La Presse Bisontine 64 - Mars 2006

13 LE DOSSIER

D ÉRIVES

Thérapie énergétique Les nouvelles dérives sectaires

Médecin généraliste bisontin, Jean-Marc De Sède tra- vaille depuis une dizaine d’années sur la question des mouvements sectaires. La frontière entre sectes et médecine serait de plus en plus floue.

L a santé, la réussite sociale et le bien- être. Voilà le terreaumoderne sur lequel pousse tous azimuts, une myriade de pratiques situées aux confins de la médecine. Les grandes sectes des années 70 - Moon, Kishna, Enfants de Dieu… -, souvent basées sur la vie en communauté, laissent place à des mouvements placés à la frontière entre médecine et charlatanisme. Selon le docteur Jean-Marc De Sède, les sectes traditionnelles où “on vivait en communauté dans un château isolé” , laissent place à “une multitude de petits mouvements totalement imbriqués dans la société, qui gravitent dans les domaines de la santé, de la réussite sociale et du bien-être. Elles sont beaucoup moins visibles, plus restreintes et jonglent avec les phé- nomènes de maîtrise de soi et d’amélioration des performances. À leur tête, il y a parfois de véritables petits gourous.” Exemple de ces mouvements non reconnus par la médecine : la kinésiologie, une mouvance qui se qualifie de “thérapie énergétique”. “Cet- te discipline prétend découvrir le diagnostic d’une maladie à la tension musculaire de la personne” explique le Dr De Sède. Des cabi- nets de kinésiologie existent désormais à Besan- çon. Apparue aux États-Unis dans les années soixante, la kinésiologie repose sur le concept d’énergie vitale. Elle délivre des prestations très coûteuses présentées comme qualifiantes par leurs promoteurs. À plusieurs reprises, la mission interministérielle chargée de la vigi- lance et de la lutte contre les dérives sectaires a appelé l’attention sur la kinésiologie.

La théorie des “enfants indigos”, développée par la secte Kryeon, est quant à elle censée “détecter l’aura de la personne. On est tous sup- posé avoir une couleur d’aura différente. Si la couleur de l’aura est indigo, on est d’origine divine selon cette méthode. Et les enfants indi- gos seraient des enfants incompris que l’on trou- ve parmi les hyperactifs. D’après cette secte, il est donc conseillé de les sortir du milieu édu- catif car ils appartiendraient à une élite” explique Jean-Marc De Sède. Cette dernière théorie commence à arriver dans l’Est de la France, notamment à Grenoble et à Lyon. L’un des dangers liés à la prolifération de ces théories, c’est qu’elles s’immiscent jusqu’au cœur du système de santé “officiel”. Jean-Marc De Sède a eu l’occasion de faire “une conféren- ce à l’école d’infirmières de Besançon. Je m’aper- çois que certaines personnes peuvent être très réceptives à ces discours.” La méthode Hammer, autre thèse qui remet en cause les thérapies médicales traditionnelles va jusqu’à prôner, pour les cancéreux par exemple, l’abandon total des soins prodigués. Selon nos informations, certains personnels - non médicaux - du C.H.U. Minjoz, prôneraient cette méthode Hammer au sein de l’établisse- ment hospitalier bisontin. D’autres mouvements en vogue comme la psy- cho-généalogie ou l’énergochromokinèse doi- vent faire l’objet de la plus grande prudence. Ces méthodes coûtent cher, pour des résultats plus qu’aléatoires. La plus grande vigilance est donc recommandée. ■ J.-F.H.

Le docteur Jean-Marc De Sède a réalisé un mémoire intitulé “sectes et médecine”.

É CONOMIE Des D.R.H. sensibilisés L’entreprise ciblée par les sectes La formation professionnelle est souvent pour des groupes sec- taires une porte d’entrée dans l’entreprise et une source poten- tielle de ressources financières importantes.

F ormation pour apprendre à gérer son stress, stage de développement per- sonnel pour dirigeants d’en- treprises, séances de coaching individualisé… La formation

plus en plus vigilantes. À Besançon, l’A.N.D.C.P., l’asso- ciation nationale des D.R.H. a organisé en mai dernier une conférence sur le risque sec- taire dans l’entreprise. “Dans la région, nous n’avons encore jamais enregistré de problème, mais le risque existe comme ailleurs. On voulait avant tout sensibiliser les D.R.H. et les mettre en garde lorsqu’ils choi- sissent les organismes qui inter- viennent dans leurs entreprises” , explique Virginie Mollier, la présidente de l’A.N.D.C.P. en Franche-Comté. “On a une res- ponsabilité de protéger nos sala- riés. Quand on organise un séminaire sur un thème tel que “comment avoir confiance en soi”, c’est important de valider la formation et de regarder qui la propose.” ■ S.D.

sion interministérielle de vigi- lance contre les dérives sec- taires, qui note également une professionnalisation du systè- me, “avec des ressources qui proviennent de personnes

professionnelle peut parfois servir d’en- trée à des orga- nismes liés à des groupes de la mou- vance sectaire. Une occasion pour la sec- te d’infiltrer l’en- treprise et d’y faire du prosélytisme, mais aussi de gagner de l’argent. “Derrière des asso-

morales - organismes de formation profes- sionnelle, S.C.I. - dont les dirigeants et les animateurs sont membres de la secte et sont obligés de redistribuer une par- tie de leur chiffre d’af- faires au mouve- ment.” Une question à laquelle de plus en plus d’entreprises et

À Besançon, l’association nationale des D.R.H. a organisé une conférence.

de directeurs de ressources humaines sont sensibilisés. Alors qu’aucune réglementa- tion n’existe pour le moment dans le secteur du coaching , les entreprises se montrent de

ciations sectaires, il y a de nom- breuses entités juridiques qui permettent aux mouvements d’obtenir des ressources et de se consolider” , explique-t-on au sein de la Miviludes, la mis-

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