La Presse Bisontine 64 - Mars 2006

L’ÉCONOMI E

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O PTIQUE

28 opticiens à Besançon Vieillissement de la population, engouement de la mode pour les lunettes, le mar- ché de l’optique se porte plutôt bien. Pas moins de 28 opticiens sont installés à Besançon. Mais le marché est au bord de la saturation. Les lunettes accaparent la Boucle Des marges qui restent importantes malgré la guerre des prix D euxième oumême troisième pai- re gratuite. Les enseignes riva-

lisent de promotions et de prix cas- sés pour attirer le client. Ce qui ne les empêche pas de réaliser des marges confortables. “C’est unmar- ché intéressant, avec des marges plus que correctes, ce qui explique que beaucoup de groupes financiers s’y pressent et y investissent” , affir- me une opticienne. Sur les montures premiers prix, la marge dépasse cinq ou six fois le prix. “Avec des produits achetés à 2 ou 3 euros au fabricant, revendus 45 euros.” Des marges qui sont un peu moins élevées - de deux à trois seulement - avec les montures de marques. Pour acheter aussi bon marché, la plupart des enseignes ont recours, comme la fonder leur structure d’achat. Mais entre produits importés à très bas prix d’Asie et montures fabriquées en France, la différence de qualité peut être importante. Difficile pour- tant pour le consommateur de s’y retrouver. “Le problème dumarché, c’est que le client ne sait pas ce qu’il achète. Quand vous achetez une voi- ture, vous avez des critères de qua- lité, vous allez choisir une marque de fabricant, explique Henry Saul- nier. Quand la seconde paire est à 1 euro, elle ne peut pas être de la même qualité que la première. La lunette, ce n’est pas une pizza. Et pourtant il y a de plus en plus de consommateurs qui le réclament, comme un dû.” ■ La différence de qualité peut être importante. grande distri- bution, ont des centrales d’achat. Une pratique imitée par les indé- pendants, dont 1 200 se sont regroupés pour

R ue de la République, en plein cœur de la Boucle. Avec sa devanture flambant neuve, Optical Center est le der- nier opticien arrivé. L’en- seigne, qui possède déjà un magasin dans la zone de Châteaufarine, est implantée depuis début janvier seu- lement au centre-ville. Sur un péri- mètre de 500 mètres, entre la rue des Granges et la Grande rue, ils ne sont pas moins de quatorze opticiens. Une petite trentaine dans l’ensemble de Besançon. “Le nombre de magasins n’a pas forcément explosé ces dernières années. Mais on nous voit surtout plus qu’avant, car les magasins d’op- tique ont tendance à s’installer dans les endroits les plus visibles et dans des surfaces plus importantes” , nuan- ce Jean-Albin Brandon, le gérant des magasins Optical Center sur Besan- çon. “Cela donne l’impression aux gens qu’il n’y a que des banques et des opticiens. Mais il y a encore de la place pour de nouveaux magasins.” Le phénomène n’est pas typiquement bisontin. AlainAfflelou, Grand Opti- cal, Krys… Les grandes enseignes du secteur rivalisent de locaux tou- jours plus grands. Et toujours plus nombreux. Un marché au bord de la saturation ? Si les opticiens se livrent une telle guerre, c’est que le marché en vaut la peine. “En moyenne, le marché est constant, il peut atteindre + 4 % de croissance par an” , reprend Jean-Albin Brandon, qui prévoit un chiffre d’affaires d’1 million d’euros par an. Car près d’un Français sur deux por- te aujourd’hui des lunettes. Avec un panier moyen par personne de 260 euros par an, selon l’union nationa- le des opticiens. Chez une population vieillissante et donc de plus en plus massivement touchée par la presby- tie, le nombre de personnes ayant besoin de lunettes augmente. Dans

Pour Rachel Hédou, indépendante, “il faut essayer de cibler une niche précise.”

enfants, par exemple” , poursuit-elle. Bernard Chevassus, lui, a pris le vira- ge de l’optométrie, un examen de la vue qui permet de vérifier et d’éta- blir la correction nécessaire de verres. Sans passer par l’ophtalmologue. “Chez certains ophtalmologues, il faut compter de trois à dix mois d’atten- te. Et la situation risque d’empirer avec 50 spécialistes formés par an alors qu’il en faudra 300 en France pour couvrir les besoins” , reprend l’opticien qui compte sur le dévelop- pement de la pratique de l’optomé- trie dans les années à venir, comme cela est déjà le cas dans d’autres pays européens. Et à long terme, il se montre confiant pour l’avenir des indépendants. “Je pense que les mar- chands de lunettes vont s’épurer d’eux- mêmes, par la force des choses. Car à force de jouer sur le prix en per- manence, on finit par trouver plus fort que soi” , affirme-t-il. Les grandes manœuvres de l’optique ne font que commencer. ■ S.D.

la surenchère de pub.” Face aux grandes enseignes - qui toutes achètent par l’intermédiaire de centrales d’achat -, les indépen- dants ont parfois du mal à résister. Ils ne sont plus qu’une demi-douzai- ne dans la Boucle. “On ne peut pas se battre avec les mêmes armes. Si on essaye de se battre sur le prix, on est condamné. Il faut essayer de cibler une niche précise, se différencier par rapport aux grosses enseignes. Et il y a encore de la place, car l’offre est finalement très uniforme à Besançon. Même si les opticiens ne manquent pas, on retrouve partout les mêmes marques, les mêmes produits” , juge Rachel Hédou, qui possède avec son mari deux magasins au centre-ville, rue Moncey et rue Morand. Elle s’est spécialisée dans les montures de luxe, certaines paires montent jusqu’à 500 euros. Ses deux points de vente devraient prochainement être réunis dans un seul magasin, toujours au centre-ville. Plus grand. “Mais d’autres niches restent encore à prendre. La lunette de sport ou les gammes pour

ne s’explique pas pourquoi le marché se maintient, même si c’est une bon- ne chose. Mais on a tout lieu de pen- ser que cela va finir par se tasser et même peut-être brutalement.” Et l’as- sociation professionnelle se dit “sur- prise, comme beaucoup d’observateurs de la multiplication des points de ven- te. Cela fait plusieurs années que l’on se dit que le marché va être saturé.

le même temps, la mode s’est emparée des montures et en a fait un accessoire tendance indispensable. Et que l’on change donc plus régulièrement qu’aupara- vant pour suivre les styles. Mais pour certains, ces explications ne suffisent pas pour expliquer la bon- ne santé du secteur. Et lais-

Mais sur le terrain, on conti- nue à observer des ouver- tures de nouveaux maga- sins.” Un constat partagé par Ber- nard Chevassus. Installé depuis 1963 au centre-vil- le, l’opticien a été le témoin de l’explosion du nombre de magasins et de l’arrivée des “marchands de

“Arrêter de dire que l’optique est un secteur miracle.”

lunettes” , tels qu’il appelle les grandes franchises. Et pour lui, “il faut arrê- ter de dire que l’optique est un sec- teur miracle en plein boom . Çamarche correctement, mais on n’est pas sur un phénomène de développement. À Besançon, le marché est saturé. D’où

sent perplexes certains profession- nels de l’optique, moins optimistes. “Maintenant, le phénomène de mode qui a entouré les lunettes est absor- bé. Et le papy boom est déjà bien avan- cé, analyse Henry Saulnier, président délégué de l’union des opticiens. On

Les grandes enseignes nationales sont pratiquement toutes présentes sur Besançon.

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