La Presse Bisontine 71 - Novembre 2006

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Avant de se confronter au public, Samir retouche une dernière fois son texte.

meurs à écrire de la poésie ? Un Français sur trois écrirait épisodi- quement chez soi, affirment-ils. “On ne fait que sortir des tiroirs ce qui s’y trouve déjà” , affirme l’un d’eux. Le plus vieux de la soirée, ancien toxicomane, y voit un “exutoire, un vecteur pour pouvoir s’exprimer, de façon contestataire aussi.” Chantre d’une poésie humoris- tique et décalée, Romain, ancien étudiant en philosophie est passé par le slam, “par égoïsme. Je vou- lais un public pour pouvoir lire ce que j’écrivais, qu’on m’entende.” Les slameurs en tout cas font des émules. Affairé au bar, le serveur suit avec attention l’évolution des joutes poétiques. “C’est très varié. Des fois, tu vas ressentir soudain une affinité avec un des slameurs. Ses mots te parlent, tu te retrouves dans ce qu’il dit. Cela peut être fort” , explique-t-il. Lui n’a jamais cherché à participer pour le

étudiant. “Ailleurs, c’est vrai, c’est beaucoup plus mélangé. À Besan- çon, surtout, il n’a pas de côté inter- générationnel. C’est vrai qu’un soir de semaine, ce n’est pas évident pour les personnes plus âgées ou actives. Mais des mélanges, il y en a. Je ne suis pas sûr qu’un étu- diant en philo aurait rencontré un rappeur en dehors de ce cadre” , reprend Samir, 25 ans. Lui fait partie des rappeurs. “C’est com- me cela que je suis venu au slam, en écrivant des textes de chansons” , dit-il. Issu d’une famille où “on ne lit pas” , il s’est mis à l’écriture à 13 ans, “pour exprimer une frustra- tion. J’ai pas mal de textes assez colériques. En 1998, j’avais vu un reportage à la télévision sur le slam, rien n’existait encore à Besançon. Je me suis mis à écrire pour sla- mer chez moi. Je récitais dans ma chambre, devant ma glace. Quand une scène s’est formée, je l’ai rejoint tout de suite” , affirme le jeune hom- me, qui suit une formation d’édu- cateur en ce moment. Pour lui, le slam est une affaire sérieuse, avec un “côté physique, comme au théâtre” qu’il entretient. Qu’est-ce qui pousse autant de sla-

rire avec un texte halluciné sur la sexualité d’un personnage de ban- de dessinée. “Tintin voulait être une femme/et Black Milou le savait/ La sexualité de Tintin pre- nait des tournants que le pendule du professeur Tournesol aurait pu suivre…” , hurle-t-il sans rire. À chaque passage, la performance est applaudie - qu’elle soit réus- sie ou ratée. Il y a aussi “118”, une brunette qui étrenne son premier slam avec un texte sur l’amour, un homme un peu plus vieux, la trentaine, tremblant de tout son corps et le visage émacié, avec un texte imagé où il est question de suicide avorté. “Tout le monde va trouver un truc qui va lui plaire” , se félicite Samir.

Une scène bisontine essentiellement étudiante

moment. Pas par faute d’envie, plus par timidité. “Il faut oser lire ce qu’on a écrit devant un public. On se dévoile beaucoup.”

Mais contrairement aux scènes parisiennes, où l’on retrouve aus- si bien des retraités bercés de Pré- vert et des jeunes de tous hori- zons, le slam bisontin reste étonnamment jeune. Ici, tout le monde ou presque a moins de 25 ans, tout le monde ou presque est

caché derrière sa casquette rappe un manifeste pour la protection de l’envi- ronnement et la lutte contre l’effet de serre, un ancien étudiant à l’allure d’intello secoue la salle de

lée, Samir - dit Sam sur scène - l’un des piliers de la scène bisontine, se lan- ce dans un texte “mélan- ge d’un poème berbère et de ma propre composition.” Après lui, un autre jeune

lancé. On est loin de la récitation de poésie sco- laire. Certains lisent leurs textes, d’autres le disent de façon saccadée et en rythme, à la manière des rappeurs. Chemise bario-

Humour, diatribes rageuses scandées sur un rythme proche du hip-hop… Expression artistique libre par excellence, le slam peut prendre toutes les formes, au gré de l’humeur des slameurs.

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