La Presse Bisontine 62 - Janvier 2006

24 REPORTAGE

Récit Solène Davesne

24 heures avec… les animations de fin d’année Père Noël sur le marché de Noël, place Granvelle, peintre et décoratrice de vitrine, ils travaillent pen- dant la période des fêtes. Des emplois saisonniers, pour créer une ambiance féerique.

14 h 30, le père Noël rejoint son chalet au bout du marché de Noël, place Granvelle.

L e visage à demi caché derrière son bonnet, le bonhomme haut comme trois pommes a pris d’un air incrédule le bonbon, tout en dévo- rant des yeux l’homme en rouge vif. “Il est rigolo le père Noël” , conclut-il en s’éloignant, rieur. Rigolo peut-être, mais vedette incontestée du marché de Noël, sans aucun doute. Son chalet, entouré d’ours et de rennes en peluche est cerné de bambins et leurs parents. Pour l’état-civil, le père Noël s’appelle Henri, 61 ans. Employé, comme les trois lutins en peluche qui se promènent place Granvelle, par la sociétéVitamine, qui gère l’animation de tout le marché de Noël. Collier de barbe blanche sur un visage rond, fines lunettes, voix grave, l’homme ressemble à s’y méprendre, à son per- sonnage. Père Noël, il a commencé à l’être il y a quatre ans. Une affaire de famille. Son beau-frère était le père Noël précédent. Quand celui-ci a dû incarner son personnage à Lyon, Henri l’a remplacé à Besançon, “pour rendre service.” Et s’est pris au jeu. “Ça m’amuse. Et quand il n’y a pas trop de monde, on prend le temps de parler aux enfants, de les interroger sur leur commande au père Noël. C’est magique” , affirme le père Noël, à la retraite dans la vie civile, en se pré- parant dans son vestiaire, dissimu- lé au bout de la place Granvelle. 14 h 30 , le père Noël rejoint son pos- te, un panier de papillotes au bras. Chaque enfant a le droit à sa frian- dise. Craintive, une petite fille préfè- re observer l’homme en rouge de loin, aux bords des larmes. Papillote à la main, c’est le père Noël qui s’avance. “Avec les bonbons, j’arrive toujours à les faire venir à moi, même les plus timides. Cela ne sert à rien de les for-

cer. Parfois, il faut un peu de temps, mais c’est rare qu’à la fin, je n’y arri- ve pas” , souffle le père Noël. Kevin, lui est venu apporter un des- sin de rennes et sa commande, qu’il remet religieusement au père Noël. “Je ne sais pas si je pourrai tout appor- ter. Ce sera la surprise” , répond pru- demment celui-ci.Enmoins d’une heu- re, un premier panier de papillotes est vide. Près de 10 kilos ont été dis- tribués. La fonction de père Noël est loin d’être de tout repos. Il faut avoir réponse à tout, éviter les pièges des garçonnets qui demandent où peu- vent bien se trouver les rennes et des ados prêts à tout pour lui tirer la bar- be. Brutalement, une coupure d’électricité a plongé le petit chalet dans le noir. Court répit pour le père Noël.Le défilé des enfants et des flashes reprend.Car l’attraction la plus impor- tante courue, c’est la photo côte à côte avec le père Noël. Les clichés, pris chaque fin d’après-midi par un pho- tographe, sont offerts par l’union des commerçants de la ville. “Ce week-end, on a dû réaliser près de 200 photos par jour. Pas seulement avec les enfants. Les étudiants aussi adorent. Les seuls qui me posent parfois un peu problè- me, ce sont les ados. Ils ne pensent qu’à m’embêter ou tirer ma barbe.” Le père Noël s’éclipse. Il est dix-neuf heures, son service vient de se termi- ner pour aujourd’hui. Une après-midi dans le froid, presque sans bouger. Le métier est physique. Henri, le père Noël, est “épuisé. Quand il y a trop de monde, la journée paraît très longue. On n’amême pas le temps d’établir un contact avec les enfants” , regrette-t-il. Il sera à son poste dès le mardi.

Chaque jour, près de 200 photos sont prises par le seul photographe de l’union des commerçants.

“Avec les bonbons, j’arrive toujours à les faire venir à moi, même les plus timides. Cela ne sert à rien de les forcer. Par- fois, il faut un peu de temps, mais c’est rare qu’à la fin, je n’y arri- ve pas”, souffle le père Noël.

L a magie de Noël, Sandrine Danis y participe aussi à sa manière. Dehors, il fait déjà très froid.Mais emmitouflée dans un gros pull-over, un bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, Sandrine Danis n’en a cure. Et patiemment, d’un geste précis, elle termine son dessin de pingouin à l’allure un peu espiègle. Le reste de l’année, la jeune femme est décora- trice d’intérieur et consultante en feng shui , un art chinois basé sur l’harmonisation des espaces. Mais lorsqu’approchent les fêtes de fin d’années - et quelques autres dates- clefs du calendrier, de Pâques à la fête des mères -, elle redevient peintre de vitrines. Dans le Doubs, elle est une des rares à exercer cette profession. Formée aux beaux-arts à Valenciennes, dans le Nord, elle a commencé la décora-

tion des vitrines pendant ses études. “C’est un peu la tradition, là-bas. Les commerçants ont l’habitude de faire peindre leurs vitrines. Plusieurs étu- diants tournaient sur toute la ville. Quand je suis arrivée à Besançon, il y a 15 ans, j’ai continué à le faire.Même si ce n’était alors pas répandu” , explique-t-elle. De temps en temps, la peintre regarde son modèle, dessi- né sur une petite feuille de papier. Ses pingouins et ours polaires facé- tieux, qui se déclinent sur toutes les portes des bâtiments de la Poste, au centre-ville, sont inspirés d’un timbre édité spécialement pour les fêtes. De novembre à la fin décembre, la jeu- ne femme peint des vitrines, dans tout le département. Des motifs impo- sés ou qu’elle imagine selon son humeur. “Mais les gens restent sou- vent très classiques. Ils me deman-

dent surtout des pères Noël. À par- tir de la deuxième année, quand je connais mieux les gens, je peux leur proposer des choses qui leur corres- pondent plus. Avec des tons plus pas- tels…” , reprend Sandrine. Coût d’une vitrine : entre 20 et 400 euros. Selon la complexité et le temps passé. Et même si le métier exige de travailler dans le froid, Sandri- ne Danis ne l’abandonnerait pour rien au monde. “Ce n’est pas de l’art, c’est sûr. Mais cela permet de don- ner un peu de plaisir aux gens, par- ticiper à cette ambiance de fête. Dans certains villages, les gens font le tour des vitrines, comme ils font le tour des illuminations, affirme-t-elle. C’est ce contact que j’aime bien. Quand je peins, il y a toujours quel- qu’un pour venir discuter, ou juste m’observer.”

Depuis quinze ans, Sandrine Danis décore les vitrines des commerçants pour les fêtes de fin d’années. Le motif le plus demandé : le père Noël évidemment.

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