La Presse Bisontine 65 - Avril 2006

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Hammouch, Hakim et Abdelhamid. Arrivés il y a trois ans à l’université, les trois étudiants algériens reconnaissent avoir connu quelques galères. Pour le logement notamment.

plus parler. Depuis déjà plusieurs mois, elle fait office à chaque réception d’une déléga- tion chinoise dans la région de traductrice et d’interprète. “Mais il n’y en a pas encore assez en Franche-Comté” , regrette la jeune femme. Même si les étudiants d’origine africaine res- tent majoritaires - ils représentent 65 % des étrangers à l’Université -, les Chinois sont de plus en plus nombreux. En 2006, ils sont 240 à avoir choisi Besançon. Débarquée l’an- née dernière de Shanghai, Jin Qiu a d’abord pensé un temps partir aux États-Unis avant de choisir la France et Besançon, “parce que le C.L.A. était connu.” Designer de sites web et professeur de calligraphie en Chine, la jeu- ne femme suit désormais des cours d’histoi- re de l’art après six mois d’apprentissage intensif du français au centre de linguistique appliquée. Histoire de changer d’orientation. La jeune chinoise souriante est venue avec un but en tête : apprendre les techniques de restauration du papier. “Ce qui me fascine ici, c’est que les Français protègent beaucoup de choses, les monuments, la culture. En Chi- ne, on ne pense jamais à cela. On n’a pas le temps, il faut gagner de l’argent” , affirme-t- elle soudain plus grave. Amoureuse de Besançon, “une ville calme où on peut prendre le temps de regarder le ciel et de penser. Ça me ressource” , Jin Qiu est une fervente militante des échanges univer- sitaires internationaux. “C’est en partant que tu peux comprendre le mode de penser des autres, changer toi-même. Même si ce n’est pas toujours facile, tu progresses, dit-elle. Et pour les étudiants bisontins aussi c’est un atout d’avoir un brassage au sein de l’uni- versité. Car même si ce n’est pas toujours faci- le de communiquer, mes camarades de pro- mo apprennent aussi un peu de la culture chinoise en me côtoyant.”

Dans un contexte de compétition internatio- nale accru, le rayonnement est désormais devenu un enjeu majeur pour les universités françaises. Comme Lili, ils sont chaque année un peu plus de 3 000 étudiants étrangers de 126 nationalités différentes à venir étudier à l’Université de Franche-Comté, l’espace d’une année parfois ou pour toute leur sco- larité. Et leur nombre est en forte augmen- tation depuis cinq ans, passant de 10 % de l’effectif total de l’Université en 2001 à 15 % actuellement. Dans le même temps, 2 000 stagiaires pas- sent au sein du renommé centre de linguis- tique appliquée, le C.L.A. “Et pour Besançon, c’est un atout. Car souvent les étudiants qui sont venus en France, font ensuite partie des élites de leur pays d’origine, comme le prési- dent Wade du Sénégal, qui a été formé à Besan- çon. On devrait jouer même davantage sur le réseau des anciens du C.L.A. pour le rayon- nement de la ville sur le plan international” , affirme un élu de l’opposition municipale. Lili en troisième année de thèse en langue fran- çaise en est l’exemple. De ses débuts, “très difficiles, je ne comprenais rien” elle ne veut

Dissimulée derrière son béret rose pâle, la jeune fille est un peu intimidée. Mais quand il s’agit de raconter son expérience françai- se, elle devient volubile, bavarde presque. On l’appellera Lili, elle ne veut pas donner son vrai nom. Professeur d’anglais à l’université en Chine, elle a décidé en 2002 de reprendre ses études en France pour se mettre au fran- çais. Et a atterri à Besançon. “Le destin et le hasard. Je voulais partir à l’étranger pour apprendre une langue, sans trop savoir laquel- le. À ce moment-là, une délégation venue de Franche-Comté - qui est jumelée avec ma pro- vince, le Anhui - a visité mon université. C’est là que je me suis dit : pourquoi pas essayer la France” , raconte-t-elle. Vue de Chine, l’image de la France, “c’est vague. C’est un pays romantique, les filles sont jolies, la cuisine est bonne. L’art et la lit- térature sont très connus. Par contre, la géo- graphie française, ce n’était pas très concret pour moi” , avoue-t-elle en riant. Alors au moment de choisir sa destination finale, la jeune chinoise s’est souvenue de la déléga- tion franc-comtoise rencontrée en Chine. Et a mis le cap sur Besançon et son université.

Alpha Cissé a créé une association de l’étudiant guinéen. “On peut orienter les étudiants dans leurs démarches. ça motive les gens à venir aussi”, dit-il.

l’Algérie” , reconnaît Ham- mouch. Tous les trois, ils ont connu les galères de la vie pas toujours rose des étudiants étrangers. Le problème du logement en particulier. “Dans le parc pri- vé, on te demande d’avoir une personne qui se porte caution. Mais quand tu es étranger, tu ne peux pas. Sinon, il faut payer une année complète de loyer en avance. Quand tu viens par tes propres moyens, sans être bour- sier d’État, c’est difficile” , reprendAbdelhamid, l’étudiant en maîtrise de psychologie. Lui a attendu trois mois, en logeant chez un ami, avant qu’une chambre du C.R.O.U.S. ne se libère. Il y a aussi la ques- tion des stages, obligatoires dans la scolarité, “mais beau- coup plus durs à trouver que les étudiants français.” Mais reprendAbdelhamid, “tout n’est pas négatif. Besançon, c’est quand même une ville vrai- ment sympa et verte. On s’y sent bien.” S.D.

association, il a mis en place un tournoi de foot internatio- nal - le prochain doit avoir lieu début avril. Depuis son arri- vée, une coopération s’est ins- taurée entre l’université gui- néenne et celle de Besançon. Parce que la première n’avait jusqu’à présent pas de troi- sième cycle, des universitaires bisontins sont partis le créer de toutes pièces sur place. Résultat. “En 2001, on était à peine 10 étudiants à venir de Guinée, maintenant, on est une cinquantaine. Ça a beaucoup augmenté” , se félicite-t-il. À côté de lui, Hammouch, Hakim et Abdelhamid sont tous trois étudiants algériens. En électronique, psychologie et sciences du langage. “Ter- miner sa formation en Fran- ce, c’est important. Ça permet d’avoir un diplôme beaucoup plus reconnu au niveau inter- national et d’améliorer son niveau. Parce que dans le domaine de la technologie, la France est quandmême devant

Le visage rieur, Alpha Cissé est lui originaire de Guinée. En thèse de sociologie, il avait d’abord choisi de venir étudier à Toulouse, “où j’avais déjà des amis.” Mais l’explosion de l’usi- ne A.Z.F. à l’automne 2001 a forcé l’université à reporter la rentrée universitaire. “J’avais aussi fait une demande à l’uni- versité de Besançon, parce qu’un de mes profs m’en avait parlé. Comme j’étais aussi accepté ici et que je ne voulais pas perdre de temps à attendre l’ouvertu- re de la fac de Toulouse, je suis venu en Franche-Comté. Ça s’est bien passé et ça m’a don- né le courage de rester” , confie- t-il en riant, attablé devant son plateau au restaurant uni- versitaire Canot. Depuis, il a fondé l’association de l’étudiant guinéen. “Avec pour projet au départ de faire un journal. Ça n’a pas mar- ché. Mais on peut orienter les étudiants qui arrivent dans leurs démarches, on les encou- rage. Ça motive les gens à venir aussi” , explique-t-il. Avec son

Professeur de calligraphie en chine, Jin Qiu veut apprendre les techniques de la restauration d’art. Pour elle, la présence d’étrangers à l’université “est un atout aussi pour les étudiants bisontins.”

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