La Presse Bisontine 72 - Décembre 2006

DOSSIER

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ASSOCIATIONS Critique L’arrivée du festival de musiques de rues a réveillé les craintes du milieu culturel bisontin

D ans le milieu culturel bison- tin, le malaise est palpable. L’arrivée des nouveaux fes- tivals - notamment celui des Musiques de rues - a soulevé les inquiétudes de certains acteurs de longue date de la vie culturel- le bisontine. “Les élus vont mettre de très gros moyens sur des mani- festations qui ne sont pas cultu- relles. On met sous le nom de cul- ture quelque chose qui relève de l’animation. C’était du carnaval, pas une manifestation culturelle. Mais cet argent énorme est pris sur le budget de la culture” , cri- tique un responsable associatif. C’est sur la question budgétaire que se cristallisent les inquié- tudes. “Les associations qui exis- tent depuis un certain nombre d’années et essaient de tirer vers le haut la culture se trouvent confrontées à des situations finan-

cières limitées. Si on demande un effort supplémentaire, on nous répond que les moyens sont limi- tés. Par contre, ils n’ont aucun mal à débloquer une somme énor- me pour un festival” , regrette une

avec les activités qui sont déployées tout au long de l’année” , se défend Michel Roignot, l’adjoint à la cul- ture de la mairie de Besançon, qui affirme que “pas un centime n’a été enlevé aux autres activités culturelles pour financer le festi- val des musiques de rues. De la part de la ville, l’effort financier n’est d’ailleurs pas plus impor- tant que celui réalisé pour les Ins- tempsfestifs. Le supplément de financement vient des autres par- tenaires, notamment la C.A.G.B.” La Région, de son côté, met en avant l’effort supplémentaire qu’el- le a réalisé depuis 2004 en faveur de la culture. Le budget dédié à celle-ci est ainsi passé de 9,398mil- lions d’euros à 11,6 millions d’eu- ros en 2006. La part dédiée au cinéma et au spectacle vivant est, elle, passée de 1,5 à 2,6 millions d’euros.

responsable asso- ciative. “Les budgets ne sont pas exten- sibles à l’infini, c’est une donnée arith- métique. Les choix induisent des inter- ventions sur d’autres modes de travail. Maintenant, une fois

“Pas un centime enlevé aux autres activités.”

BARS Leurs revendications Les cafés veulent être reconnus

que les élus ont décidé, à nous de nous y plier” , reconnaît Daniel Boucon, le directeur du théâtre de l’Espace, l’une des trois scènes nationales de Besançon. Pourtant, pour la municipalité, la question ne se pose pas. “On ne peut pas comparer un festival

comme acteurs culturels Bars, associations de musique et musiciens ont décidé de se regrouper pour défendre l’existence de concerts dans des cafés, “premier maillon de la diffusion musicale.” “U n festival, c’est très bien. Mais après, le reste de l’année, il faut que d’autres puissent prendre du bar est essentiel dans l’émergence des musiques actuelles. Aldebert, Bénabar, Noir Désir… Tous ont commencé leur

GRAND ANGLE Comment ça marche ailleurs “Chalon dans la rue” : 5 millions d’euros pour l’économie locale Cet été, “Chalon dans la rue”, le festival des arts de la rue, a fêté sa 20 ème édition. Pour la ville de Chalon-sur-Saône, les 250 000 à 350 000 visiteurs du festival représentent une manne de près de 5 millions d’euros.

le relais. Que cela bouge tout au long de l’année” , affirme Stéphane Pellegri, le directeur de la Crémerie. Depuis les difficultés du bar bisontin - la programmation de 150 concerts a dû être annulée jusqu’en janvier pour cau- se de non-conformité des lieux -, les bars bisontins, des représentants d’associa- tions de diffusion de musique et des musiciens ont décidé de se regrouper pour défendre ce qu’ils jugent être le “premier maillon de diffusion de la musique.” Une association devrait voir le jour pro- chainement. “Il y a quelques années, il y avait une multitude de lieux où les groupes amateurs pouvaient jouer. Désor- mais, il n’en subsiste qu’un ou deux, com- me les Passagers du zinc. Or l’échelon

carrière en tournant dans des bars au départ” , reprend Stéphane Pellegri. Les bars veulent qu’on les reconnaisse comme “acteurs culturels” à part entière et que les autorités tiennent compte de leurs spécifici- tés dans l’application de la législation. “Avec la loi anti- bruit, tout ce qui est un peu reggae, rock est en danger, même lorsque les bars font des aménagements d’inso- norisation. La S.M.A.C. est

“Il y a quelques années, il y avait une multitude de lieux.”

L a ville ne compte que 52 000 habitants. Mais tous les étés, Chalon- sur-Saône voit sa popu- lation multiplier par cinq, le temps d’un week-end. La réputation de “Chalon dans la rue” n’est plus à faire. Le fes- tival des arts de la rue attire chaque année près de 250 000 à 350 000 visiteurs dans la ville de Saône-et-Loire.

Une manne pour la cité bour- guignonne. “Nous avons fait le calcul. L’impact économique du festival représente à peu près 5 millions d’euros qui sont injec- tés dans l’économie locale en l’es- pace de quatre jours” , explique Laurent Bourdereau, qui a repris la tête du festival avec Pedro Garcia depuis le départ il y a trois ans des deux fondateurs de lamanifestation, Pierre Layac

et Jacques Quentin. “Rien que l’accueil des troupes représente 600 nuitées” reprend-il. Créé en 1987 - le festival a fêté cette année sa vingtième édi- tion - “Chalon dans la rue” est devenu un des moteurs écono- mique et d’image de la ville et bénéficie d’un budget de 1,2 mil- lion d’euros. Cette année, 113 journalistes accrédités ont cou- vert la manifestation, “dont une

en train de se créer. Elle ne peut pas résoudre à elle seule tous les problèmes. Si les bars disparaissent, elle ne sera qu’un îlot isolé” , dit-il.

teurs, le festival travaille désor- mais à “mettre l’accent sur le transport, le parking. Quelqu’un qui n’est pas satisfait s’en sou- vient toujours. On met un point

équipe de télévision coréenne.” 700 professionnels et 150 com- pagnies “off” y ont participé. “À l’origine, la ville avait deman- dé à Layac et Quentin d’animer

une manifestation autour de l’équitation. Puis a trouvé que ce serait bien développer les arts de rue. Le festival est monté pro- gressivement. En 1990, le “off” s’est créé” , reprend l’adminis- trateur actuel du festival. Les raisons du succès de “Cha- lon dans la rue” ? “Les arts de rue sont un créneau naturelle- ment vendeur, populaire” , affir- ment les organisateurs. Mais la recette du succès est aussi dans le calendrier. Dans un agenda des festivals de l’été, Chalon a su faire sa place en plein mois de juillet. Une sorte de prime au primo-arrivant. “On a un excellent créneau, ce qui fait que pas mal de professionnels peu- vent être présents. Sur la thé- matique des arts de rue, il y a Namur en mai, nous en juillet, Aurillac en août, Cognac en sep- tembre. Maintenant, beaucoup de festivals se lancent. Pour eux se pose le problème de quand le faire” , reconnaît Laurent Bour- dereau. Pour continuer à attirer les visi-

d’honneur pour que les gens soient tranquilles et sereins lorsqu’ils viennent chez nous. On a mis pour cela en pla- ce un accueil public pour ren- seigner les gens, un plan qui détaille les mani- festations” ,

“Les arts de rue sont un créneau naturelle- ment ven- deur.”

Chalon dans la rue. Pour sa 20 ème édition, le festival de Chalon- sur-Saône a accueilli 250 000 à 350 000 personnes. (crédit photo François Ser- veau).

reprend l’administrateur. Pour lui, tout est question de temps. “Il faut de cinq à six ans pour avoir une idée de ce qu’a votre machine dans le ventre. Avant vous êtes tributaire de celle- ci, c’est elle qui vous tire” , reprend Laurent Bourde- reau.

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