La Presse Bisontine 73 - Janvier 2007

REPORTAGE

26

TRAVAILLEURS PAUVRES À SAINT-VIT : L’ALERTE Créée il y a un an et demi, l’association Entraide du val saint-vitois distribue l’aide de la banque ali- mentaire aux plus démunis, à Saint-Vit. Depuis, 66 personnes ont été aidées. Parmi eux, beaucoup de travailleurs pauvres mais aussi des retraités dont la retraite ne suffit plus.

“J e pensais venir ici pourdonneruncoup de main, comme bénévole. Et main- tenant, c’est moi qui ai besoin d’aide. Les pauvres, ce ne sont pas forcément ceux qui ne tra- vaillent pas. Cela peut arriver à n’importe qui” , affirme-t-elle d’une voix douce. Dans la petite pièce qui sert de salle d’attente à l’association Entraide à Saint-Vit, Joëlle a posé ses sacs en plastique à ses pieds. Depuis deux mois, elle vient ici tous les vendredis après- midi, chercher son colis. Des fruits et légumes, des conserves, du lait récoltés par la Banque alimentaire. La première fois qu’elle a franchi la porte de l’as- sociation, Joëlle a ressenti un “nœud à l’estomac.” “J’ai eu du mal à venir. Plusieurs vendre- dis de suite, je suis passée devant l’association sans réussir à ren- trer. Et puis je me suis dit : “Tu en as besoin, il faut y aller”, raconte-t-elle. Ravaler sa fierté. Atteinte d’unemaladie orpheli- ne qui lahandicape, Joëlle a per- du son emploi il y a quelques mois. Depuis, elle vivait avec sa petite pension d’invalidité et les Assedic. Cet été, ils lui ont été retirés, “parce que j’ai été hos- pitalisée et pour l’administra- tion, je n’étais pas en recherche d’emploi. Selon les Assedic, c’est àlaSécuritésocialedemeprendre en charge, la Sécu affirme l’in- verse.” Depuis août, elle n’a plus que les 350 euros de sa pension pour vivre. C’est unepetitemaisondebrique discrète, un peu à l’écart du centre. Depuis juin 2005, l’as- sociationEntraide du val Saint- Vitois y distribue l’aide alimen- taire aux plus démunis. La pauvreté ne touche pas que les villes. Moins visible, plus insi- dieuse, celle-ci se développe dans les zones rurales aussi. “Dans les associations bisontines, on voyait arriver des familles de Saint-Vit, qui étaient obligées de faire le trajet pour obtenir l’ai- de dont elles avaient besoin. C’est pour cela que nous avons déci- dé de créer une association ici” , expliqueNoël Bauquerey, admi- nistrateur de la Banque ali- mentaire duDoubs qui a été l’un des fondateurs d’Entraide. En un an et demi, 66 familles, comme Joëlle, ont été aidées. “Depuis janvier dernier, on a enregistré une augmentation de + 20 %. Mais on est encore loin de toucher tous ceux qui en auraient besoin” , note Pascale Richard, la présidente de l’as- sociation. Une pauvreté qui a changé de visage aussi. Beau- coup sont desmères célibataires. Parmi les 37 personnes aidées ce vendredi-là, une douzaine a un emploi régulier. Des tra-

vailleurs pauvres. “Beaucoup ont des contrats à temps partiel, notamment dans la grande distribution, les ser- vices à domicile. Quand on est char- gé de famille, le salaire ne suffit pas à faire face au quotidien” , remarque Pascale Richard. 120 euros pour vivre En attendant d’être servi dans l’épi- cerie improvisée au fond de la mai- son, chacun y va de son histoire, son lot de galères. Il y aVirginie et Patri- ce, qui viennent ici depuis un mois. Lui travaille à plein-temps, est payé au S.M.I.C. “Mais le loyer est cher. 616 euros alors qu’on reçoit seule- ment 38 euros d’aide au logement. Avec deux enfants, les fins de mois étaient difficiles. On achetait le strict minimum pour les petits” , raconte la jeune femme aux traits un peu tirés. “C’est grâce à ma mère qu’on est venu à l’association. Elle a fait les démarches, s’est renseignée pour nous. Sinon, on ne serait pas venu, peut-être” , reprend-elle. “En campagne, c’est comme dans les villes. Chacunpour sapomme” , s’em- porte sa voisine,Anne (*). Lorsqu’elle s’est résolue à passer la porte de l’as- sociation, cela faisait trois jours qu’el- le n’avait pas mangé. “Il n’y avait plus riendans les placards, je n’avais pas le choix.” En peu de mots, elle raconte son histoire. Son mari, vic- time d’un accident vasculaire, le salaire qui se retrouve divisé par deux, les difficultés qui s’accumu- lent. Elle a fait le calcul. Une fois toutes les charges payées, “il me res- te 120 euros pour assurer les autres dépenses. La nourriture, l’essence…” Depuis, elle s’estmise à chercher du travail, en agence d’intérim, mais n’a toujours rienpour l’instant.Anne vient depuis un an déjà à l’associa- tion Entraide. “Ça aide drôlement” , assure-t-elle. Les colis alimentaires couvrent normalement quatre jours de repas, le complément doit être acheté. “Mais si vous savez cuisiner, ça suffit pour la semaine. Le soir,

Noël Bauquerey gère les stocks de l’association, approvisionnée par la Banque alimentaire. En 2006, plus de 30 tonnes de nourriture ont été dis- tribuées à Saint-Vit, hors produits frais et légumes.

9 heures. Le camion vient livrer l’association de produits frais invendus récoltés dans les grandes surfaces de la région.

Louis, 70 ans, repart avec ses sacs. “ça a amélioré la situation, c’est plus vivable maintenant”, dit-il.

Une fois livré, il faut trier, ranger les produits avant la distribution l’après-midi. Une vingtaine de béné- voles s’activent dans le local.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker