégements de charge sur les bas salaires. Ils n’ont donc aucun avantage à les aug- menter. C’est regrettable parce que la grande distribution est un secteur qui est bénéficiaire, notamment en 2007 ” poursuit Frédéric Hacquard. Les négociations sont ouvertes en ce moment pour tenter d’obtenir une haus- se du salaire de l’ordre de 100 euros par mois en moyenne dans la grande distribution. Si le dialogue ne donne pas satisfaction, les salariés de ce sec- teur privé se disent prêts à descendre dans la rue. “Le feu couve” estime Gérard Thibord, secrétaire général de la C.F.D.T. Besan-

çon-Pontarlier. La grogne s’amplifie dans les entreprises où le recul du pou- voir d’achat pourrait avoir l’effet d’un détonateur. Dans le privé, c’est du cas par cas. En dehors des mesures légales, chaque société négocie les évolutions de salaires avec ses employés. “Ce que nous res- sentons cette année, c’est à quel point les salariés du secteur privé sont prêts à en découdre. Car pour l’instant, nous n’avons pas rencontré d’employés qui gagnaient plus pour avoir travaillé plus.”

Et voilà une pique syndi- cale lancée sans détours dans le jardin de Nicolas Sarkozy. C’est de bonne guerre diront les partisans de la politique gouverne- mentale. Plus globalement, Gérard Thibord observe que la pré- carité est le danger qui guette l’ensemble du sala- riat, qu’il soit public ou pri- vé. “L’augmentation du nombre de contrats à durée déterminée,le recoursmas- sif à l’intérim, nous inquiè- te beaucoup. L’intérimaire est devenu la variable d’ajustement dans les entre- prises comme Peugeot. En effet,mettre un terme à une centaine de contrats inté- rimaires en terme de plan social, c’est indolore pour une société.” T.C.

“Le recours massif à l’intérim nous inquiète beaucoup.”

Les employés du commerce sont prêts à descendre dans la rue.

RÉACTION

Le point dans l’industrie “On ne se sent pas démunis” Denis Cerveau, secrétaire C.F.D.T. du syndicat U.M.M. Franche-Comté (mines-métaux), fait le point sur les attentes des salariés dans l’industrie. La différence avec le combat du public est que les syndicats doivent s’adapter aux règles du jeu d’une économie mondialisée.

L a Presse Bisontine : D’où vient le malaise aujour- d’hui dans l’industrie ? Denis Cerveau : Le gros problème, ce sont les délocalisations des entreprises et les pertes d’emplois qui les accompagnent. On sent aussi monter la contestation autour de la remise en cause des 35 heures. C’est une erreur de penser que la suppression de la réduction du temps de travail empêchera les entreprises de délocaliser vers les pays à bas coût. Nous avons un exemple en Franche-Comté avec Peugeot Motocycle qui demande la révision des 35 heures alors qu’elle a déjà délocalisé l’équivalent de 80 % de sa production en Chine. L.P.B. : Les syndicats ne se sentent pas démunis pour faire entendre leur voix dans une économie mondialisée ? D.C. : Non, on ne se sent pas démunis. Ce que l’on revendique, ce sont des gains de productivité qui nous rendent compétitifs. C’est vrai qu’en France, le coût horaire est plus élevé, mais nous sommes plus per- formants sur le savoir-faire et sur la qua- lité des produits. Beaucoup de clients sont mécontents des pays à bas coût, car les pro- ductions sont de mauvaise qualité.

minimum dans les mêmes proportions que l’augmentation du coût de la vie. L’avantage que nous avons sur le Sud du Doubs, c’est qu’il existe une convention collective éten- due à l’ensemble des entreprises de lamétal- lurgie. Elle permet d’avoir des minima qui sont les mêmes pour tout le monde. Nous avons eu notre première réunion avec le patronat durant laquelle nous avons évo- qué la question des salaires. La négocia- tion reste un rapport de force entre les syn- dicats et les patrons. C’est à nous de démontrer que l’inflation est tellement for- te qu’il est nécessaire de faire évoluer les minima. L.P.B. : Vous subissez les effets d’une économie mondialisée. À vous de vous adapter aux règles du jeu internationales. À partir de là, avez-vous le sen- timent que votre combat est différent de celui mené dans le secteur public ? D.C. : Je crois qu’il ne faut pas créer de polé- mique sur ce sujet entre public et privé. Il vaut mieux marcher main dans la main si on veut obtenir quelque chose. Mais il est vrai qu’on ne mène pas tout à fait le même combat. Propos recueillis par T.C.

pour préserver le tissu industriel régional ? D.C. : Il est nécessaire de diversifier notre activité dans l’industrie, surtout dans le pays de Montbéliard où l’économie dépend du secteur de l’automobile. Nous devons nous orienter vers des productions à forte valeur ajoutée. L.P.B. : Beaucoup d’entreprises ont cette réflexion aujourd’hui ?

D.C. : Certaines sociétés en prennent le chemin. D’autres non, surtout lorsqu’elles sont rachetées par des actionnaires qui n’ont qu’une idée en tête : le résultat. Néanmoins, on observe sur Besançon, une ville où le tissu industriel est composé de P.M.E., que des entreprises cherchent à se diversifier et à reconnaître leurs salariés. Elles propo- sent des évolutions de car- rière et des parcours profes- sionnels. L.P.B. : Quelles sont vos revendi- cations salariales dans l’industrie ? D.C. : On estime que les salaires doivent évoluer au

“Je crois qu’il ne faut pas créer de polémique.”

Denis Cerveau : “C’est une erreur de penser que la sup- pression de la réduction du temps de travail empêchera les entreprises de délocaliser vers les pays à bas coût.”

L.P.B. : Néanmoins, sur quels leviers faut-il agir

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