La Presse Bisontine 63 - Février 2006

6 L’ÉVÉNEMENT ’

LOGEMENTS SOCIAUX : les dessous des attributions

Besançon compte près de 15 000 logements sociaux. Soit 21 % de l’ensemble des logements de la ville, largement au-dessus de la moyenne nationale. Loin des grandes barres des années 70 - symbole de la stigmatisation socia- le - les H.L.M. ont fait place à des petits programmes inté- grés jusqu’au centre-ville et dans les quartiers résiden- tiels. Très demandés par les locataires. Près de 60 % des demandes se concentrent sur moins de 15 % du parc locatif H.L.M. Pour beaucoup, cela est synonyme de mois, voire d’années d’attente. Surtout qu’une partie non négli- geable du parc est déjà réservée, au bénéfice des sala- riés des financeurs du logement social. Dès lors, l’attribution des logements est souvent entourée de suspicion, voire de soupçons de pistons - les scandales des années 90, à la mairie de Paris notamment, ont laissé des traces, de la part d’élus ou des services des bailleurs eux-mêmes. Quels sont ces critères ? Et jouent-ils la carte de la mixi- té sociale ? Pas si sûr.

L OYER De 268 euros à 530 euros pour un T4

Censé être un instrument de mixité sociale, le logement social oublie de jouer son rôle. Car la plupart des appartements récents ou bien situés sont souvent plus chers que les autres. Des logements trop chers pour être sociaux

H akima cherche déjà depuis plus d’un an à déménager. Quitter son appartement devenu trop petit et son quartier de la Grette “un peu trop bruyant, surtout en été.” Elle rêve d’un nouveau logement dans les quartiers les plus demandés, le centre-ville ou Saint-Fer- jeux. “Àmoins d’avoir une por- te d’entrée autre dans le systè- me ou d’être un cas social ou une femme battue, c’est très dif- ficile d’obtenir quelque chose” , souffle-t-elle. L’office H.L.M. lui a déjà fait deux proposi- tions, d’appartements au centre-ville qu’elle a dû refu- ser. L’un trop petit et l’autre trop cher. “900 euros hors charges pour un T4 dans la Boucle. Avec un tel montant, c’était impossible. Je suis trop riche pour avoir droit auxA.P.L. mais pas assez pour accéder à la propriété” , reprend-elle.Trop cher, Hakima est pour l’instant toujours dans son ancien appar- tement de la Grette. Créé pour permettre un accès au logement aux catégories sociales qui n’ont pas accès au parc privé ou à la propriété, le logement social a un terrible problème. Celui de ne pas per-

mettre, en grande partie, une véritable mixité sociale. Car même si les organismes H.L.M. affirment le contraire, les loyers dans les programmes les plus prisés - dans des quartiers répu- tés plus sûrs ou dans des immeubles récents - sont sou- vent plus élevés qu’ailleurs.

qu’elles n’ont ni caution, ni garantie et ne travaillent pas. Si elles n’ont pas cela, leur dos- sier sera considéré comme incomplet… Et ne passera même pas en commission.” n S.D.

tiels n’ont pas les moyens de les louer. C’est le paradoxe. Dans certains quartiers, il y a des appartements en vacance. Et en même temps, vous avez des jeunes mères qui restent par- fois chez leurs parents parce

dans la Boucle n’est pas plus cher qu’un autre de notre parc. Tout dépend du plan de finan- cement que nous mettons en place. Le programme que nous avons place Bacchus et celui de Franois ont été financés de la même façon, les loyers sont identiques” , affirme-t-on àHabi- tat 25. Et un des moyens d’augmenter cette mixité socia- le, c’est le P.L.A.I. Un prêt spé- cifique, qui permet d’assurer des loyers très faibles, même dans les programmes de qua- lité, réservés à des locataires dont les ressources n’excèdent pas 60% du plafond de reve- nu. Seul problème, les P.L.A.I. sont “désormais délivrés au compte-gouttes par l’État” , selon la C.L.C.V. Même chose pour la réhabilitation des anciens immeubles, où les aides ont chuté de 35 à 5 %. Ce qui repor- te sur les organismes logeurs et donc les locataires la char- ge des travaux. Et induit des hausses significatives de loyers. “On peut avoir un discours pour vouloir faire des appartements sociaux, reprend Simone Mon- nin, administratrice aux com- missions d’attribution d’Habitat 25 pour le C.L.C.V., ils reste- ront vides si les locataires poten-

la population n’aura pas d’autres moyens que d’aller là où personne ne veut aller” , s’énerve l’association C.L.C.V. (consommation, logement et cadre de vie), qui représente les intérêts des locataires au sein de certaines commissions d’attribution des organismes logeurs.

Un T3, cité de la Baume, revient ain- si à 268 euros par mois, contre 530 euros pour lamême catégorie d’appartement, dans un des nou- veaux programmes

“Un logement dans la Boucle n’est pas plus cher.”

À la retraite, Alain Springaux, qui fait partie de C.L.C.V, a expérimenté cette situation. Résidant de Palente depuis des décennies, il souhaiterait quit-

ter son ancien appartement, trop grand, pour un des futurs logements en construction à une centaine de mètres de son ancien immeuble. “Mais le loyer est à 500 euros par mois, Je ne pourrais pas me permettre de déménager, même si le loge- ment m’est attribué” , reconnaît- il. Les niveaux des loyers sont en fait fixés en fonction des plans de financement mis en place pour la construction ou la réhabilitation des logements sociaux. Plus le plan est inté- ressant et bénéficie de sub- ventions, moins les loyers seront élevés, a priori . “Un logement

de Planoise, à la S.A.F.C. De même un T2 à Van Gogh est affiché 410 euros, 221 euros rue des Roses à Palente. “Il y a un langage et il y a les faits. Dans les beaux logements, réno- vés, seules deux catégories de population peuvent y accéder. Les familles sans ressources avec beaucoup d’enfants mais qui touchent de ce fait une aide au logement importante - sachant qu’une fois les enfants grands, elle n’aura plus les moyens de rester dans cet appar- tement - et des personnes qui ont de fortes ressources, à la limite des plafonds. Le reste de

Les logements sociaux de la rue de la Vieille-Monnaie.

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