La Presse Bisontine 85 - Février 2008

LE GRAND BESANÇON

La Presse Bisontine n° 85 - Février 2008

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C’est ce que dénoncent la récente lettre d’observations de la Chambre régionale des comptes ainsi qu’une association locale de contribuables. Le Sybert, le syndicat chargé des déchets dans le Grand Besançon, continue de plaider sa bonne foi. Une lettre à Philippe Seguin Les Bisontins ont-ils payé deux fois les déchets ? FINANCES PUBLIQUES

Le coût de certaines déchetteries du Grand Besançon aurait été “payé” deux fois (photo

archive L.P.B.).

L’ accusation n’est pas récente mais elle a pris un tour plus officiel quand la Chambre régionale des comptes de Franche-Comté, la très sérieuse insti- tution chargée de veiller à la bonne utilisation des deniers publics, a elle aussi soulevé le problème en 2007. Y a-t-il eu une vente illégale à hauteur de 21,5 millions d’euros du patrimoi- ne de la ville de Besançon (déchette- ries, incinérateur…) transféré au Sybert (syndicat mixte de Besançon et sa région pour le traitement des déchets) concer- nant le traitement des déchets et à la C.A.G.B. (communauté d’agglomération du Grand Besançon) concernant la col- lecte ? L’accusation, grave, émanait jus- qu’à présent de la pointilleuse Union Civique des Contribuables Citoyens présidée par un habitant de Nancray, Serge Grass. À Besançon, ces accusa- tions ont été plusieurs fois relayées par une élue de l’opposition, Claire Case- nove, sans jamais trouver d’écho aux problèmes qu’elle soulevait. Mais l’an dernier, la Chambre régio- nale des Comptes de Franche-Comté, après avoir passé au peigne fin les comptes du Sybert entre 1999 et 2004, est arrivée aux mêmes conclusions que ces deux protagonistes, à savoir qu’au lieu de transférer les équipements en question (plusieurs déchetteries du Grand Besançon ainsi que l’usine d’incinération de Planoise) à titre gra- tuit, comme le stipule la loi quand un transfert de compétences a lieu entre deux collectivités, ces transferts d’équipements auraient été effectués

à titre onéreux. Les magistrats de la Chambre régionale des Comptes le résument ainsi : “Bien que les conven- tions de transfert fassent état de ces- sions à “titre gratuit et en pleine pro- priété”, le souci de dédommager les collectivités “apporteuses” démontre qu’en fait les transferts ont été effectués à titre onéreux.” Ce qui reviendrait à dire que le coût de ces équipements a été supporté deux fois par les contribuables du Grand Besançon. La Chambre des Comptes confirme ainsi le paradoxe : “Les habi- tants concernés ont payé deux fois le service. Une première fois en qualité de contribuables de la collectivité pro- priétaire, au moment de la construc- tion des déchetteries, la seconde fois en qualité d’usager du Sybert, au moment du transfert de la compétence traite- ment des déchets.” Le rapport, rendu

Selon lui, ces opérations auraient per- mis à la ville de Besançon de pouvoir boucher quelques trous dans son bud- get. La conseillère municipale Claire Case- nove fait la même analyse du problè- me. À plusieurs reprises, elle a tenté de soulever la question. Mais que ce soit de la part de la majorité munici- pale - qui l’a “envoyé balader” - que de ses collègues de l’opposition - muets sur la question -, elle n’a eu aucun sou- tien. Ni de réponse claire. “J’ai deman- dé plusieurs fois au Sybert des tableaux d’amortissement, à la ville et à la C.A.G.B. des explications. On ne m’a jamais répondu clairement. Et comme ces questions sont très techniques, le grand public s’en intéresse difficile- ment. J’ai vraiment l’impression de me battre dans le vide, je suis écœurée” dit Claire Casenove aujourd’hui, qui a déci- dé d’abandonner toute fonction électi- ve. Les remarques de la Chambre régio- nale des Comptes ont été reçues par le Sybert qui affirme sa bonne foi (voir ses arguments ci-dessous). De son côté, l’Union Civique des Contribuables Citoyens poursuit sa quête de la véri- té. Mi-décembre, l’association envoyait des demandes d’explication complé- mentaires à Philippe Seguin, le pre- mier président de la Cour des Comptes. À ce jour, elle n’a pas encore obtenu de réponse claire aux nombreuses ques- tions soulevées concernant la gestion du dossier “déchets” dans le Grand Besançon. J.-F.H.

RÉPONSES La riposte du syndicat Les contre-arguments du Sybert Dans ses réponses, le Sybert échelonne ses arguments en trois niveaux : les observations de la Chambre dont le Sybert reconnaît le bien-fondé, celle dont les conséquences parais- sent au Sybert relativement mineures et celles dont la perti- nence est contestée par le Sybert. Un bel exercice de style.

Par la voix de son président Jean-Pierre Martin, le Sybert prend acte des remarques de la Chambre mais défend ses argu- ments (photo archive L.P.B.).

public l’été dernier, est donc particulièrement sévère pour le Sybert, présidé par Jean-Pierre Martin, le maire de Nan- cray. Sur 46 pages, par- ticulièrement obscures à la première lecture pour les non initiés, il épingle la gestion du Sybert. “C’est comme cela que le prix du service déchets a explosé en déduit Serge Grass . Plus de 21 mil- lions d’euros, ce n’est pas rien. Au final, c’est le contribuable qui trinque.”

“J’ai vraiment

l’impression de me battre dans le vide.”

Les observations de la Chambre dont le Sybert reconnaît le bien-fondé : - Les délégations données par le président aux vice-présidents. Sur ce point, le Sybert avance quʼil “souhaite engager une réflexion sur les adaptations qu’il conviendra d’apporter à la rédaction des arrêtés de délégation.” - Le traitement comptable des transferts de déchetteries. Le Sybert relève que lʼappréciation de la Chambre porte sur des opéra- tions dʼenregistrement qui ont été contrôlées par les services du comp- table lors de leur réalisation. Ceci dit, “le Sybert s’engage à procéder à la régularisation des opérations d’ordre erronées dès l’exercice 2007.” - Les rapports de présentation des marchés. - Lʼabsence de définition des marchés. Les observations de la Chambre dont les conséquences paraissent au Sybert relativement mineures : - Les conventions de transfert non datées. Sur ce point, le Sybert avance que la transmission de ces conventions en préfecture les rend parfaitement exécutoires. - La capacité juridique de certains signataires de marchés. Le Sybert assure quʼà lʼavenir, “il sera plus attentif sur ce point.” - Les avenants supérieurs à 5 % du montant initial du marché. Le Sybert atteste que les propositions dʼavenants ont toutes été validées par le comité syndical. - Les procédures relatives aux marchés négociés. Les observations de la Chambre dont la pertinence est contestée par le Sybert : - Les aspects juridiques du transfert des déchetteries. “Le Sybert ne peut faire sienne cette analyse de la Chambre” argue Jean- Pierre Martin. Selon lui, “l’interprétation erronée de la Chambre s’explique sans doute par une formulation maladroite de certains de nos documents qui faisaient référence à la notion de “dédommagement”. Mais en aucun cas le Sybert a procédé à des remboursements de sommes indues qui correspondraient à des sommes payées avant le transfert par la collecti- vité d’origine.” - Le Sybert conteste aussi lʼinterprétation de la Chambre sur les points suivants : procès-verbaux de transfert des installations, lʼassujettissement irrégulier à la T.V.A. et lʼexercice du droit à la déduction.

OBSERVATIONS Un long réquisitoire Les principaux reproches de la Chambre des Comptes Le transfert à titre onéreux des équipements liés au traitement des déchets n’est pas la seule remarque apportée par la juridiction au Sybert. D’autres points ont été soulevés. Voici les termes employés par les magistrats.

La délégation donnée

Le transfert des

Mêmes remarques pour le transfert des déchette- ries d’Ornans, de Placey, de Lavans-lès-Quingey et d’Arc-et-Senans. d’incinération : “Les mises à disposition n’ont pas eu lieu à titre gratuit alors que l’article L. 1 321-1 du code général des collectivités locales dispose que le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compéten- ce.” Aussi, souligne la Chambre, “les procès-verbaux de trans- fert ne sont pas conformes aux prescriptions de la loi.” Le transfert de l’usine

La tenue de la

au président Jean-Pierre Martin :

déchetteries des Tilleroyes et de Saône : “Bien que la convention de transfert ait prévu la mise à disposition d’un terrain par la ville de Besançon, la comp- tabilité ne retrace pas cette mise à disposition. […] Les écritures d’intégration ne sont pas équilibrées en débit et en crédit puisqu’aucun titre n’a été émis en contrepartie du mandat.” Le transfert de la déchetterie du Plateau située à Saône : “La comptabilité ne retrace pas la mise à disposition d’un ter- rain par la commune de Saô- ne alors qu’elle était prévue par la convention de transfert.”

comptabilité : “Il n’est pas exagéré de sou- tenir que, par leur importan- ce et leur répétition, les ano- malies constatées sont, pour le moins, de nature à porter sérieusement atteinte à la fia- bilité des comptes du Sybert.”

“La délégation consentie au pro- fit deM.Jean-PierreMartin, pre- mier vice-président, est si large qu’il semble difficile de soutenir que seul l’exercice d’une partie des fonctions de président (N.D.L.R. : Robert Schwint jus- quʼen 2001) a été délégué. La valeur juridique d’une telle délé- gation est sérieusement contes- table et, par voie de consé-

quence, tous les actes qui ont été signés dans le cadre de cette délé- gation sont juri- diquement très vulnérables.”

“Porter sérieusement atteinte à la fiabilité des comptes.”

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