La Presse Bisontine 65 - Avril 2006

LE PORTRAIT

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B ESANÇON

Il enchaîne les expériences

Bisontin “et fier de l’être” , le jeune hom- me exporte son savoir-faire en matière de cuisine au gré de ses envies de voyages. De retour en France, il peaufine son par- cours professionnel en fréquentant les établissements gastronomiques les plus divers. Parcours d’un jeune homme qui ne considère pas le travail comme une contrainte. Une denrée rare à cet âge-là ? Matthieu Engel, globe-trotter de la restauration

O n peut avoir 25 ans et ne pas compter ses heures au travail. À une époque où le loi- sir tend à remplacer le travail dans les valeurs “tendance”, au moment où les jeunes actifs sont parfois plus prompts à cal- culer leurs heures plutôt que de s’impliquer dans leur job sans compter, Matthieu Engel prend à contre-pied les clichés les plus répandus sur cette jeu- nesse décrite comme oisive, passive et mollassonne. Le quart de siècle à peine atteint, le Bisontin a déjà un C.V. d’adulte. Il faut dire qu’il a commencé tôt. Pas du genre Besançon pour découvrir les métiers de l’hôtellerie. Ça a été le déclic” raconte-t-il. Matthieu Engel embraye logiquement par une formation profession- nelle au lycée Condé, spéciali- té cuisine. “Après ce B.E.P., j’avais tout de même l’impres- sion de manquer de pratique. J’ai voulu enchaîner sur un brevet professionnel par alter- nance.” Direction Montfaucon, où le chef du restaurant la Chemi- née accueille l’apprenti cuisi- nier pour deux ans. Il y fait ses classes, apprend les rudiments du métier, y prend résolument goût. Mais à 18 ans, on a for- cément la bougeotte. “Je vou- à user ses fonds de culotte sur les bancs d’une faculté, il découvre vite quelle sera sa vocation. “En classe de troisième, j’ai eu l’occasion de faire un stage dans un petit restaurant de

lais vraiment partir de Fran- ce et découvrir autre chose. Ma motivation première était de voyager. On m’aurait proposé une place en Allemagne de l’Est, j’y serais allé !” plaisante le jeune homme. Après avoir pris connaissance d’une annonce, il prend la des- tination de Birmingham, au centre de l’Angleterre. “Je savais à peine dire bonjour en anglais.” Il aura la chance de tomber sur une brasserie gas- tronomique tenue par Ray- mond Blanc, un chef double- ment étoilé originaire de Saône, star française de la cuisine outre-Manche. Affecté à la brigade d’une vingtaine de per- sonnes en cuisine, j’ai beau- coup appris là-bas grâce à cet- te émulation.” Après une dizaine de mois “épuisants” , Matthieu décide de changer d’établissement. Quelques mois plus tard, la nostalgie de Besançon le pous- se à traverser le Channel dans l’autre sens et regagner sa vil- le d’origine. Il est embauché au Mungo Park. “Deux ans absolument fantastiques où j’ai bénéficié d’une excellente for- mation.” C’est là que Matthieu aura les premiers apprentis sous ses ordres. Il prend de l’assurance et termine chef de partie. La bougeotte ne le quit- pâtisserie, il apprend vraiment les exi- gences du métier. “Nous faisions 2 500 couverts par semaine, uniquement à base de produits frais. Je fai- sais 70 heures par semaine. Il y avait une

L’amour du travail bien,

à 25 ans, ça existe.

Le Bisontin vient de démarrer un nouvel emploi dans un restaurant chic de la Côte d’Azur.

re “y rester environ deux ans. Je n’ai pas encore l’âge de me fixer, j’ai encore beaucoup à découvrir.” Son prochain rêve ? “Repartir à l’étranger pour une nouvelle expérience professionnelle, peut- être au Canada, aux États-Unis ou en Australie.” Matthieu ne rêve pas “de devenir un chef célèbre. Je ne veux pas être un Ducasse, c’est trop de soucis, je veux simplement bien faire mon métier dans de beaux établis- sements.” L’amour du travail bien fait à 25 ans, ça existe. Bien sûr il y a les contraintes, “on travaille pendant que les

Autre pays, autres méthodes où les gens “qui en veulent” sont accueillis à bras ouverts. Matthieu passera un an et demi sur l’île britannique à peaufi- ner sa cuisine et son anglais. Mi-mars, le Bisontin décide de revenir en France. Moins d’une semaine après son retour, le voilà déjà happé par l’envie d’avancer. Il vient d’accepter un nouveau contrat chez un étoilé Michelin de l’arrière- pays varois. Il aura suffi d’en- voyer quelques fax pour avoir plusieurs réponses positives en quelques heures… À La Cadière-d’Azur, Matthieu espè-

tant pas, Matthieu Engel met le cap au Sud. Il intègre l’ab- baye de Sainte-Croix, un “Relais et Châteaux” situé vers Salon- de-Provence. “J’ai fait une sai- son, le temps de m’imprégner de la richesse de la cuisine médi- terranéenne.” Nouvelle envie d’ailleurs, ce sera l’Irlande cette fois-ci où le jeune cuisinier ajoute un galon de plus à son expérien- ce déjà solide. “J’ai fait appel à une agence de placement anglaise. Je leur ai envoyé un e-mail . Le jour même, j’avais une réponse pour un restau- rant gastronomique de Dublin.”

autres s’amusent, on a des horaires à rallonges, on n’a pas de soirée” , mais l’amour du métier prend vite le dessus. “Je crois que si on me propo- sait un boulot à 39 heures par semaine, je refuserais, ce n’est pas assez !” oseMatthieu Engel, qui décidément passerait presque pour un anticonfor- miste aux yeux de la majorité de ses contemporains. “En plus, si j’étais aux 35 heures, je dépen- serais trop de sous !” termine- t-il. Ouf, ce garçon est bien de son époque… J.-F.H.

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