La Presse Bisontine 89 - Juin 2008

La Presse Bisontine n°89 - Juin 2008

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ÉDUCATION NATIONALE 3 000 personnes le 15 mai Le casse-tête de la réforme du primaire de Xavier Darcos Tandis que les lycéens défilent pour dire non aux suppressions de postes dans le secondaire, le primaire dénonce la réforme de Xavier Darcos. Les propositions du ministre de l’Éducation inquiètent et mobilisent enseignants et parents d’élèves depuis plus de deux mois. Suppression de l’école le samedi matin, passage de 26 heures à 24 heures d’enseignement hebdomadaire et soutien de 2 heures pour les élèves en difficulté, recentrage des pro- grammes sur les fondamentaux “lire, écrire et compter”, les grandes lignes de la réforme sont annoncées, mais leurs conditions d’application restent très floues. Malaise.

“N ous n’acceptons pas de faire de différences entre les élèves. Le trai- tement de la difficulté se fait dans le temps d’école qui est le même pour tous. Ce n’est pas jus- te.” Ce samedi de finmars, Franz Ehrard parle au nom de l’équipe enseignante de l’école Rivotte, soudée dans son opposition au projet Darcos. La matinée était initialement consacrée à une réunion interne sur les nou- veaux programmes, “une consul- tation bidon puisque les livres sont déjà imprimés” mais les enseignants ont préféré inviter les parents à une réunion d’information sur cette fameu- se réforme. Quelques jours plus tard, une première manifesta- tion réunira près de 1 200 per- sonnes à Besançon. Depuis, deux autres réunions se sont tenues à l’école et deux autres mani-

Les écoles se sont mobilisées dès le 26 avril à Besançon.

festations ont eu lieu dans les rues de la ville. Celle du 26 avril a rassemblé plus d’un millier de manifestants, celle du 15 mai (avec les lycéens et la fonction publique), 3 000. Les avancées elles, sont infimes. “Il n’y a pas de remise en cause de la semaine de 24 heures ou 26 heures pour les enfants en

de soutien sur l’année, à raison de 2 heures hebdomadaires maxi- mum. À chaque école de faire des propositions.” Et c’est bien là tout le problème. Fin mars, la rectrice a proposé de les mettre le vendredi après- midi, idée vite oubliée. Puis le mercredi a été évoqué et aban- donné lui aussi, “grâce à lamobi- lisation du 26 avril” selonThier- ry Couratte-Arnaude, secrétaire départementale du S.N.U.i.p.p., syndicat majoritaire dans le pri- maire. “Il faut s’interroger sur ce qui est le mieux pour les enfants” prône l’inspecteur d’académie. De quoi faire bon- dir les enseignants qui martè- lent le même message. Quand on lui demande pourquoi il n’y a pas de cadrage national sur le sujet, il rétorque : “S’il y en avait eu un, on aurait reproché à la réforme de tout imposer. Ce

soutien est proposé par les enseignants, libres aux parents d’accepter ou non.” Et la patate chaude brûle toujours les mains. La définition d’un élève en difficulté n’est pas dans le tex- te, le contenu non plus. “Si ce soutien se résume à un élè- ve assis devant son cahier à faire des exercices, ce n’est pas pertinent. Un enfant progresse dans un environnement col- lectif et hétérogène” explique Annick Cabou, directrice de l’école Rivotte. En attendant, le minis- tère demande à chaque école de com-

difficulté, c’est signé” rappelle l’inspecteur d’académie du Doubs Daniel Guérault qui attend comme tous ses col- lègues des autres départements, la publication du décret d’application. “Il y aura au maxi- mum 60 heures

2 heures, pour qui et pourquoi faire ?

On ne veut pas du rattrapage le mercredi.

loin d’être anodine. “On enlève 2 heures à tout le monde et on alourdit les programmes. Les études sur la semaine de 4 jours montrent que les enseignants diminuent le champ des activi- tés enseignées, en particulier tout ce qui n’est pas fondamental, ce qui est préjudiciable justement pour les élèves en difficulté” résu- me Franz Ehrard. Appauvrissement des ensei- gnements, stigmatisation de cer- tains élèves, stages de remise à niveau pendant les vacances (assurés par des enseignants volontaires et payés en heures supplémentaires défiscalisées), le tout sur fond de suppressions de postes, “il y a une accumu- lation qui provoque un gros ras- le-bol” dénonce Thierry Cou- ratte-Arnaude. “Aucun

muniquer à son inspection aca- démique d’ici mi-juin, une liste d’élèves qui pourraient bénéfi- cier de ce soutien. L’objectif est de diminuer le nombre d’élèves en situation d’échec scolaire à leur arrivée en 6 ème , aujourd’hui évalué entre 10 et 15 %. Et là encore, à chaque établis- sement de choisir. “Soit l’école fournit une liste, soit elle n’en fournit pas, soit elle inscrit tous les élèves, avec accord des parents car on estime qu’on n’a pas à fai- re un tri entre les élèves” analy- se la directrice. Beaucoup de parents, avouons- le se sont réjouis (égoïstement ?) de la suppression de l’école le samedi matin. Mais au-delà de la confortable grasse matinée qui se profile à partir de sep- tembre, cette réorganisation est

R.A.S.E.D. (réseau d’aides spé- cialisées aux élèves en difficul- té) n’est supprimé dans le Doubs” tient à souligner Daniel Gué- rault, qui ne croit pas à l’argument “stigmatisation des mauvais élèves”. “Quand un élè- ve redouble ou qu’il est pris en charge par le R.A.S.E.D., on peut aussi dire qu’il est stigmatisé.” Selon lui, tout dépend de la façon dont on va lui présenter la situa- tion. À Rivotte, certains parents s’insurgent, imaginent mal com- ment ils vont expliquer à leurs chers bambins qu’ils doivent res- ter à l’école une heure de plus quand les copains eux ont droit à une virée au parc. D’autres soulignent la nécessité de s’attaquer pourtant à l’échec scolaire, ce que ne nie pas l’équipe enseignante qui refuse pourtant un retour des anciennes méthodes où l’on rabâche sans forcément comprendre. Et pour les écoles de campagne, à quel- le heure et combien de fois devra passer le bus ? En attendant la publication du décret d’application réduisant le temps scolaire de 2 heures, la mobilisation des enseignants et des parents semble intacte. Les questions n’ont toujours pas de réponse. Dans les écoles, on réfléchit ensemble à la future semaine type. Et on prend gar- de de ne pas proposer demesures “trop impopulaires” qui pour- raient faire fuir les parents, les inciter à inscrire leurs enfants dans d’autres écoles et donc d’entraîner des fermetures de classes. L’Éducation Nationale serait-elle dans une spirale infer- nale ? A.B.

Thierry Couratte- Arnaude, secrétaire départemen- tal du S.N.U.i.p.p.

Rebelote, le 15 mai

dans les rues de Besançon.

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