La Presse Bisontine 62 - Janvier 2006

UN QUARTI ER À L’HONNEUR

par S.D.

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Un quartier de congrégation Fondée à la sortie de la Révolution française, la congrégation des sœurs de la charité est implantée depuis des décennies à Saint-Ferjeux. Elles sont encore plus d’une dizaine à résider dans le quartier. Et depuis deux ans, unemaison de retraite qui accueille laïcs et religieux âgés a ouvert ses portes sur leur propriété. En passant par… Saint-Ferjeux C ONGRÉGATION Une maison de retraite depuis 2003

Saint-Ferjeux à la recherche de son passé H ISTOIRE Une exposition en mars Recueillir la mémoire pour la transmettre aux plus jeunes. Depuis plusieurs mois, une vingtaine d’anciens habitants du quartier collectent anecdotes et souvenirs pour reconstituer l’histoire de Saint-Ferjeux et Rosemont. Une exposition en mars 2006 devrait en découler. Et la compagnie de théâtre du P’tit vélo s’en est inspirée pour son prochain spectacle.

“J’ avais cette idée dans la tête. Beau- coup d’anciens habitants ont connu le quartier quand il était encore couvert de terrains agri- coles et maraîchers. Je voulais faire raconter aux gens cette époque. Pour que cette mémoi- re ne se perde pas” , explique Bernard Humbert. Pour récol- ter le passé, l’homme qui a tou- jours vécu à Saint-Ferjeux, “sauf un an, pendant le servi- ce militaire” , a lancé il y a plu- sieurs mois un groupe de tra- vail. Ils sont désormais une ving- taine à retracer l’histoire de Saint-Ferjeux, en recueillant les anecdotes et les souvenirs des personnes les plus âgées, en emmagasinant les vieilles photos. Une histoire de la vie de tous les jours, loin de celle enseignée dans les manuels. Avec sa compilation des recettes imaginées pour faire face au rationnement sous l’occupation allemande, les histoires des bandes d’enfants du quartier… Une exposition en mars, à la maison de quartier, puis un livre devraient naître de ce tra- vail. Près d’une centaine de

Pour son prochain spectacle, la compagnie de théâtre de Jean Martin, s’est inspirée du travail de mémoire des habitants.

l’a vécu comme un “besoin” , pour “transmettre aux plus jeunes. Montrer comment on pouvait s’amuser quand il n’y avait pas toute cette moderni- té”. Pas de nostalgie pourtant, mais une volonté de se tour- ner vers l’avenir. C’est aussi la philosophie de Claire Schnei- der, la stagiaire qui encadre le groupe à la maison de quar- tier. “Le but n’est pas d’avoir une vision passéiste. Le but, c’est de partager et de faire réfléchir les gens sur leur quar- tier, créer de nouveaux liens aussi. Ce n’est pas de dire que c’était mieux avant”, affirme- t-elle. Se pencher sur le passé, pour mieux lire le présent et l’avenir. L’idée a aussi inspiré JeanMar- tin, le directeur depuis seize ans de la vénérable compagnie du P’tit vélo, la troupe du théâtre de Saint-Ferjeux qui a fêté cette année ses 95 ans. Non loin de l’entrée de la peti- te salle aux bancs de bois, d’anciennes affiches de repré- sentations des années 30, des photos d’acteurs donnent le ton. Jean Martin a gardé du lieu la tradition d’un théâtre populaire, qui questionne le spectateur.Tous les week-ends de janvier et février, les comé- diens amateurs doivent jouer “C’était mieux avant ”. Une réflexion autour du passé et de l’avenir. Pour nourrir la piè- ce, le directeur du théâtre est lui aussi parti à la rencontre des anciens du quartier, pour leur faire raconter la vie d’avant. “On est parti de la nos- talgie. C’était mieux avant, est quelque chose qu’on entend sou- vent. Mais on s’aperçoit, en par- lant avec les anciens, que ce n’était pas le cas, résume-t-il. Ils disent au contraire que la vie était plus dure, mais on était alors aussi plus libre”. n

Les jeux dans la rue, le pas- sage de la matelassière qui fabrique à la demande lesmate- las, l’animation du quartier, chapeautée par l’Église et le patronage, l’entraide des femmes mais aussi plus sombre, la vie sous l’occupation… Monique Mosy a choisi de raconter tout cela. “Au début, je ne pensais pas être capable de pouvoir écrire ainsi mes sou- venirs. Et puis je me suis lan- cée un soir. À une heure du

pages ont déjà été réunies. Et si Saint- Ferjeux s’intéresse autant à son passé, c’est peut-être parce que le quartier a changé fondamenta- lement. Dans les

matin, j’étais tou- jours en train d’écrire” , s’amuse la vieille dame de 76 ans. Arrivée à l’âge de 11 ans dans les bâtiments flambant neufs de

“Il y a un vrai attachement au quartier.”

Fondée à Besançon en 1799, la congrégation des sœurs de la charité est implantée dans le quartier depuis des décennies.

Rosemont, Monique n’en est jamais repartie. “Il y a un vrai attachement au quartier. D’ailleurs, de ceux qui en sont partis, beaucoup ont cherché à y revenir”, ajoute-t-elle, aler- te. Son travail de mémoire, elle

années 30, l’endroit est enco- re un quartier périphérique et populaire, presque un village, coupé du centre de Besançon par les terrains militaires qui bordent la rue de Dole. Le quar- tier de Rosemont ne se construit qu’en 1932.

C’ est un grand parc arboré, entouré d’un haut mur de pierre. Le cœur de Saint-Fer- jeux, qui s’étend de la basilique à la maison de quartier. C’est là que sont installées les sœurs de la charité, depuis plusieurs décennies. “Ici, avant, le ter- rain appartenait en grande partie soit aux sœurs, soit à l’armée” , remarque une habi- tante. Fondée à Besançon au lende-

dialogue avec les gens” . Ensei- gnante, infirmière… les sœurs de la charité travaillent dans le quartier. Depuis 2004, une maison de retraite, gérée par une association laïque, s’est aussi ouverte dans le grand parc. Qui accueille désormais une quarantaine de personnes âgées laïques, et les sœurs âgées de la congrégation ou d’autres ordres bisontins. “His- toriquement, les sœurs hospi- talières et de la charité avaient chacune une petite maison pour accueillir celles qui étaient trop âgées. En 2004, nous avons réuni les différentes structures qui existaient dans le quartier, rue de l’Amitié notamment, en un seul endroit. On accueille aussi des religieuses d’autres ordres” , résume le directeur de la structure, Jean-Marc Lan- dais. Un deuxième bâtiment flambant neuf, réservé aux reli- gieuses âgées vient d’ailleurs d’être inauguré le mois der- nier. n

leurs effectifs, les sœurs de la charité ont fusionné avec leurs voisines, les sœurs hospita- lières en 2000.“ Une femme qui autrefois voulait se dévouer aux autres devenait religieu- se. La professionnalisation des femmes est d’ailleurs passée par la professionnalisation des ordres. L’école des sciences sociales, l’école d’infirmière, etc. ont été fondées à Besançon par les sœurs de la charité ou hos- pitalières, ajoute sœur Nicole.

main de la révolu- tion française, en 1799, la congréga- tion compte encore plusieurs dizaines de sœurs en

Désormais, elle ne va pas forcément fai- re ce choix mais s’investir dans une association par exemple.”

Un deuxième bâtiment flambant neuf.

Pull violine, avec simplement une petite croix discrète sur la poitrine, la religieuse a remi- sé l’uniforme et la cornette au placard. “Rien n’est obligatoi- re. Mais toutes les plus jeunes sont en civil. Ça ne veut pas dire que je cache mon engage- ment, mais ça permet un autre

Franche-Comté, 2800 dans le monde. Dont une douzaine tou- jours en activité à Saint-Fer- jeux. “Il y a 70 ans, il pouvait y avoir jusqu’à 50 femmes qui entraient dans la congrégation chaque année. Désormais, c’est plutôt une par an” , affirme l’une des sœurs. Devant la baisse de

Monique Mosy habite le quartier depuis 65 ans. Depuis quelques mois, elle s’est lancée dans un travail de mémoire, “pour transmettre aux plus jeunes.”

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