La Presse Bisontine 64 - Mars 2006

12 DOSSIER

P OINT DE VUE

Une députée monte au créneau Sectes et santé : l’U.N.A.D.F.I. réclame une commission parlementaire

Catherine Picard, présidente de l’union nationale des associa- tions de défense des familles et de l’individu (U.N.A.D.F.I.) et députée, a été le rapporteur de la loi About-Picard, adoptée en 2001 par le parlement et qui institue le délit de “délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse”.

les Témoins de Jéhovah, qui ont la capacité de lobbying la plus importante et le plus de moyens. ■ Propos recueillis par S.D.

C.P. : L’Est de la France en géné- ral est largement irrigué par les intégrismes religieux avec un fourmillement de cellules intégristes. Mais le groupe qui nous préoccupe le plus, comme dans les autres régions, ce sont

que l’on ait des idées différentes, que cela même puisse agir en placebo. Sauf quand les pseu- do-praticiens qui s’engagent là- dessus amènent leurs patients à rompre leurs traitements et lesmènent directement au cime- tière. Il y a des escrocs finan- ciers et spirituels. L.P.B. : Quelles sont les actions à mener ? C.P. : Dans chaque administra- tion de l’État, il faut une véri- table prise en considération du phénomène sectaire. La direc- tion générale de la répression des fraudes est sensibilisée quand il y a escroquerie. Mais quand vous n’avez même pas 400 inspecteurs du travail sur le terrain en France, le domai- ne sectaire n’est jamais priori- taire. Les élus aussi commen- cent à être sensibilisés, notamment dans tout ce qui touche la formation de leur per- sonnel. Car la formation pro- fessionnelle, c’est aussi souvent une porte d’entrée pour des groupes sectaires, qui leur per- met de faire le maximum d’ar- gent. L.P.B. : Quelle est la situation en Franche-Comté ?

L a Presse Bisontine : En quoi la loi que vous avez contribué à faire voter a changé l’arsenal juridique face aux sectes ? Catherine Picard : Par rapport à l’application de la loi votée en 2001, les premières jurispru- dences sont intervenues déjà en 2004. Il y a notamment eu le procès du gourou de la sec- te néo-phare àNantes - un grou- pe apocalyptique dont un des adeptes s’était suicidé -, qui s’appuyait pour la première fois sur cette loi. On est à l’heure actuelle le seul pays au mon- de à avoir un tel dispositif et la France sert un peu demoteur. La Belgique est elle aussi à la veille d’un grand processus législatif - c’est un des pays les plus touchés par le phénomè- ne sectaire -, le parlement cata- lan réfléchit en ce moment sur la question… Cette loi est un

sion d’enquête belge et d’autres sources provenant d’autres pays européens, on arrive plutôt à une estimation entre 500 et 600 mouvements. Cela relève parfois du micro-groupe. Pas plus de 20 personnes.

outil supplémentaire pour les magistrats. Nous nous sommes constitué partie civile à cinq reprises, dans des procès impor- tants, parce qu’à la base, des juges ont bien voulu instruire sur la base de cette loi. Cela se

met en place pro- gressivement. En 2006, des dossiers sont en cours d’ins- truction, notam- ment un impliquant les témoins de Jého- vah.

“On arrive à une estimation entre 500 et 600 mouvements.”

L.P.B. : L’arsenal juri- dique est-il suffisant désormais ? C.P. : Il doit se décli- ner par décrets et circulaires désor- mais. Nous récla- mons auprès de la mission intermi-

L.P.B. : Les groupes sec- taires sont-ils toujours aussi pré- sents ? C.P. : Dans son rapport de 1995, la commission parlementaire avait recensé 173mouvements. Dix ans après, quand nous croi- sons les données que nous avons à notre disposition, notamment celles émanant de la commis-

nistérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sec- taires (Miviludes), la mise en place d’une commission parle- mentaire sur les questions de la santé. Il faut arrêter, au nom d’une pseudo liberté, de dire que les gens doivent se faire escroquer. On peut concevoir

T ENDANCE

L’émergence de micro-sectes

Le paysage sectaire local a évolué depuis les années soixante-dix. Besançon n’est plus épargné par de nouvelles thèses qui oscillent entre satanisme et néo-nazisme et qui touchent avant tout les adolescents par le biais d’internet. Le satanisme fait son trou en Franche-Comté

Catherine Picard est députée de l’Eure. Elle est à l’origine d’une loi qui porte son nom. (photo F. Grimaud - CG27).

É PISODE Les sectes de passage Les Raéliens refoulés à Besançon

C’ est bien connu, la nature a hor- reur du vide. Pour compenser la chute des religions traditionnelles, d’autres “religions” investissent le terrain. “Le satanisme est le phénomène émergeant qui progresse le plus à l’heure actuelle” confirme le correspondant bison- tin de laMiviludes, la mission interminis- térielle de lutte contre les dérives sectaires. Bien sûr, comme toutes les régions fran- çaises, la Franche-Comté n’a pas été épar- gnée par ces sectes “traditionnelles” qui ont fleuri en France. “À Augerans dans le Jura, il existait la secte “Shri Ram Chan- dra”, un mouvement orientaliste dont les membres vivaient en communauté dans cette localité du Val d’Amour. Dans les années quatre-vingt-dix, à Chatenois, près de Dole, il y avait le siège des adeptes de Krishna qui avaient le projet pharaonique de créer une cité entière avec familles, écoles, etc. Ces communautés qui ont pu monter parfois à plusieurs centaines de membres tendent à disparaître” rapporte ce même spécialiste. Le courant actuel, c’est indéniablement la micro-secte, mouvement de quelques membres et dont les vecteurs principaux

restent, comme la plupart desmouvements sectaires, l’argent et le sexe. “Ce sont des pompes à pognon et derrière tout cela, on ajoute en général le sexe” ajoute un obser- vateur local du mouvement sectaire. Exemple parmi d’autres : le mouvement Kryeon, une organisation d’origine mi- extraterrestre mi-religieuse (voir article page 13) dont l’objectif est de “mettre la main sur les parents de gamins qu’on dit hyperactifs. Ce mouvement commence à s’enraciner localement.” Les chamans sont également très à la mode sur le plan local. Ou encore le “Reiky”, une méthode extrê- me-orientale qui permettrait de s’auto-gué- rir. Mais le phénomène qui dépasse aujour- d’hui le simple effet de mode, c’est bien le satanisme. “C’est une nouvelle religion qui est en train de s’implanter” affirme le cor- respondant local de laMiviludes. Né - une nouvelle fois - sur le sol américain, cemou- vement lancé par Anton LaVey s’oppose formellement aux trois religions tradi- tionnelles que sont le catholicisme, l’islam et le judaïsme. “L’Église de Satan est en train de s’imposer aux États-Unis comme une vraie religion, il y amême des officiants

en prison au même titre que les aumôniers catholiques.” Prônant le culte de l’indivi- du, du “moi”, rejetant tous les fondements des sociétés démocratiques, ne se fixant aucune barrière ni aucun interdit - notam- ment sur les questions sexuelles -, les adeptes du satanisme sont en sérieuse aug- mentation. Y compris àBesançon. “Le sata- nisme implique des petites structures de 5 ou 6 personnes. Lors de cérémonies sata- nistes, les jeunes adeptes servent notam- ment à assouvir les vices des plus âgés.” Pire : l’évolution actuelle du satanisme irait vers le satano-nazisme, basé sur le culte du surhomme. Ces thèses se répandent notamment par la musique : certains concerts de black métal perlent d’eux- mêmes… Une fois encore, il n’y a quasiment aucun moyen de lutter contre l’expansion de tels mouvements, qui prennent racine notam- ment sur internet. L’exemple le plus par- lant de l’influence nouvelle du satanisme, c’est l’arrivée prochaine dans les librairies de la capitale comtoise de la “Bible deSatan”, diffusée par une maison d’édition nan- céienne. ■ J.-F.H.

L es adeptes du gourou Raël ont tenté en novembre dernier de louer une salle de réunion d’un hôtel bisontin sous une faus- se identité. Prévenus à temps, les responsables de l’hôtel les ont éconduits. “Une société se

Cette dernière justifie son refus non pas sur le simple fait d’avoir eu connaissance que derrière le nom de la société se cachait un mouvement sec- taire, mais surtout sur les risques encourus : “Que ce soit une secte, un mouvement poli-

tique ou encore une manifestation com- merciale, si l’am- pleur de la réunion risque de dépasser nos capacités, nous sommes obligés de refuser. Nous avons été trompés sur la

présentant sous le nom d’E.R.M. a réservé une salle par téléphone pour un groupe d’environ 25 personnes. Le jour de la réunion, on a vu des gens distri- buer des tracts dans

“Nous avons été trompés sur la réservation.”

réservation” ajoute la respon- sable. Malgré leurs menaces de représailles, les Raéliens ont dû finir par se soumettre au refus de l’hôtel. ■ J.-F.H.

les rues pour appeler à venir assister à cette réunion. Voyant qu’une telle manifestation pou- vait vite déborder, nous avons préféré leur interdire l’accès à l’hôtel” rapporte la gérante de l’établissement.

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