La Presse Bisontine 67 - Juin 2006

11 LE DOSSIER

F INANCEMENT “Hôpital 2012” ? 124 millions pour financer la remontée

L es neuf lots soumis à l’ap- pel d’offres dont le résul- tat sera connu à la mi- juin sont chiffrés à 124 millions d’euros. Selon l’hypothèse optimiste et le discours offi- ciel de la direction générale du C.H.U., “à moins que les lots principaux comme le gros œuvre par exemple s’avèrent infructueux, on signe les mar- chés mi-juin. Commence alors une phase de préparation du chantier pendant 6 mois, avant de pouvoir entamer le début des terrassements. Selon ce scénario, les premiers coups de pioche doivent être don- nés fin 2006. Et fin 2010, tout ce qui doit être transféré sera transféré.” Afin de limiter les risques, les travaux du nou- veau Saint-Jacques ont été réduits à 9 maxi-lots (au lieu d’une trentaine), en regrou- pant certains corps de métier, cela pour “minimiser les risques d’appels d’offres infruc- tueux.” Après 2010, l’objectif du C.H.U. est de “quitter totalement le site de Saint-Jacques. Tous les services déménageront.” Mais la deuxième priorité après 2010, c’est le transfert des laboratoires qui sont enco- re sur le site de l’Arsenal (fac de médecine). À terme, le C.H.U. libérera intégralement le centre-ville (Saint-Jacques et Arsenal) et vendra l’inté- gralité de son patrimoine immobilier. Le calendrier officiel de la remontée

de la remontée de Saint- Jacques ne tient-il pas comp- te des autres travaux qu’il sera nécessaire d’engager soit en parallèle, soit dans la conti- nuité. Le plan de rénovation de l’actuel hôpital Minjoz (30 millions d’euros), les tra- vaux des laboratoires de bio- logie (20 millions), la remon- tée des services administratifs (10 millions). Entre autres. Mises bout à bout, les dépenses nécessaires pour mettre tota- lement à niveau le site de Jean- Minjoz d’ici l’année 2017 sont estimés à…464,5millions d’eu- ros ! J.-F.H.

loppe de 3,1 millions d’euros par an, versés à partir de 2002 en prévision de ces travaux. C’est la fameuse “enveloppe Paulette Guinchard-Kunstler” puisque c’est la députée du Doubs qui avait contribué à l’obtenir alors qu’elle était secré- taire d’État aux personnes âgées au sein du ministère de la Santé. En plus, le C.H.U. a obtenu un complément de financement au titre du plan gouvernemental “Hôpital 2007”, versé à partir de cette année, 1,7 million d’euros par an pen- dant 20 ans. “Une partie du transfert de Saint-Jacques est également financée sur notre base budgétaire annuelle. Tous

ces crédits mis bout à bout nous permettent de faire face aux travaux…avec des coûts de tra- vaux à valeur d’aujourd’hui” ajoute M. D’Attoma. Ce beau scénario risque pour- tant de s’obscurcir à partir de 2010. La direction financière avoue en effet que “nous aurons certainement des problèmes de financement des amortisse- ments à partir de 2010.” Le C.H.U. compte sur un hypo- thétique plan “Hôpital 2012” pour assurer le plan financier. “Le ministère de la Santé nous a dit que ce plan “Hôpital 2012” serait annoncé d’ici la fin de cette année.” Aussi ce plan de financement

La direction assure que le financement de la remontée de Saint-Jacques est garan- ti. Tout en avouant que des problèmes pourraient se poser après 2010.

L e directeur financier du C.H.U. est formel : “Les travaux eux-mêmes du transfert de Saint- Jacques à Minjoz dont le coût est estimé à 124 millions d’eu- ros, sont d’ores et déjà autori- sés et validés” affirme Franck D’Attoma. “On s’est aperçu que le fait de retarder certains trans- ferts de services, ça aurait coû-

té presque aussi cher au final que ce que ça aurait rapporté en termes d’économies réali- sées, c’est pour cela que l’on transfère toutes les activités cli- niques d’un seul coup” ajoute le directeur financier. Pour financer la remontée de Saint-Jacques, le C.H.U. a obte- nu plusieurs garanties, dès 2002. Notamment une enve-

A DDITION Une facture totale évaluée à 464,5 millions d’euros L’arbre de la remontée cache la forêt

des dépenses Derrière le discours officiel, il y a les craintes concernant le financement du programme et toutes les dépenses pas encore finan- cées. Les syndicats estiment qu’il manque 142 millions d’euros pour bien faire.

D ans un document interne au C.H.U., destiné au dernier conseil d’administra- tion de l’établissement de soins, il est stipulé que “l’évolution de la situation budgétaire pour- rait peser sur les investisse- ments dès 2007. Avec pour conséquence un accroissement notable de l’endettement.” Aus- si étonnant que cela puisse paraître, le discours n’émane pas de quelque syndicat alar- miste mais de la direction elle- même… Par cette confession, elle avoue, impuissante, que le plan général de financement pluriannuel n’est plus financé après 2009. Ces incertitudes ne manquent pas d’inquiéter les syndicats hospitaliers qui craignent car- rément la remise en cause pure et simple de la remontée de Saint-Jacques à Minjoz. En mars 2003, le coût de la remon- tée avait été évalué par les Domaines à 79,42millions d’eu- ros hors taxes. En actualisant le programme à valeur de sep- tembre 2005, il est de 86,66mil- lions. Mais c’était sans comp- ter le surcoût lié à la mise en conformité et à l’harmonisa- tion de l’ensembleMinjoz-Saint- Jacques, d’où le chiffrage revu à la hausse par la direction. Mais le plan pluriannuel d’in- vestissement, établi jusqu’en 2017, dépasse largement les 124 millions finalement néces- saires pour financer la remon- tée. Pour mettre à niveau inté- gralement l’établissement de soins régional, d’importants

travaux seraient nécessaires. Mis bout à bout, ils atteignent la somme faramineuse de 464,5 millions d’euros. Car au fil des ans, de nouvelles contraintes viennent s’ajouter aux premières. Exemple : une récente réglementation de décembre 2004 oblige les hôpi- taux de la taille de Minjoz à une nouvelle mise en sécuri- té : détection incendie, créa- tion d’un P.C. sécurité, cen- tralisation des alarmes, compartimentation des étages et des ailes du bâtiment, etc. Coût de cette mise en sécuri- té : 31 millions d’euros. Autre projet imposé : la mise aux normes de l’hélistation, à laquelle le C.H.U. ne pourra pas échapper non plus. Fac- ture : 1,8 million. Ou encore la mise en sécurité électrique pour 10 millions, l’amélioration des réseaux de télécommunication pour 2,5 millions, l’extension de la crèche (118 000 euros), le remplacement du matériel et l’acquisition d’équipements nouveaux (46 millions), etc. Parmi ces travaux listés dans le plan pluriannuel d’inves-

La liste des autres investisse- ments à réaliser est longue, notamment à Minjoz, hôpital construit en 1982.

de Saint-Jacques soit totale- ment opérationnelle” prévient Vincent Maubert, représen- tant du personnel et membre du conseil d’administration du C.H.U. Dans la préparation du plan pluriannuel d’investissement, quelques variantes ont bien été étudiées pour faire baisser la facture finale. Parmi les pos- sibilités, prévoir moins de réno- vation sur Minjoz par exemple. Mais le cumul des 6 variantes envisagées ne permettrait d’éco- nomiser, selon les documents officiels de la direction, que 6,6 millions d’euros par an. Bien insuffisant. “Nous sommes

C ONSEIL D ’ ADMINISTRATION Le 11 mai dernier Le budget 2006 voté dans la douleur

des recettes et dépenses) qui oblige les hôpitaux à solder immédiatement leur déficit. Cette mesure annule de fait, le plan de retour à l’équilibre que l’A.R.H. avait accordé au C.H.U. Minjoz jusqu’en 2008. Au final, les 7,3 d’euros de déficit qu’il restait à solder doivent être remboursés dès cette année. Ce qui explique le déficit total affiché dans le budget 2006 de 13,3 millions d’euros. En définitive, le budget 2006 a été approuvé sur cette base, mais les membres du conseil d’administration ont obtenu de l’A.R.H. que soit inscrite sur la résolution de budget, une demande de 4 millions d’euros supplémentaires pour soutenir les efforts du C.H.U. dans son souci de retrouver l’équilibre financier.

Il aura fallu toute une après-midi et des suspen- sions de séance ce jeudi 11 mai, mais finalement, le conseil d’administration du C.H.U. bisontin a validé le budget 2006 de l’hôpital, un budget affi- chant un déficit de 13,3 millions d’euros.

L ourdement pénalisé par un déficit qui attei- gnait 15 millions d’eu- ros il y a deux ans, ce qui avait valu à l’époque la création d’un collectif de sau- vetage du C.H.U., l’hôpital avait pourtant bien redressé la barre. Le redressement avait été spectaculaire, grâce à deux éléments essentiels : un reba- sage décidé par l’A.R.H. de 4 millions d’euros en base pérenne et 6 millions versés une seule fois, ainsi que la mise en application de la nou- velle tarification à l’activité,

censée rééquilibrer la donne entre les hôpitaux sous-dotés (comme Besançon) et les éta- blissements les plus riches. Fin 2004, le C.H.U. avait signé un plan de retour à l’équilibre, obtenant une garantie de l’A.R.H. de verser à l’hôpital 2 millions d’euros par an jus- qu’en 2008. Mais ce report de charges accordé au C.H.U. a volé en éclat récemment suite à la mise en place d’un nouveau système budgétaire imposé par le gouvernement : l’E.P.R.D. (État prévisionnel

tissement n’est pas prévu par exemple le ravalement de la façade décrépie de l’hôpital Min- joz qui nécessite- rait encore de coû- teux traitements

L’acquisition d’équipements

confrontés à une insuffisance de moyens produite par la nécessaire mise en sécurité de Minjoz” résume

nouveaux : 46 millions.

Vincent Maubert, plutôt pes- simiste sur le respect des délais annoncés pour le transfert de Saint-Jacques. J.-F.H.

antifongiques. “Nous estimons que les surcoûts non financés atteignent 142 millions d’eu- ros. Il manquera donc cette somme pour que la remontée

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