La Presse Bisontine 71 - Novembre 2006

L’ÉCONOMI E

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T ENDANCE

+ 47 % de croissance au premier semestre L’e-commerce se développe à toute vitesse sur Internet

Depuis 2005, le commerce sur Internet est en pleine explo- sion. Ils sont 15 millions de Français à avoir effectué au moins un achat sur le Net. En Franche-Comté aussi des entreprises se sont engouffrées dans le filon.

“M algré la proxi- mité avec la fac et le centre-vil- le, je voyais l’ac- tivité décliner. Il n’y a pas d’autres issues que de se conso- lider avec d’autres moyens à notre disposition pour vendre. Et Internet en fait partie” , affir- me Hamid Kaighobadi, le res- ponsable de la librairie “À la page”, rue Ronchaux. Depuis un an, il a donc choisi de se diversifier. marchands et y écoule des “livres rares, de qualité.” Une activité qui lui permet demain- tenir sa boutique bisontine. “Ça demande de passer du temps bien sûr. Mais la grande diffé- rence, c’est que lorsque j’ouvre mon magasin, je dois attendre mon premier client. Alors qu’avec Internet, j’ai déjà des commandes quand j’arrive le matin” , reprend le libraire qui arrive à générer près de 1 000 à 1 500 euros de chiffre d’af- faires chaque mois rien que sur le site d’enchères Ebay. Les commerçants sont de plus en plus nombreux à se lancer dans la vente par Internet. Les chiffres, il est vrai, ont de quoi Ebay, Abebooks, Amazone, Price- minister… Le libraire est réfé- rencé sur cinq sites Internet

bisontines en ligne et une lis- te des ventes promotionnelles à Besançon. Une façon d’es- sayer de canaliser le flux géné- ré par le Net. Internet, un eldorado pour les commerçants traditionnels ? À condition de prendre ses pré- cautions. “Certains viennent à l’Internet avec une vision com- plètement déformée par les médias. Se dire je vais ouvrir ma boutique sur Internet avec peu de moyens et cela va faire du chiffre, je n’y crois pas. Si on veut avoir un vrai capital, il faut investir 70 % dans la com- munication et 30 % dans l’in- formatique, pour être perfor- mant” , reprend Claudiu Bischoff. Galeriste à Besançon, Jean- Marc Vuillemot est de cet avis. Il a lancé en 2003 sa boutique sur Ebay.fr, le site le plus fré- quenté de commerce en ligne. Un complément d’activité pour lui qui lui rapporte de 2 000 à 3 000 euros par mois environ. “Mais il faut encore enlever les frais. On ne peut pas en faire une profession. C’est forcément limité en chiffre d’affaires, limi- té en qualité de produit. Ce qui part ce sont de petits objets, des objets de brocante, pas trop chers. Donc pour réaliser du chiffre, il faut déjà réussir à vendre un certain nombre d’objets.” S.D.

faire tourner des têtes. Lors des six premiers mois de l’an- née 2006, les ventes enregis- trées sur les sites de commer- ce sur Internet ont enregistré un bon de + 43 % par rapport à la même période de l’année précédente. Selon la fédération des entreprises de vente à dis- tance, la Fevad, le chiffre d’af- faire des transactions sur le Net devrait dépasser les 10mil- liards d’euros à la fin de l’an- née et 20 milliards d’ici à 2008. brusque. Mais les gens ont com- pris que l’on pouvait générer un chiffre d’affaires sur Inter- net” , affirme Claudiu Bischoff, gérant de l’entreprise Idéa gra- phics qui crée des boutiques en ligne, implantée à Palente. Pour accompagner le dévelop- pement de l’Internetmarchand, sa société doit lancer dans les prochains jours un nouveau site bisontin - infobesancon.fr - qui devrait “recenser toutes les infor- mations sur les sorties bison- tines afin de générer une com- munauté avec son forum, son chat et sa web radio.” Un lien devrait ensuite permettre de rediriger les internautes vers les sites de vente des boutiques “Depuis 2000, on reçoit beaucoup plus de demandes pour des sites. Il n’y a pas eu de changement

“J’ai déjà des commandes quand j’arrive.”

Aucune réglentation claire régit ce nouveau phénomène.

I NTERVIEW

100 000 professionnels sur Ebay

“C’est un no man’s land juridique” Auteure d’un livre (*) sur le phénomène Ebay, le grand site d’enchères en ligne, Marie-Thérèse Chedeville travaille comme consultante dans l’élaboration de sites internet pour les grandes entreprises. Pour elle, Ebay ne joue pas le jeu.

L a Presse Bisontine : Le com- merce sur Ebay est-il juste un phénomène de mode ? Marie-Thérèse Chedeville : Non, sûrement pas. La croissance du nombre d’utilisateurs d’Ebay est vertigineuse. Surtout, ce n’est plus réservé aux jeunes, tout le monde s’ymet. Les gens se rendent compte qu’ils peu- vent gagner un peu d’argent et en même temps faire le vide chez eux. Quant aux profes- sionnels d’Ebay, il y en a là aus- si de plus en plus. Selon mon enquête, les professionnels ont dépassé les particuliers en termes de chiffre d’affaires. Ebay annonce environ 15 600 professionnels qui commercent sur son site. J’estime qu’ils sont plutôt près de 100 000 per- sonnes par an. L.P.B. : Qui sont-ils ? M.-T.C. : Il y a beaucoup de per- sonnes qui se sont improvisé brocanteurs sur Ebay, des femmes au foyer aussi qui s’y sont mis pour se faire un peu d’argent. On retrouve aussi des gens qui ont un commerce réel et ont trouvé plus commode de basculer sur Internet. Monter son business sur Ebay ne néces- site pas d’investissement. Cela permet de tester son marché, son produit, parfois avant de

aucun interlocuteur à qui vous plaindre. Ebay ne fait pas la police car la société considère que ce n’est pas son travail. C’est un outil fantastique à condition de savoir se prému- nir et acheter avec discerne- ment. L.P.B. : Le commerce en ligne est en plein essor ? M.-T.C. : Ça va aller crescendo. Mais si on veut vraiment vivre de ses ventes, il faut s’y consa- crer à plein-temps, c’est une activité consommatrice de temps. Il y a de plus en plus de sites marchands, plus de 6 000 actuellement. C’est faci- le, ouvert en permanence. Même les marques de luxe s’y mettent. Pendant longtemps, elles ont été rétives, parce qu’elles considéraient que le service apporté en boutique justifiait le prix pratiqué. Le résultat de leur absence, cela a été la vente de leur produit et de contrefaçon sur Ebay. Toutes désormais ouvrent leur boutique en ligne. Propos recueillis par S.D.

se lancer dans le monde réel.

L.P.B. : Rien n’est déclaré ? M.-T.C. : C’est le problème. Cet été a été mise en place une charte entre l’État et Ebay. Quand quelqu’un fait vraiment du business , il devrait recevoir une alerte l’incitant à se décla- rer en tant que professionnel. Mais c’est un leurre. Tant que les gens peuvent continuer à faire leur trafic sans être inquié- té, il n’y a pas de raison qu’ils se mettent sur le dos les impôts et les charges sociales. Inter- net est une zone de non-droit où on est à l’abri. C’est lamême question qui se pose en ce moment à propos d’Ebay et de la contrefaçon des grandes marques. Si Ebay avait vrai- ment la volonté, ce serait pos- sible de savoir exactement qui écoule des contrefaçons et y mettre un arrêt. Je ne crois pas à l’efficacité de leurs mesures. L.P.B. : Et concernant la protection des clients ? M.-T.C. : Même chose, c’est un no man’s land juridique. Il y a des personnes malhonnêtes et qui sont très actives souvent. Si vous vous faites piéger, contrairement au monde réel où vous pouvez vous retourner contre le vendeur, vous n’avez

Hamid Kaighobadi, le responsable de la librairie “À la page”, rue Ronchaux, référence ses livres sur Internet.

(*) “J’ebay, j’ebay pas”, aux éditions Léo Scheer

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