La Presse Bisontine 86 - Mars 2008

ÉCONOMIE

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La Presse Bisontine n° 86 - Mars 2008

Renforcé par l’achat de l’entreprise Cheval en 1994, le groupe IMI, groupe indé- pendant et familial présidé par Jean Pierre Gérard, a ajouté aux savoir-faire tra- ditionnels de Cheval Frères - l’horlogerie et les microtechniques -, un nouveau volet : le biomédical. L’ensemble emploie aujourd’hui 450 personnes dans sept entreprises. L’essentiel se fait - encore - dans la région de Besançon. BESANÇON Des implants en céramique Le groupe IMI poursuit sa diversification

Avec ses différentes entités (ci-

contre Cheval Frères et plus bas Laser Cheval), le groupe IMI devrait réaliser cette année un chiffre d’affaires de près de 40 millions d’euros.

C adrans demontres et articles de luxe, composants pour l’horlogerie, la bijouterie et la micromécanique, laser et céramiques : les activités du groupe IMI (Industries microméca- niques internationales) dont le siège est situé sur la zone de Témis, sont réparties dans sept unités de pro- duction. À l’origine du groupe IMI, on retrouve le savoir-faire technique d’une entreprise qui s’apprête à fêter ses 160 ans, la société Cheval Frères, grou- pe familial fondé en 1848 (voir enca- dré plus bas). 165 salariés chez Cheval Frères àÉco- le-Valentin, une quarantaine chez Laser Cheval à Pirey, 70 chez BH à Charquemont et 27 chez Hardex à Marnay, l’essentiel du personnel employé par le groupe IMI travaille localement.Malgré les exigences d’un marchémondial de plus enplus concur- rentiel, Jean-Pierre Gérard a pris le parti de conserver la grande majori- té de ses compétences sur place. Sur les 450 salariés du groupe, 300 tra- vaillent dans les unités de production locales. “Nous avons créé un atelier de fabrication de pierres d’horlogerie au Portugal et un autre à l’îleMaurice, spé- cialisé dans la pose de pierres synthé- tiques et d’appliques pour les cadrans demontres. Pour le reste, ce qui deman- de une haute technicité, tout se fait ici” détaille Didier Cheval, le directeur général délégué de Cheval Frères et directeur commercial du groupe IMI. Sous l’impulsion de Jean-PierreGérard, le groupe IMI a su prendre à temps un virage à 180°, passant fin des années quatre-vingt-dix dumoyen de gamme au haut, voire très de gamme, enmoins de dix ans. “Nous avons la particula- rité d’exporter 95 % de notre produc- tion. Surtout vers la Suisse, mais aus- si vers l’Asie. Il y a encore dix ans, nos coûts de production étaient inférieurs à ceux de nos concurrents suisses. Si on ramène au coût horaire,nous sommes

COMMENTAIRES Miser sur la formation “Oublions la frontière, devançons l’appel des Suisses” Le directeur général délégué du groupe IMI tente de trouver une réponse au phénomène d’aspiration de la main-d’œuvre chez nos voisins suisses, qui touche également les salariés bisontins.

“Pour poursuivre notre développement, il faut des compétences, dans de nombreux domaines” précise Didier Cheval.

Hardex et Paris Implants basées à Marnay - donnent d’excellentes pers- pectives de développement au groupe bisontin. La diversification est un leitmotiv de l’esprit maison depuis 160 ans. C’est elle qui permet à Cheval puis à IMI de conserver une longueur d’avance, désormais quasi exclusivement dans le haut de gamme. Certainement le seul salut pour les industries adossées à la frontière suisse. La stratégie d’IMI est résumée par son directeur com- mercial : “Il faut toujours privilégier la création et l’avance technologique sur la concurrence. Ce sont lesmeilleurs atouts pour continuer d’avancer.” La preuve : Chaque année, IMI consacre entre 7 et 10 % de son chiffre d’affaires en investissements. J.-F.H.

aujourd’hui plus chers. Pour continuer à nous développer, nous misons sur la qualité de notre main-d’œuvre qu’il faut sans cesse continuer à former. Pour pallier le manque de main-d’œuvre, nous sommes en train de monter un centre de formation en interne, en col- laboration avec l’A.F.P.I. et en parte- nariat avec un fabricant de machines

L a Presse Bisontine : La proximité de la Suisse est également une menace pour les entreprises basées dans le Grand Besançon ? Didier Cheval : Une menace ? Non car nous sommes complémentaires. Nous ne réagirons jamais de cette façon contre nos amis suisses car ce sont eux qui, en grande partie, nous font vivre. Les Suisses n’ont pas à payer nos déficiences enmatière de législation du travail et de charges. Il faut que nos responsables se posent la question de savoir pourquoi, à 80 km de distance avec un niveau de vie comparable, d’un côté on construit des usines ultra-modernes et de l’autre,enFrance,c’est l’inverse qui se passe. La problématique est simple : faisons en sorte que les entreprises de nos régions redeviennent compétitives par rapport à la Suisse. Que fait-on ici pour garder nos entreprises ?Avec 411 000 euros de taxe professionnelle et un total de 2,240millions d’euros en charges, taxes et impôts divers payés en 2007, je me le demande.Le paradoxe est qu’aujourd’hui nous perdons notremain-d’œuvre alors que la deman- de de produits est supérieure à l’offre dans le haut de gamme et le luxe. Les Suisses viennent puiser dans nos ressources en main-d’œuvre car ils ont, eux, d’énormes besoins en ce moment. L.P.B. : La Suisse est devenue plus compétitive que la France ? D.C. : Oui et ce, malgré un salaire minimal beaucoup plus élevé. En Suisse, le salaire de base est d’environ 3 000 francs suisses, soit 2 000 euros. Mais sur un salaire de 2 000 euros, l’entreprise suisse paiera 2 200 avec les charges et le salarié percevra 1 580 euros nets alors qu’en France, le salarié percevra 1 380 euros nets et l’entreprise paiera près de 3 000 euros. Ramené aux horaires de travail - 42 heures par semaine en Suisse, 35 heures en France -, on arrive aujourd’hui à un coût horaire de travail salarial de 14 euros en Suisse contre 19 en France. Et là-bas, lorsqu’ une entreprise gagne de l’argent, ses inves- tissements sont déductibles des impôts. L.P.B. : Concernant la fuite de la main-d’œuvre, y a-t-il un moyen de lutter ? D.C. : Au lieu de subir, nous venons de prendre une décision importan- te au sein du groupe IMI : créer un organisme de formation au sein même de nos usines. Le principe est que les jeunes qui intègrent l’entreprise signent un contrat au départ. Pour celui qui envisage de partir en Suisse, on ne s’y oppose pas, mais les choses sont claires au départ. On signe un accord avec un partenaire suisse fabricant de machines, et si le jeune part de chez nous, ce partenaire nous “indem- nise”. 12 jeunes sont actuellement en formation chez Cheval, ils ne seront véritablement opérationnels qu’après 15 mois de formation. Cela coûte très cher et nous sommes donc en train de mettre en pla- ce une équipe d’encadrement en interne pour réaliser ces formations. Si la Franche-Comté a un rôle à jouer par rapport à la Suisse, c’est bien dans la formation. Quand les entreprises suisses ne trouveront plus de main-d’œuvre en Suisse, elles finiront par investir en France. Alors, oublions la frontière, devançons l’appel et formons nos salariés pour répondre aux futures exigences suisses en matière de qualité. Propos recueillis par J.-F.H.

suisse. Le but est vrai- ment de former et de gar- der des compétences” martèle Didier Cheval. IMI est toujours contraint de poursuivre l ’ i n n o v a t i o n . L e s exemples les plus récents : les céramiques de décor haut de gam- me et les implants den- taires - via les sociétés

“Privilégier la création et l’avance technolo- gique.”

REPÈRES

L’histoire d’un groupe Cheval : 160 ans de diversification

L a société Cheval est née en 1848 aux Fontenelles (Haut- Doubs). Le premier représentant des six générations qui suivront fabrique alors des pièces détachées pour l’industrie horlogère suisse. Depuis, la diversification est lemaîtremot de l’entreprise familiale : fabrication de tiges de remontoirs de montres dès 1924, puis couronnes de remontoirs dès 1935. En 1942, Cheval se lance, le premier en France, dans la fabrication de pierres d’horlogerie puis le revêtement des couronnes.Dès le début des années soixan- te-dix, Cheval est une des premières entreprises à parier sur l’utilisation du laser commemachine-outil dans lamicro- technique. En 1947, faute de main-d’œuvre locale, Cheval Frères migre des Fontenelles à Besançon rue de laMouillè- re, puis en 1972 à École-Valentin. La crise du quartz touche de plein fouet l’horlogerie fran- çaise en 1982. “La chute des commandes a été de 50 % en moins de sixmois” rappelle Didier Cheval.Cheval met alors en place, grâce au savoir-faire que l’entreprise avait com- mencé à développer, un partenariat avec I.B.M. dont Che- val assure la fabrication des têtes de lecture. “On a envoyé 25 personnes en formation chez I.B.M. àMontpellier, ça nous

a permis de tenir le coup.” En 1990, le département laser devient la deuxième activité principale de la société Che- val. Ensuite, le redémarrage de l’horlogerie, mais avec le bon choix du marché “haut de gamme”, sonne le renouveau de ce secteur d’activité pour Cheval.

Après le travail du laiton, puis de l’acier inox, du titane, de l’or, du platine puis de la céra- mique, la société bisontine continue de déve- lopper son savoir-faire. Aujourd’hui, pour sa partie composants pour l’horlogerie, Cheval travaille à destination des plus grands noms de l’horlogerie mondiale, donc pour les plus grandes marques suisses. La fabrication d’implants dentaires en céra- mique fabriqués par la filiale Hardex dirigée par Antoine Gérard (fils de Jean-Pierre et contrôleur de gestion du groupe) ouvre de nou- velles et prometteuses perspectives de déve- loppement et de diversification à ce groupe familial.

À destination des plus grands noms de l’horlogerie suisse.

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