La Presse Bisontine 68 - Juillet-Août 2006

LE PORTRAIT

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P RESSE

Dessinateur pour “Mon Quotidien” Berth aux crayons Depuis quinze ans, Christophe Bertin, dit Berth, croque l’actualité chaque jour dans la presse, de “Mon Quotidien” au journal satirique “L’Écho des Savanes”. Après la polémique suscitée dans le monde par les caricatures

danoises sur l’islam, le dessi- nateur juge que la presse est désormais “frileuse.”

Pour Berth, “un bon dessin, c’est un dessin qui fait marrer. En tout cas, je n’ai pas envie de faire passer de message.”

L’ atelier a été aména- gé dans une pièce perchée de la mai- son, en plein centre de Besançon. Une table recouverte de planches de dessins, un fax et un ordina- teur. C’est le repère de Berth. Alias Christophe Bertin, pour les intimes. Profession : dessi- nateur de presse. Une dénomi- nation qui ne lui convient pas tout à fait. “Il n’y a pas grand- chose d’artistique dans ce que je fais et je ne me considère pas du tout comme un dessinateur. Dansma tour d’ivoire, avecmes crayons, je ne me sens pas l’âme non plus d’un journaliste. Je suis quelque chose de bâtard du personnage, à part entière. Une fragilité, une incertitude de soi, que le presque quaran- tenaire - il a 39 ans - cache der- rière l’humour et un air rieur. Adolescent, il rêvait de bande dessinée. “Àvie, ce sera une frus- tration” , regrette le dessinateur qui dit manquer de formation graphique. “Mais dès que j’ai une idée, je la rends toujours la plus concise, pour dire le maxi- mum en un dessin. L’inverse de la B.D.” Depuis quinze ans, ses petits bonshommes stylisés d’un gros trait noir se sont pourtant dou- cement fait une place au soleil. Tous les jours, c’est lui qui illustre les pages de “Mon Quotidien”, le journal écrit pour les enfants. entre les deux. Disons que dans “dessinateur de presse”, je suis le “de” , sourit Berth, en rallumant pour la sixième fois sa ciga- rette roulée éteinte. La modestie n’est pas feinte. Elle fait partie

Faire rire quitte à aborder des sujets polémiques, être sur la corde raide. Et l’équilibre est parfois précaire. La polémique autour des caricatures danoises sur l’islam, il y a quelquesmois, a secoué le petit monde des des- sinateurs de presse. Ces des- sins, Berth les a trouvés “vrai- ment mauvais.” Mais lemalaise est là. “On arrive à ne plus pou- voir rire de grand-chose. Il y a seulement vingt ans, “HaraKiri” faisait des chosesmille fois pires sur les noirs, les pédophiles… Et personne ne disait rien.Main- tenant, le moindre dérapage et c’est le procès. Les journaux sont devenus frileux. Dès qu’il y a une petite exception, les inté- gristes se ruent dedans” , dit-il. “Mais j’ai la chance de pouvoir dire ce que je veux, même si ces journaux ne font pas partie de la “grande presse.” Il regrette la frilosité des rédacteurs en chef. “Quand j’envoie un dessin et qu’ils me disent “On a bien rigolé mais on ne peut pas le publier” , çam’énerve. Est-ce que cela veut dire que les lecteurs sont moins intelligents qu’eux ?” Après la polémique danoise, un café de Belleville a voulu faire une exposition avec certains de ses dessins et d’autres sur la religion. Il a dû arrêter sous les menaces de représailles. Berth lui continue. Toujours dans le quotidien. Contrairement à d’autres, il n’a même pas cher- chéà fairede livre. “Çame gênait, l’idée qu’un livre qui reste. Dans le journal, cela passe vite. C’est ce qui est rigolo, Il faut deux secondes au lecteur pour lire, comprendre un dessin et l’ou- blier. Et puis on recommence le lendemain.” S.D.

Une douzaine de saynètes dans chaque numéro, sur tous les thèmes imaginables, qu’il envoie invariablement par fax à 14 heures, à la rédaction pari- sienne. Le Bisontin pur souche - né dans la Jura, il a toujours vécu dans la capitale comtoise - quitte rarement son nid. À 20 ans, poussant sa chance, il a pris le train pour Paris, car- ton à dessins sous le bras. Il est revenuaubout de quelquesmois, dépité. Depuis, il travaille à domicile, loin du microcosme. “De toute manière, je passe mon temps penché sur ma table à dessin. À Besançon ou à Paris ne change pas grand-chose. On est pas mal en province” , ajou- marseillais. Éclectique. Mais le but est toujours le même, “fai- re marrer le lecteur” , sa seule prétention, tourner en dérision l’actualité, quitte à être un peu vachard si nécessaire. “Un bon dessin, c’est un dessin qui fait marrer. Pas forcément de bon- ne foi d’ailleurs. En tout cas, je n’ai pas envie de faire passer de message, le but c’est le déca- lage” , dit-il encore. Il ne “fait pas du Plantu” , qui officie tous les jours à la une du Monde. Pas plus qu’il ne fait de poli- tique avec son crayon, façon Charlie Hebdo. “Il ne faut pas réduire tous les dessinateurs à cela. Mon but, ce n’est pas de jouer au gauchiste dénoncia- teur” , ajoute-t-il. te Berth. Dans un autre registre, le des- sinateur collabore aus- si à “L’Écho des Savanes”, “Spirou”, “Les cahiers du foot”, “La Revue des parents” et “C.Q.F.D.”, un journal satirique

730 émissions animées en quinze ans.

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