La Presse Bisontine 84 - Janvier 2008

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n°84- Janvier 2008

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SCIENCES

Distingué par la revue Nature Du chaos, il fait naître la sécurité… Enseignant-chercheur en optoélectronique à l’Université de Franche-Comté, Laurent Lar- ger vient d’intégrer le cercle très fermé des membres de l’institut universitaire de France, grâce aux travaux de son équipe sur la sécurisation des transmissions d’informations.

D es prises, des fils, des compo- sants électroniques, des appa- reils de mesure, des lasers… Mais que peut bien faire Lau- rent Larger dans ce laboratoire situé au fond d’un couloir de la faculté des sciences de Besançon ? Ne cherchez pas, c’est de la cryptographie par chaos optique… Amis de la technologie, bienvenue dans le quotidien de Laurent Larger. Cet enseignant-chercheur de 39 ans vient d’être nommé dans le cercle restreint des membres du prestigieux institut universitaire de France. Avec John Dudley et Jean-Pierre Goedgebuer avant lui, ils sont désormais trois issus du laboratoire d’optoélectronique de Besançon à inscrire leur nom à l’I.U.F. Avec eux seulement, un quatrième chercheur, en pharmacie cette fois. Ces quatre sont les seuls chercheurs de toute l’Université de Franche-Comté à avoir atteint cette reconnaissance nationale. Antichambre du Collège de France, l’I.U.F. est une pépinière de talents récompensés pour la valeur de leurs travaux de recherche. Deux ans plus tôt, Laurent Larger se voyait déjà gratifié d’une première reconnaissan- ce internationale : la publication d’un de ses travaux de recherche dans la célèbre revue scientifique Nature, réfé- rence mondiale pour tout chercheur digne de ce nom. La cryptographie par chaos optique,

c’est tout “simplement” la “sécurisa- tion des transmissions optiques en uti- lisant des comportements chaotiques de la lumière” explicite le chercheur bisontin. C’est en 1994, alors que per- sonne aumonde n’avait réussi à démon- trer que l’on pouvait utiliser des com- portements chaotiques de la lumière pour transmettre de l’information, que Laurent Larger échafaude ses travaux sur la question. Jeune doctorant à l’époque, épaulé par son directeur de thèse Jean-Pierre Goedgebuer (aujourd’hui directeur scientifique de P.S.A. Peugeot-Citroën), Laurent Larger fait la démonstration

ratoire d’optoélectronique bisontin… Ces modulateurs électro-optiques sont donc bisontins, de la recherche à l’application. En 2004, avec une équipe grecque, Lau- rent Larger met en application ses tra- vaux sur un réseau optique de 100 km mis en place à l’occasion des Jeux Olym- piques d’Athènes, ce qui lui vaut alors cette fameuse publication dans la revue Nature. Il est le seul à ce jour, de l’U.F.R. de sciences et techniques, à avoir obte- nu cette reconnaissance internatio- nale. Le grand public est en droit de se poser une question : mais à quoi sert tout cela ? “L’image du chercheur farfelu complètement déconnecté des réalités est fausse, estime Laurent Larger. Nous nous situons vraiment à la limite entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.” Car tous ces travaux ont bien sûr leur utilité et sont promis à des développements industriels poten- tiellement énormes. Couplés avec les recherches en cryptographie quantique menées par un autre de ses collègues, Jean-Marc Mérolla, les travaux menés par Laurent Larger intéressent par- ticulièrement les grandes banques pour la sauvegarde de leurs données. “Il y a des enjeux économiques énormes sur la sécurisation des bases de données bancaires” affirme le chercheur. Des entreprises en plein développement comme Smart-Quantum, basée au pôle

Laurent Larger a fait de la sécurisation des

des télécommunications de Lannion en Bretagne, s’appuient d’ores et déjà sur les découvertes en crytographie optique pour assurer le développement industriel des dispositifs de trans- mission pensés par le laboratoire bison- tin. Et les applications de ses travaux n’en sont qu’à leurs balbutiements. Son nouveau statut de membre de l’I.U.F. lui permet, tout en restant atta- ché à son laboratoire bisontin, de consa- crer encore plus de temps à ses tra- vaux de recherche (avec une décharge d’enseignement). Début décembre, Lau- rent Larger participait à un “work- shop” en Uruguay, justement consa- cré au chaos optique. La sécurisation des informations est son sujet de prédilection depuis plus de dix ans maintenant. Comme les créateurs de Photline Technologies avant lui, Laurent Larger songe à lan- cer peut-être un jour sa propre start- up consacrée à la sécurisation des trans-

missions d’informations.

Alors pour ceux qui se demanderaient encore ce que peu- vent bien fabriquer ces chercheurs dans leurs laboratoires, Laurent Larger est en passe d’apporter une nouvelle fois la preuve que les pas- serelles entre la recherche et le déve- loppement indus- triel existent bel et bien. Y compris à

du bien-fondé de ses recherches. En 1997, il dépose un brevet, puis intègre un programme de recherche européen qui l’amène à prouver l’efficacité de sa métho- de par l’intermédiaire des fibres optiques. “Nous avons développé à Besançon une archi- tecture qui a servi de base aux composants utilisés et vendus aujourd’hui par l’entreprise bisonti- ne Photline Technolo- gies” note l’enseignant- chercheur. Entreprise Photline créée d’ailleurs par des anciens du labo-

“Il y a des enjeux éco- nomiques énormes.”

transmissions d’informations le cœur de ses travaux depuis dix ans.

Besançon, dans un modeste labora- toire niché au fond du couloir anony- me d’une faculté d’apparence très ordi- naire.

J.-F.H.

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